Octave Klaba, OVH : « Vendre de la VM, c'est banal »
Publié par La rédaction le | Mis à jour le
Le fondateur et directeur technique d'OVH, Octave Klaba, détaille le virage stratégique de son entreprise pour mieux répondre aux attentes des grandes entreprises. Un virage qui rime avec un passage d'une logique Iaas à une approche Paas.
Désormais focalisé sur la direction technique, où il encadre une équipe de 260 personnes, Octave Klaba, fondateur d'OVH, revient en détail sur l'évolution de la stratégie de son entreprise, qui, portée par l'intérêt pour pour le Cloud, se tourne de plus en plus vers les grandes entreprises. Croisé lors de l'OVH Summit, l'évènement annuel de l'hébergeur qui se tenait la semaine dernière à Paris, Octave Klaba détaille aussi comment les nouveaux produits et services naissent au sein de son entreprise, en privilégiant plutôt la culture geek que le marketing.
Silicon.fr : La stratégie d'OVH s'oriente de plus en plus vers les grandes entreprises. Quels sont les résultats de ce virage stratégique ?
Octave Klaba : C'est un marché spécifique, les grandes entreprises s'attendant à un relationnel particulier différent de celui auquel nous avions l'habitude, basé sur une relation Web et un paiement online à la carte bleue. Grâce à Laurent Allard, un ex-client d'OVH qui a travaillé dans les grands groupes (il est notamment passé chez Axa et CGI avant de prendre la direction de l'hébergeur en février dernier, NDLR), nous avons professionnalisé nos relations avec ces acteurs. Progressivement, ce travail nous permet de gagner de nouveaux contrats auprès des grandes entreprises. Sur ce marché, OVH se positionne comme un fournisseur d'infrastructures pour les SSII. Notre métier ne consiste pas à fournir de la main d'oeuvre ou à réaliser des développements logiciels, mais à administrer des infrastructures proposées au meilleur prix, avec les caractéristiques de scalabilité et de flexibilité attendues. Avec ce mécanisme, nous avons par exemple remporté un contrat avec CGI auprès de Sanofi et nous travaillons sur des contrats similaires en ce moment. Parce qu'on a mieux compris comment les grandes entreprises travaillent, on assiste à un véritable boom : de plus en plus de clients finaux, en partenariat avec leurs SSII habituelles, mais aussi de SSII, veulent travailler avec nous. Car ces dernières sont de moins en moins enclines à investir dans le Cloud, elles se désengagent peu à peu et cherchent donc des partenaires sur ce terrain.
Parce que le ticket d'entrée est devenu trop cher ?
O.K. : Surtout parce que c'est un métier à part, où il faut savoir générer des volumes énormes pour dégager des réductions de coûts. Les SSII sont plutôt en train de bâtir leur valeur ajoutée sur la base de nos offres standardisées de Cloud. Et, de notre côté, nous ne souhaitons pas développer des offres trop spécialisées pour les besoins de tel ou tel client. Notre métier ne réside pas dans l'administration de serveurs à la main, mais dans le développement des robots qui vont les administrer.
Est-ce que cet effort se traduit par une augmentation de la taille des contrats que vous signez ?
O.K. : Oh oui, nous sommes en train de changer de taille ! Nous travaillons désormais sur des contrats se chiffrant en dizaines de millions d'euros à l'année. Pour nous, ce sont de gros défis en termes de montée en charge des équipes. Mais ce sont de super problèmes : il faut embaucher des personnes, les former.
Comment naissent les nouveaux produits et services chez OVH ?
O.K. : Les développements et services que nous proposons aux clients ne sortent pas de notre direction marketing ; dans la majorité des cas, ils sont au départ développés pour nos propres besoins. C'est par exemple le cas de Dedicated Cloud (l'offre de Cloud privé) sur VMware, née de notre besoin d'héberger de l'Exchange. On s'est aperçu ensuite que cela pouvait intéresser nos clients. Aujourd'hui, nous allons dans le Paas, non pas pour suivre Amazon, mais parce que nos développeurs le réclament. Leur problématique, c'est de développer plus vite, donc de perdre moins de temps à administrer des composants techniques comme des bases MySQL. Depuis le début d'année, où j'ai pu reprendre enfin à plein temps la direction technique, c'est bien cette nécessité d'aller plus vite qui domine au sein de nos équipes. Et on s'est rendu compte auprès de certains clients qui se lancent dans l'IoT que le Paas va aussi pouvoir leur rendre des services : en passant d'une logique Iaas au Paas, ils vont pouvoir réaliser d'importantes économies.
