Services IT: l'externalisation 'soft' ou existe-t-il un 'modèle indien HCL'?
Le géant indien HCL, loin d'ignorer la crise, semble au contraire en tirer parti. Son modèle « Employees first », claironné par un patron tendance « gourou charismatique », suffit-il à expliquer sa réussite dans l'outsourcing ou externalisation de services IT?
New Delhi (Nord de l'Inde).- Le miracle indien, modèle de certains pays émergents, s'illustrerait-il ici dans la capitale administrative d'un sous-continent' atteignant 1,2 milliard d'habitants? A l'heure où cette grande puissance du Common Wealth héritée de l'Empire britannique -visuellement encore très présent ici- consolide sa croissance (taux annuel « volontairement » (?) freiné à +8 ou +9%), nous avons pu assister à l'un de ses « meetings » d'information internes, conçus sur le mode des réunions électorales ou meetings politiques, voire des cérémonies religieuses?
La harangue, avec la volonté de convaincre en suscitant la mobilisation de tous les salariés, est impressionnante.
Le CEO (dg), Vineet Nayar, excelle lorsqu'il répond en direct à son personnel sans esquiver totalement les questions gênantes dont celles relatives aux « compensations » salariales : ils seraient, en moyenne, 5% inférieurs à ceux de la concurrence (Infosys, Wipro, TCS.), alors que l'entreprise en 5 ans est passé de 3 à 5 milliards de dollars.
Derrière le charisme d'un CEO « gourou »
Vineet Nayar s'affiche comme une sorte d'évangéliste de la transparence et de la mobilisation collective. La métamorphose de l'Inde passe aussi peut-être par là. Surprenant: il pénètre dans la salle, par l'allée centrale d'une grande salle de spectacle, ovationné par une assistance en liesse qui se lève comme un seul homme - séquence de l'inévitable 'standing ovation' comme s'il s'agissait d'un happening de rock-star.
Le BPO, l'expertise SAP et le. 'cloud computing'
HCL (*) doit sa spectaculaire expansion au développement de l'outsourcing et des ERP, bien au delà des missions de BPO (business process outsourcing) -classiquement toutes les tâches de traitement de 'back-office' dans les grandes banques ou autres grands comptes comme Saint-Gobain en France, ou encore des entreprises spécialisées comme Zodiac (activité aérospatiale). Aujourd'hui, cette activité de BPO ne pèserait plus que 7 à 8% dans les revenus de HCL Technologies.
Le groupe était initialement un constructeur et une société de développement IT -elle est allée jusqu'à développer son propre système d'exploitation, sur ses propres PC, serveurs -c'est la branche HCL Infosystems, créée initialement en 1976. Depuis plusieurs années déjà, à l'instar de ses concurrents, son autre branche, HCL Technologies, a notamment développé son expertise sur les plates-formes d'ERP, en particulier SAP, mais également les process SOA (Software oriented architecture). A ce jour, on pouvait s'y attendre, HCL annonce s'investir également dans le 'cloud computing', comme suite logique des prestations du 'pay per use' ou du SaaS (Software as a service).
L'ambition du « consulting » à forte valeur ajoutée ?
HCL a connu ces 5 dernières années une sorte de miracle économique - y compris depuis le début de la crise actuelle, apparue il y a deux ans. Le phénomène de l'off-shore, sa meilleure acceptation (« sauf en France, qui ne peut pas se comparer aux Pays-Bas« .) et la course à la réduction des coûts des grandes multinationales expliquent certainement le boom de ces années 2005-2010 chez HCL.
Sa progression annuelle, en chiffre d'affaires et en part de marché n'a jamais été aussi forte: + 24% pour le chiffre d'affaires, pour atteindre 5,3 milliards de dollars, et sa part de marché dans les services IT est passée de 11 à 14%.
L'activité d'outsourcing de services IT représente environ 2,7 milliards de dollars sur le dernier exercice qui totalisait 5,3 milliards.
HCL compte 71.000 salariés aujourd'hui, dont 90% employés en Inde. Son ambition est d'atteindre les 100.000 personnes, dont une partie répartie dans 100 pays à travers le monde, en quelques années.
Pour continuer sa croissance, HCL mise sur son excellence et sa capacité à répondre progressivement à des demandes de consulting stratégique- face à des leaders du secteur qui s'appellent IBM, Accenture, Capgemini. Mais en se fiant aussi à sa « capacité d'innovation » pour faire mieux que la concurrence.
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Un livre culte: « Employees first, customers second »
Quelques bonnes raisons peuvent expliquer la forte détermination de Vineet Nayar, CEO et vice-chairman de HCL, à mettre en avant « son » modèle « Employees first, customers second », au point d'en faire le sujet d'un livre culte (ce qui est fréquent ici au pays du Mahatma Gandhi où les gourous abondent). L'une des explications est sans doute à chercher dans la propre mésaventure qu'a connue ce patron charismatique et qu'il narre en page 32 de son ouvrage: en 1985, alors qu'il était frais émoulu d'un MBA de la XLRI School of Business and HR, il choisit d'entrer comme « trainee » (stagiaire) chez HCL, une entreprise alors de petite taille (4 millions de dollars), suffisamment petite pour que ses ambitions puissent se percevoir assez rapidement et qu'il puisse « aider ainsi faire croître l'entreprise« . C'est alors qu'un 'senior executive' l'a pris à part pour lui déclarer tout de go qu' »il n'avait probablement pas d'avenir chez HCL« ! Pourquoi? - demanda le jeune ambitieux. « Parce vous n'avez pas suffisamment considéré nos produits. Vous ne vous souciez que de stratégie« . Belle revanche aujourd'hui.
Le modèle « Employee first » procède de 4 « phases »: « Miror miror« , c'est scruter son entreprise en visant un « meilleur avenir »; « Trust through transparency » ou le principe de confiance par la transparence; l'inversion de la pyramide ou comment redéfinir les process de l'entreprise pour que les fonctions de support et le management rendent compte devant les employés; enfin, reconfigurer ('recasting') le rôle du CEO, afin notamment de « transférer la responsabilité du changement depuis le bureau du dg vers les employés dans la zone de valeur ('value zone'), zone de valeur qui interfère nécessairement entre l'entreprise et ses clients.
Il est vrai que, IT ou pas, consulting stratégique ou pas, l'activité est clairement ancrée dans le service. Avec des ambitions dans « l'innovation » mais toujours et essentiellement dans le devenir des services et des applications externalisables.
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(*) HCL : Hindustan Computers Ltd (1976) est constitué de deux sociétés: originellement, HCL Infosystems (conception et fabrication de PC et de serveurs) et HCL Technologies (activité d'ingeniering, services BPO, managed services.) . A ce jour, la capitalisation du groupe est estimée à 7,5 milliards de dollars. En janvier 2010, HCL, via la fondation Shiv Nadar (le chairman, co-fondateur) a ouvert, sur son propre campus de New Delhi, le Kiran Nadar Museum of Art, « premier musée privé philanthropique« , à but non lucratif, se situant « à la confluence des courants du 'modern art'. »
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