Vendre Chrome, ouvrir les index... Ce que Washington envisage contre Google
Publié par Clément Bohic le - mis à jour à
Victorieux en première instance contre Google, le gouvernement américain s'apprête à recommander formellement des mesures anti-monopole à la justice.
Google, forcé à vendre Chrome ?
L'issue n'est pas à exclure. D'autant plus qu'elle fait, semble-t-il, partie des recommandations que le gouvernement américain s'apprêterait à communiquer à la justice sur place.
Cette démarche fait suite à un jugement de première instance rendu début août. Dans les grandes lignes : depuis plus de 10 ans, Google entretient illégalement, aux USA, un monopole sur les marchés de la recherche en ligne et de la publicité search.
Le dossier avait été ouvert en 2020 après une plainte du département de la Justice et de plusieurs États américains. En conséquence du verdict en leur faveur, ils avaient jusqu'à fin 2024 pour soumettre des propositions destinées à résorber les monopoles constatés. Cela devrait être chose faite cette semaine.
Des "campagnes éducatives " aux "remèdes structurels"
Un document révélé en octobre avait laissé entrevoir les options explorées. S'il n'y était pas formellement question de forcer Google à vendre Chrome, il était toutefois fait mention de "remèdes structurels" qui l'empêcheraient d'utiliser son navigateur pour avantager son moteur.
Le DoJ et al. évoquaient aussi des "remèdes comportementaux" sur ce même sujet. Ils ouvraient la possibilité d'en appliquer également à Android et à Google Play, à l'aune non seulement du moteur de recherche, mais aussi des fonctionnalités liées - en première ligne, celles touchant à l'IA.
Toile de fond à ces remèdes : le niveau de contrôle dont Google dispose sur les principaux canaux d'accès aux moteurs de recherche ; et son modèle de partage de revenus, qui compromet la concurrence pour ces canaux.
Les remèdes que les plaignants envisagent sur ce volet comprennent aussi des "remèdes contre les pratiques et les impacts liés au comportement des utilisateurs". Il s'agirait, en particulier, de forcer Google à soutenir des "campagnes éducatives améliorant la capacité des utilisateurs à choisir leur moteur de recherche". Dans un autre registre, le DoJ & Cie songent à faire limiter voire interdire les accords de préchargement et autres accords de partage de revenus, y compris en cas d'affichage d'un écran de choix.
Du ranking aux index : Google obligé d'ouvrir grand ses données ?
Autre piste explorée : obliger Google à ouvrir ses données. D'une part, les index, les flux et les modèles sous-jacents à son moteur, y compris dans les fonctionnalités de recherche assistée par IA. De l'autre, les résultats de recherche et les publicités, dont les signaux de ranking, notamment sur mobile. En parallèle, le DoJ ne s'interdit pas de demander à Google de se débarrasser des données qu'il ne peut partager pour des raisons de vie privée. Il envisage par ailleurs des moyens de réduire, pour les concurrents, le coût et la complexité d'indexation ou de conservation de données.
L'idée d'un opt-out éditeur pour les fonctionnalités IA du moteur
Les recommandations du DoJ englobent aussi la génération et l'affichage des résultats de recherche. Le constat : ces résultats s'appuient souvent sur du contenu de tiers qui ont peu de pouvoir de négociation (difficile de refuser d'être indexé). En ce sens, il est proposé, d'une part, d'interdire à Google de recourir à des contrats ou à d'autres pratiques susceptibles de compromettre l'accès auxdits contenus par ses concurrents. D'autre part, de l'obliger à permettre aux sites de refuser d'apparaître dans tout produit ou fonctionnalité IA intégré au moteur.
Syndication et mise sous licence
Sur la partie publicité search, la justice a conclu que le monopole de Google compromettait la liberté de choix des annonceurs et la capacité de monétisation des concurrents. Tout en permettant à Google de surfacturer en dégradant la qualité du service.
À la lumière de ces observations, le DoJ envisage de suggérer des remèdes contre l'effet d'échelle dont Google bénéficie, y compris à travers des technos impliquant de l'IA (exemple : Performance Max). Autre levier : la mise sous licence ou la syndication du flux publicitaire, indépendamment des résultats de recherche. Il s'agirait aussi de permettre aux annonceurs de décliner des fonctionnalités comme les requêtes larges et l'extension de la liste de mots-clés.
Également explorée, la piste d'imposer la vente d'Android semble avoir été écartée. Pas celle d'un découplage vis-à-vis d'autres produits, dont Google Play et Google Search.
Un nouveau procès doit avoir lieu en avril 2025 pour évaluer les mesures à prendre. Le jugement définitif doit être rendu au mois d'août.
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