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Loppsi 2 : Espionnage et filtrage du Web au coeur du débat

Publié par Olivier Robillart le | Mis à jour le

Le projet de loi Loppsi 2 nourrit des interrogations. Derrière l'objectif de lutter contre la pédo-pornographie, certains craignent une ouverture à l'espionnage informatique.

Le projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi 2) est désormais dans les coursives du pouvoir. Présenté au Conseil des ministres et discuté au Sénat, le texte fait naître des interrogations quant à ses moyens.

Axée sur la cybercriminalité et souhaitée par Nicolas Sarkozy, la loi serait dotée d'une enveloppe de 2,5 milliard d'euros sur cinq ans (2010-2015) et propose un filtrage des contenus jugés pédo-pornographiques. Ainsi, sur décision judiciaire, les services de police pourraient mettre sur « écoute » des ordinateurs sans le consentement des propriétaires dans le cadre d'affaires de pédophilie, mais aussi de meurtre, de trafic d'armes et de stupéfiants, voire de blanchiment d'argent.

Ainsi le risque est de voir la mise en place de logiciels mouchards (spywares) voire l'installation de chevaux de Troie directement dans une machine suspectée. Une interception des données qui se doit d'être strictement encadrée et qui démontre combien le gouvernement, après la polémique Edvige (Exploitation documentaire et valorisation de l'information générale), tient à contrôler certaines pratiques sur le Web.

Une position que critique notamment Guillaume Lovet, expert en cyber-criminalité chez l'éditeur Fortinet. Il explique que « la loi va seulement établir un filtrage des sites pédo-pornographiques mais en rien arrêter la pédophilie ni les échanges de fichiers. Au pire cela va jeter un voile sur cette question. Le fait de lutter contre les accès involontaires à ce type de contenu, argument avancé par le gouvernement, est purement fallacieux ».

Il ajoute, « le risque de faux positifs est alors énorme. C'est une porte ouverte à la censure du Net, une sorte de pied dans la porte« . Pour preuve, les instances britanniques chargées du Web filtrent le Net outre-Manche. Une mesure qui a connu une exposition médiatique lorsque l'une des pages de l 'encyclopédie en ligne Wikipedia a été ajoutée à la liste noire de l'Internet Watch Foundation (IWF). L'organisme a considéré que la pochette de l'album Virgin Killer des Scorpions où on peut voir une fillette nue relevait potentiellement de la pornographie enfantine.

De son côté, Thierry Le Galloude, Commandant de Police au sein de l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC), explique sa position : « Filtrer les sites pédo-pornographiques ne va pas arrêter le phénomène mais éviter que quelqu'un ne tombe dessus accidentellement. Les mesures d'écoutes par la sonorisation et l'écoute ne sera déployée que dans les cas de terrorisme. Il insiste, la loi n'est pas liberticide mais permet de donner un cadre mais aussi des limites à notre action« .

Pourtant à en croire la récente descente de gendarmerie cette semaine dans la région d'Amiens, la lutte contre les réseaux pédophiles semble très active. L'opération Némésis a ainsi permis l'arrestation de pas moins de 90 pédophiles présumés. A noter que cette affaire a pu se faire grâce à l'aide d'internautes bénévoles (employés de FAI, hébergeurs) constate le site zataz. Ces derniers n'ont alors pas hésité à donner de leurs temps et conseils pour faire progresser les choses.

Dès lors, la loi Loppsi 2 pose la question de la nécessité de renforcer la législation par de nouvelles mesures de filtrage et de contrôle du Web. Le collectif La quadrature du Net a déjà lancé un avertissement en décrivant un projet de loi « inquiétant » qui sous « prétexte de la protection de l'enfance  » fait planer le spectre de la censure du Net.

La Loppsi 2 fait donc renaître le débat autour du fichage et du contrôle des informations. Frôlé par EDVIGE, promis par Hadopi ( mouchard anti-téléchargement ), la question du recoupement de l'Information par des services de police ou étatiques rappelle quelques heures sombres de l'Histoire.

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