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« L'économie collaborative n'est pas du low cost non protégé »

Le député Pascal Terrasse est l'auteur d'un rapport sur l'économie collaborative. Loyauté des plateformes, fiscalité, réglementation, territoires, emploi. Ces priorités ont été réaffirmées mercredi devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale.

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« L'économie collaborative n'est pas du low cost non protégé »

Auteur d'un rapport sur l'économie collaborative remis le mois dernier au Premier ministre, le député de l'Ardèche du groupe Socialiste, républicain et citoyen Pascal Terrasse (en photo) a été auditionné ce mercredi 2 mars par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale présidée par Frédérique Massat. Ont été abordées deux heures durant : les problématiques fiscales, la réglementation et l'emploi, ainsi que l'implication des territoires et la loyauté des plateformes (de Uber ou Blablacar dans le covoiturage à Airbnb dans la location saisonnière de logements).

Encadrer l'activité des plateformes

Le rapport sur l'économie collaborative regroupe 19 propositions pour « mieux encadrer » l'activité des plateformes numériques. Il est le fruit de 75 auditions de parties prenantes (acteurs du numérique, administrations, organisations patronales et syndicales) et de 250 contributions citoyennes. Le rapport va alimenter deux textes législatifs,  le projet de loi de la ministre du travail, Myriam El Khomri, et celui du ministre des Finances, Michel Sapin.

Avec 276 plateformes estimées, dont 70 % françaises, l'économie collaborative pèse environ 3,5 milliards d'euros en France. Ce marché devrait être multiplié par trois d'ici 2018.

Ne parlons pas d'ubérisation

« L'économie collaborative n'est pas l'ubérisation. Elle n'est pas l'économie du low cost non protégée », a déclaré d'emblée Pascal Terrasse. L'économie collaborative regroupe à la fois l'échange de biens et services entre particuliers, et la fourniture de prestations commerciales. Elle met en relation offreurs et utilisateurs. « Elle peut être sociale, inclure les communs » et ne devrait pas exclure les acteurs de l'économie traditionnelle. Le rapporteur a également évoqué la montée en puissance du blockchain (protocole décentralisé de gestion des transactions, clé de voûte des cryptomonnaies, comme le Bitcoin).

Le développement de l'écosystème passe, selon Pascal Terrasse, par une clarification des obligations fiscales et sociales de chacun : plateformes (qui sont appelées à fiabiliser leurs systèmes d'avis en ligne), professionnels et particuliers. Mais « l'équilibre entre régulation et souplesse » doit être trouvé, ont observé d'autres parlementaires. La France et l'Europe sont en retard par rapport aux États-Unis et à la Chine dans ce domaine. Elles ont donc tout à gagner à « valoriser les réussites » et à « adapter modèles et compétences », a souligné Corinne Erhel, député socialiste des Côtes-d'Armor.

Régulation oui, mais pas trop

Pour Laure de la Raudière, député Les Républicains d'Eure-et-Loire, « nous devrions passer d'une logique de contrôle a priori, très franco-française - ce que propose encore Pascal Terrasse dans son rapport -, à une approche a posteriori, autrement dit une logique de conquête adaptée à l'ère numérique ». Un point de vue partagé par Franck Reynier, député Union des démocrates et indépendants de la Drôme, par ailleurs informaticien de formation. « La régulation oui, mais avec la souplesse suffisante pour que nos talents, nombreux à quitter notre pays pour s'installer ailleurs, aient les moyens de développer leur activité ici et d'exporter », a déclaré le député.

Et tous semblent d'accord avec l'idée de promouvoir des « territoires collaboratifs expérimentaux » qui pourraient, dans le cadre d'appels à projets, mener localement des expérimentations innovantes (formation, émergence de nouvelles plateformes, co-working.). L'ouverture d'un Observatoire de l'économie collaborative est également recommandée. L'Observatoire se pencherait sur les volets réglementaires et législatifs du marché, et travaillerait avec d'autres au niveau européen. Le rapport préconise aussi la création d'un espace de notation de plateformes, dont les modalités restent à définir.

Ne pas basculer dans l'emploi précaire

En France, plus de 15 000 utilisateurs « professionnels » travaillent pour les plateformes de l'économie collaborative, a indiqué Pascal Terrasse. L'économie numérique et collaborative crée des emplois, occasionnels et précaires parfois. Elles en détruit aussi, notamment dans les fonctions intermédiaires. Des formations adaptées et des reconversions sont nécessaires pour remédier à l'inadéquation entre l'offre et la demande de compétences qualifiées. Face à ce constat, le rapport propose de renforcer la convergence des régimes de protection sociale des salariés et des travailleurs indépendants (mobiliser le compte personnel d'activité pour instaurer la portabilité des droits, mobiliser la validation des acquis de l'expérience, faciliter l'accès au crédit, etc.).

Mais, le rapporteur n'envisage pas la création d'un troisième statut (en plus de ceux du salarié et de l'indépendant). Il souhaite que le débat sur le revenu universel de base soit ouvert, comme l'a indiqué le Conseil national du numérique dans son rapport sur «?les nouvelles trajectoires?» remis début janvier à la ministre du Travail. « Aujourd'hui, je ne suis pas favorable à la création d'un 3ème statut. Car nous devons éviter de faire basculer des emplois vers un statut tiers low cost », a expliqué Pascal Terrasse. C'est le cas pourtant déjà de certains profils plus subis que choisis, parmi lesquels celui des auto-entrepreneurs.

« La loi fiscale doit s'appliquer à tous »

En matière de fiscalité, le député rejoint le point de vue d'autres rapporteurs en Europe et au sein de l'OCDE. Il est donc favorable à l'instauration d'un régime reliant la base d'imposition à l'endroit où les multinationales génèrent leurs profits. « On a avancé sur la partie TVA, on doit maintenant avancer sur la fiscalité pour faire en sorte que les acteurs du numérique américains paient leurs impôts dans le pays d'exercice. La loi fiscale doit s'appliquer à tous », a-t-il ajouté.

Pascal Terrasse n'a pas retenu l'idée d'une franchise générale de 5 000 euros par an pour taxer les revenus de l'économie collaborative (seuls les revenus situés au-dessus de ce montant seraient alors taxés). Cette idée émane d'un autre rapport sur la fiscalité de l'économie collaborative, celui de la commission des finances du Sénat publié en septembre 2015.

En revanche, le député s'est dit favorable à l'automatisation de la procédure fiscale. Il s'agit d'engager les plateformes à transmettre le montant des revenus dégagés par leurs utilisateurs à l'administration fiscale, « en vue de fiabiliser les déclarations des contribuables », comme le font les employeurs pour les salaires de leurs employés. Mais les plateformes ne sont pas les employeurs d'internautes (prestataires ou consommateurs de services) qu'elles mettent en relation. Les plateformes, notamment celles qui opèrent depuis l'étranger, pourraient donc s'opposer vivement à une telle mesure. Pas sûr non plus que les internautes qui contribuent à « la démocratisation de l'entrepreneuriat » apprécient.

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