Une fois la technologie développée, nous cherchons ensuite le meilleur matériel pour la faire tourner en fonction de ses caractéristiques intrinsèques. C'est de cette manière-là que nous parvenons à tirer les prix vers le bas, en distribuant le logiciel sur de multiples clients et en optimisant le matériel à plein rendement.
Dans le Cloud, comment évoluent les attentes des grands donneurs d'ordre ?
O.K. : Aujourd'hui, le Iaas n'a plus de valeur ajoutée : vendre de la VM, c'est banal. Ce qu'attendent les développeurs en entreprises, ce sont des services répondant à certains types d'usage, autrement dit des Paas. On parle ici en années de développement. Mais c'est bien ce mode de consommation des ressources de datacenters qu'attendent aujourd'hui les développeurs des entreprises. Et que ne peuvent pas proposer leurs sysadmin. Ces derniers savent mettre à disposition des VM, mais il faudrait investir des années de développement au-dessus de ces VM pour aboutir à un service prêt à l'emploi.
OVH est toujours avant tout considéré comme un acteur français. Où en sont vos plans de développement en Europe et à l'international ?
O.K. : C'est exactement le constat que nous avons fait : aujourd'hui, on exploite des datacenters dans 5 zones géographiques. Mais certains clients souhaitent être hébergés dans leur pays. C'est pour les accompagner que nous avons lancé le plan de construction de 12 nouveaux datacenters dans des zones géographiques que nous ne couvrons pas actuellement, pour capter cette croissance qui nous échappe actuellement faute d'être considéré comme un acteur allemand, anglais, polonais, suédois, américain ou autre. Il faut aller dans ces pays, s'adapter aux législations de ces pays et aux réalités locales.
Est-ce que cela peut passer par des acquisitions ?
O.K. : Non, pas sur ce terrain. Les rachats sont intéressants pour acquérir une technologie permettant de gagner du temps. Par contre, dans un marché en pleine mutation, racheter une entreprise pour mettre la main sur sa clientèle n'a pas de sens. Sans compter que les valorisations de sociétés comme la nôtre sont folles.
Est-ce que le Patriot Act a un réel impact commercial ?
O.K. : Oui. Regardez : on est le leader de l'hébergement sur Microsoft Exchange hors des Etats-Unis, nous une boîte de l'Open Source ! Ça me surprend toujours. Parce qu'il suffit qu'une entreprise soit concernée pour que tout un écosystème de partenaires le soit. Chez OVH, nous obligeons par exemple nos avocats, fournisseurs et l'ensemble des personnes travaillant avec nous à utiliser nos boîtes mail, car si nous communiquons sur des dossiers confidentiels, nous ne souhaitons pas que ces échanges passent par Google ou Microsoft. Mais, à l'inverse, les entreprises soumises au Patriot Act sont une opportunité commerciale pour nous, à condition de construire des datacenters sur place. Chaque pays a ses lois, règles et culture qu'il faut respecter, sans mettre en danger les autres clients. Si nous nous installons aux Etats-Unis, nous devons nous assurer que les agences gouvernementales de ce pays ne viendront pas nous demander des données qui ne sont pas localisées sur place.
En France, lors de l'examen de la loi sur le renseignement, on s'est rendu compte que la profession des hébergeurs n'était pas structurée. Cet épisode va-t-il vous servir de prise de conscience ?
O.K. : La difficulté, c'est qu'OVH ne veut pas apparaître comme le leader, même si notre taille est supérieure à celle de tous nos confrères. Pour nous organiser, il faut que les acteurs parviennent à travailler dans une certaine confiance. Parfois, cette confiance existe. D'autres fois, les acteurs se regardent encore un peu en chiens de faïence. On va essayer de s'organiser, mais rien n'est arrêté encore.
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