La DCNS torpillée par une fuite de données sur ses sous-marins
Publié par La rédaction le | Mis à jour le
22 400 documents renfermant des données techniques confidentielles et relatifs à des sous-marins construits par la DCNS ont fuité. Une sérieuse alerte pour l'activité commerciale des chantiers navals français.
La fuite de données dont a été victime la DCNS, le constructeur naval français détenu à 62% par l'Etat, aura-t-elle des conséquences commerciales ? Il est bien sûr trop tôt pour le dire mais l'affaire est sérieuse pour la société. Un journal australien, The Australian, révèle avoir eu accès à 22 400 documents secrets renfermant de nombreuses informations techniques sur les sous-marins de la classe Scorpène. Le groupe a indiqué à l'AFP que « les autorités nationales de sécurité enquêtent ». Une enquête qui devra déterminer la « nature exacte » des informations ayant fuité, les « préjudices éventuels » ainsi évidemment que « les responsabilités ».
Selon The Australian, les documents, que nos confrères australiens affirment avoir consultés, renferment des informations classées top secret sur les sondes des sous-marins Scorpène, les systèmes de communication et de navigation, leur signature sonore ainsi que l'armement des vaisseaux. 500 pages de documents détaillent ainsi les lance-torpilles, selon le journal australien.
La diffusion de ces données est évidemment embarrassante pour la société française, mais également pour ses clients. Conçus pour la marine chilienne, et également vendus à la Malaisie, au Brésil et à l'Inde, les sous-marins Scorpène sont un des fleurons commerciaux de la DCNS. Or, comme le souligne un éditorial au vitriol de The Australian, l'efficacité d'un sous-marin repose largement sur la capacité de son possesseur à garder ses secrets.
La France négligente avec ses secrets militaires ?
Dans une séance de French bashing apppuyé, nos confrères estiment que cette fuite devrait pousser l'Australie à se repencher sur le plus gros contrat de défense signé par le pays. En l'occurrence un contrat 50 milliards de dollars australiens (soit un peu moins de 34 milliards d'euros) octroyé à la DCNS en avril dernier, pour la construction de 12 submersibles de nouvelle génération, les Shortfin Barracuda. Des versions réduites des Barracuda français, sur lesquels les systèmes d'arme seront fournis par les Etats-Unis. « On sait que plusieurs officiels de la marine américaine ont expliqué clairement à leurs homologues australiens que la France était négligente avec ses secrets militaires », écrit l'éditorialiste de The Australian.
Ce contrat géant a donné lieu à une bataille commerciale au couteau entre la DCNS et ses rivaux, l'Allemand TKMS et un consortium japonais formé de Mitsubishi Heavy Industries et Kawasaki Shipbuilding Corporation. Selon les médias australiens, la procédure d'attribution du contrat a fait l'objet de plusieurs cyberattaques, attribuées à des espions russes et chinois intéressés par les plans des futurs submersibles.
Le gouvernement australien a déjà réagi aux révélations de The Australian. S'il estime que l'affaire est « préoccupante », le premier ministre australien, Malcolm Turnbull, souligne que les informations qui ont fuité n'ont aucun lien avec les sous-marins qu'est en passe de construire la DCNS pour l'Australie. Dans un communiqué, le ministre de la Défense, Christopher Pyne, a lui assuré que « le programme de sous-marins [liant l'Australie et la DCNS] est mené avec des exigences de sécurité très strictes gouvernant la manière dont toutes les informations et données techniques sont gérées aujourd'hui et dans le futur. »
La fuite viendrait d'Inde
Le premier sous-marin Scorpene indien sort de son hall de construction, en avril 2015. © Indian Navy
De son côté, selon The Australian, la DCNS se défend en expliquant que, dans le cas australien, pareille fuite ne pourrait se produire car les contrôles seront plus stricts qu'avec l'Inde, en raison de l'organisation même de ces contrats. Comme le Brésil, l'Inde a en effet choisi la voie du transfert technologie pour bâtir ses 6 Scorpene. Signé en 2005, le contrat de 2,4 milliards d'euros prévoyait que les bâtiments soient construits dans le port de Bombay, avec l'assistance technique de Thales et de la DCNS. Après de multiples retards, liés notamment aux difficultés relatives au transfert de technologies auprès des chantiers indiens Mazagon Dock Limited, le premier Scorpene indien a été mis à l'eau en octobre 2015.
Avec les Shortfin Barracuda (notre photo de Une), DCNS sera responsable de la sécurisation des données tant en France qu'en Australie, tandis qu'avec le projet indien, le groupe français n'était « que le fournisseur et non le responsable des données techniques », selon une citation attribuée au groupe français. Bref, selon The Australian, DCNS pointe du doigt ses partenaires indiens, via des données emportées hors de l'Hexagone en 2011 par un ancien officier de la marine française, à l'époque sous-traitant de DCNS et revendues ensuite à des sociétés du Sud-Est asiatique. Une thèse dont doute toutefois le journal australien détenu par le groupe de Rupert Murdoch, Newscorp, qui affirme que les données auxquelles il a eu accès renferment des informations qui n'ont rien à voir avec le contrat indien.
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