Chargeur universel : l'UE cherche encore la bonne voie
Publié par Clément Bohic le | Mis à jour le
La Commission européenne prend du retard dans sa tentative d'imposer un chargeur universel pour les téléphones mobiles. Des documents internes éclaircissent la situation.
Où en est l'Union européenne (UE) dans sa tentative d'imposer un chargeur universel pour les téléphones mobiles ? Il y a un an, les députés avaient largement voté une résolution dans ce sens. Elle enjoignait à la Commission européenne de prendre les mesures nécessaires pour le 30 juillet 2020 au plus tard. Toujours rien depuis.
La publication de documents internes laisse apparaître une nouvelle échéance : juillet 2021. Si le chantier a pris du retard, c'est notamment parce qu'un deuxième aspect s'est glissé dans la réflexion : le « découplage » des chargeurs. C'est-à-dire leur vente séparément des téléphones mobiles.
Études d'impact à l'appui, l'UE a considéré qu'imposer simplement une interface commune n'aurait d'effet que sur environ 20 % du marché. En l'occurrence, les iPhone, qui utilisent un connecteur Lightning.
Le Parlement lui-même avait appelé, avant la publication des études d'impact en question, à mêler les deux approches. Et à les coordonner avec le plan d'action européen pour une économie circulaire.
Sur le volet « chargeur universel », l'UE s'appuiera probablement sur la directive 2014/53 relative aux équipements radioélectriques. Pour la question du découplage, le levier semble devoir être la directive 2009/125 sur l'écoconception. Mais sa mise à contribution requerra des mesures complémentaires pour éviter une déferlante de chargeurs contrefaits et/ou non conformes aux normes. Et une campagne d'« évangélisation » auprès des consommateurs.
Chargeur universel : une épine nommée Apple
Pourquoi tout ce processus ? Parce que l'approche initiale ne fonctionne plus. C'était celle d'un mémorandum signé en 2009 avec l'industrie des téléphones mobiles. Les parties prenantes avaient accepté d'intégrer un connecteur USB 2.0 B Micro (micro-USB) aux produits qu'ils commercialiseraient à partir de 2011.
Même les constructeurs qui n'avaient pas rejoint la boucle avaient fini par prendre le pli, se félicite la Commission européenne. En trois ans, cela a permis, assure-t-elle, de réduire significativement le volume de chargeurs produits : entre 6 et 21 millions de moins.
Le mémorandum avait fait l'objet de deux renouvellements, avant d'expirer en 2014. À l'issue d'âpres négociations, l'industrie en avait soumis un nouveau en 2018, par l'intermédiaire de DigitalEurope. Mais la Commission européenne ne l'avait pas jugé satisfaisant. En particulier parce qu'il laissait la place à des connecteurs propriétaires. Au premier rang, le Lightning d'Apple, qui reste aujourd'hui la seule « anomalie », à l'heure où l'USB-C supplante l'USB-A.
Instruments fragiles
Bruxelles a par ailleurs des doutes sur la manière d'utiliser les leviers à sa disposition. L'article 3 de la directive de 2014 recommande que les équipements radio aient des accessoires interopérables, en particulier les chargeurs. Elle donne droit à la Commission européenne d'en faire une obligation, par acte délégué. Mais comme elle ne contient pas de définition du « chargeur commun », la validité d'un tel acte pourrait être contestée devant la CJUE.
Une solution consisterait à utiliser la voie « traditionnelle » pour amender la directive de 2014. Et permettre à la Commission d'insérer une définition dans son acte. Mais la procédure prendrait du temps. Et supposerait d'autres travaux. Entre autres pour spécifier des exclusions (équipements de test, implants cochléaires.).
Cette même voie « traditionnelle » pourrait être choisie pour la question du découplage. Autre possibilité pour éviter le même écueil qu'avec la directive de 2014 : adopter un acte dans le cadre des provisions pour le marché intérieur inscrites à l'article 114 du traité sur le fonctionnement de l'UE. Une procédure là aussi chronophage.
Photo d'illustration © Jim Bauer / CC BY-ND 2.0