{ Tribune Expert } - IA générative : entre promesses et réalités pour l'entreprise
L'intelligence artificielle générative (GenAI) fait parler d'elle partout, que ce soit dans les entreprises ou auprès du grand public. ChatGPT a marqué un tournant en rendant cette technologie accessible à grande échelle, mais est-ce vraiment la révolution attendue ou juste nouvelle bulle technologique ? Décryptons les véritables enjeux pour les organisations
L'IA générative existe depuis les années 60, mais elle était coûteuse à entraîner, difficile à tester, et inaccessible pour la majorité des entreprises. L'arrivée de ChatGPT a tout changé, offrant au grand public une IA générative pré-entraînée, capable de répondre aux questions humaines en temps réel. OpenAI a démocratisé l'accès à cette technologie, permettant enfin aux entreprises de mesurer son potentiel.
L'engouement pour les chatbots : une vision trop restreinte de GenAI
L'une des premières demandes des entreprises en matière de GenAI a souvent été la mise en place de chatbots. Cela témoigne d'une perception encore limitée du potentiel de l'IA. Certes utiles, les chatbots ne sont qu'une petite partie de l'équation. La vraie force de la GenAI réside dans l'automatisation et l'optimisation de processus complexes. Les entreprises doivent comprendre qu'un chatbot mal utilisé peut devenir un problème, surtout s'il commet des erreurs face au public. Les vrais bénéfices émergent quand l'IA est appliquée aux activités stratégiques et transverses de l'entreprise.
L'engouement pour l'IA générative est largement alimenté par la pression concurrentielle. Beaucoup d'entreprises se sont jetées sur cette technologie par peur de prendre du retard face à des concurrents perçus comme plus innovants. Cette course effrénée a souvent mené à une adoption sans véritable stratégie, plus par crainte de rivaux imaginaires que par vision claire.
L'enjeu de l'entraînement des modèles : une barrière technique importante
Un autre point crucial est la complexité de l'entraînement des modèles d'IA. Il ne suffit pas d'appuyer sur un bouton. L'entraînement d'un modèle d'IA générative nécessite des ressources colossales : des data scientists spécialisés, des volumes massifs de données propres, et une infrastructure matérielle puissante.
Bien que peu d'entreprises puissent entraîner des modèles haut de gamme, même l'utilisation de modèles pré-entraînés présente des défis, notamment les biais. Comment garantir que l'IA produit des réponses de qualité sans perpétuer des préjugés racistes, sexistes ou ethniques ? Ces biais, issus des données humaines, peuvent amplifier les inégalités. Un contrôle rigoureux est donc essentiel pour éviter des dérives qui pourraient nuire à la réputation de l'entreprise ou enfreindre des régulations.
Les principales erreurs commises par les entreprises
Les entreprises commettent souvent des erreurs en intégrant l'IA sans réflexion stratégique. Voici les principales :
· Les expérimentations imprudentes : lancer des projets isolés sans impliquer des départements clés comme le juridique ou la conformité, ni prévoir la supervision des outils en production.
· Sous-estimer les coûts de mise à l'échelle : croire que l'IA est facile à déployer, alors qu'elle demande d'importants investissements en infrastructure, formation et intégration avec les systèmes internes, même avec des modèles pré-entraînés comme ChatGPT ou Mistral AI.
· Se concentrer uniquement sur des outils orientés clients ou grand public, sans avoir pris le temps de maîtriser la technologie en interne, ce qui peut mener à des erreurs coûteuses, tant financièrement qu'en termes d'image. Surtout avec une IA non-déterministe. Avec une technologie en partie non-déterministe, il devient nécessaire d'estimer concrètement le coût de l'erreur, et ne pas minimiser le rôle humain de validation, de vérification et de correction.
Le schéma de la bulle technologique : une répétition de l'histoire
L'histoire nous enseigne que chaque grande révolution technologique suit un schéma similaire. Nous l'avons vu avec l'internet, le cloud et les smartphones : une première phase d'exploration où des acteurs pionniers prennent des risques importants, parfois inconsidérés, suivi d'une correction du marché. De nombreuses entreprises disparaissent, incapables de stabiliser leur modèle économique. Enfin, la troisième phase voit l'adoption de la technologie se normaliser, avec une croissance plus modérée, fondée sur des modèles plus conservateurs et durables.
C'est aussi ce que l'on observe avec OpenAI : ils ont connu des périodes d'incertitude, mais continuent d'attirer des investissements colossaux pour stabiliser et développer leur modèle. Ce schéma cyclique se répète inévitablement, poussé par des dynamiques culturelles, économiques et concurrentielles.
Pour éviter les erreurs du passé, les entreprises doivent adopter une approche stratégique. La création d'un centre d'excellence dédié à l'IA générative peut être un premier pas. Cette structure réunit ingénieurs, data scientists, juristes, experts en cybersécurité et stratèges pour aligner l'adoption technologique sur les objectifs de l'entreprise, tout en garantissant une utilisation éthique et contrôlée.
Vouloir accélérer est une intention louable, mais pour accélérer vite et bien, il faut prendre la mesure de l'impact de ces technologies, avoir des attentes réalistes et savoir trouver, pour chaque cas d'usage, le rapport bénéfice/risque idéal.
L'intelligence artificielle générative représente un potentiel immense pour les entreprises, à condition de l'aborder avec une stratégie claire et des ressources adaptées. Il ne suffit pas de suivre la tendance ; il est crucial de comprendre les enjeux techniques, financiers et éthiques de cette technologie. À terme, ce sont les entreprises qui sauront intégrer l'IA de manière réfléchie, en anticipant les coûts et en minimisant les risques, qui en tireront le meilleur parti.
* Karim Zegour est Group Manager Data et AI chez Avanade
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