COMMENTAIRE: Scott Mc Nealy (Sun), l'usure du pouvoir ?
Publié par Pierre Mangin le - mis à jour à
La démission, du poste de CEO, du co-fondateur de Sun Microsystems -firme atypique dans l'univers de l'informatique- suscite bien des questions. A dire vrai, elle ne surprend qu'à moitié.
Scott Mc Nealy reste une grande figure de l'histoire de l'informatique. Nous n'en sommes pas à la rubrique « nécrologie ». Après 24 ans de loyaux services, le co-fondateur de Sun conserve un fauteuil plus qu'honorifique: celui de 'chairman', c'est-à-dire président du conseil d'administration -représentant les intérêts des actionnaires, mais également ambassadeur auprès des grandes institutions et administrations américains.
Il cède légitimement la place à Jonathan Schwartz au poste de 'CEO', donc directeur général, en charge de l'opérationnel -lequel l'occupait déjà, de facto, comme COO (directeur des opérations). Ce qui n'est que justice à l'heure où la nouvelle gouvernance impose de dissocier les fonctions de président du conseil (ou du directoire) de celles de directeur général. Contre vents et marées. Avec J. Schwartz, on tourne une page. Il appartient à la nouvelle génération; il était déjà perçu comme le dauphin. On note aussi que ce retrait de Scott Mc Nealy suit le retour, en février dernier, de Michael Lehman, comme directeur financier, poste qu'il avait occupé de 1998 à 2002. Ce dernier a la réputation d'être un « coupeur de coûts », un gestionnaire qui, en matière d'économies, ne fait pas dans la dentelle. C'est là une position aux antipodes de celle du père fondateur. Scott Mc Nealy, contre vents et marées, a toujours prôné des investissements colossaux dans la recherche et le développement : jusqu'à 2 milliards de dollars en R&D, chaque année, soit quasiment un quart ou un cinquième des revenus! Jamais avare de déclarations décalées, en forme de pied de nez ou de pitreries - à la façon d'un Steve Jobs- Mc Nealy répétait qu'il était las de la pression des actionnaires et, faute d'arguments, il allait racheter toutes les actions de la société en Bourse!. L'histoire dira un jour. Depuis les années difficiles 2001-2003, la profitabilité n'est plus au rendez-vous. Mais d'autres raisons pourraient expliquer ce qui ressemble bien à une mise sur la touche. L'histoire dira s'il était opportun ou non de s'obstiner si longtemps dans le développement des processeurs UltraSparc -qui ont fait et font encore la renommée de la marque -avant d'en partager les coûts de développement avec Fujitsu. Ou s'il n'aurait pas fallu céder plus tôt au charme des processeurs d'AMD? Lui reprochera-t-on également d'avoir trop attendu pour relativiser le rôle « stratégique » du système d'exploitation Solaris, qui bénéficie certes d'un solide ancrage par exemple auprès des sociétés de bourse et des traders -mais qui reste « propriétaire »? L'ouverture au monde « open source » a finalement prévalu. Lui reprochera-t-on le rachat, ambitieux, de StorageTek (pour 4 milliards de dollars) ou celui, moins écrasant, de SeeBeyond ? Scott Mc Nealy s'est toujours fait un honneur de disposer d'un trésor de guerre, même aux pires heures de la bulle Internet. Donc, des acquisitions étaient possibles -mais à quel prix? Les temps ont changé! Pour l'heure, même si les temps ont changé chez Sun, rien ne dit que Mc Nealy restera dans l'ombre. Dans une autre organisation, un certain Bill Gates a choisi, lui aussi, de céder le fauteuil de président pour celui, plus baroque, de grand architecte. Michael Dell également a su prendre du recul. Idem chez Intel. Alors, une coquetterie de patriarche? Un effacement volontaire en attendant des jours meilleurs? Ou déjà un pied dehors pour préparer une honorable retraite? Trop trôt pour le dire. L'histoire montre que les « quinquas », comme les « quadras » hier, peuvent toujours rêver de rebondir. _____ Réactions, commentaires?redaction@silicon.fr