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Logiciels français: l'inéluctable concentration continue...

Publié par Pierre Mangin le - mis à jour à

Le rachat annoncé d'Ilog par IBM n'est pas une surprise en soi. Mais il laisse perplexe - une fois encore!

Faut-il s'inquiéter de l'absorption donc de la disparition progressive de nos fleurons « nationaux » dans le domaine du logiciel? Le combat est-il perdu d'avance? Que restera-t-il du capital intellectuel de la France en matière de développement de logiciels dans les prochaines années?

Tout le monde a en tête le rachat pur et simple du français BO (Business Objects) par l'allemand SAP. On s'est consolé en soutenant qu'il s'agissait d'un européen, donc d'un moindre mal.

Peut-on empêcher que les éditeurs soient tous happés par des géants qui continuent de concentrer toujours plus le marché? N'y a-t-il qu'un enjeu boursier ? Les conseils d'administration, les actionnaires n'ont-ils comme seul levier que de chercher à vendre leurs actions, afin de « réaliser » leur investissement au mieux et au plus vite, comme si la crise des valeurs boursières, due en grande partie à la déroute des 'subprimes' aux Etats-Unis, restait une menace indélébile ?.

Lors de la publication, au printemps, du classement 'Truffle 100' des éditeurs de logiciels en France, ces questions étaient déjà posées explicitement: qui subsistera dans l'industrie du logiciel ? Est-il encore temps de prendre des mesures ?

Dans ce classement 'Truffle 100', où seule l'activité « développement de logiciels » est prise en compte, Ilog se situe au 5è rang, avec 123,2 M? de chiffre d'affaires, derrière Dassault Systèmes (1.259 M?), Sopra Group-Axway (265 M? sur 1.001 M?), CEGID (207 M? sur 241 M?) et GL Trade (203 Me). Et juste devant GFI Informatique (120 M? sur 688 M?).

Plus que jamais, la course à la taille critique et à la mondialisation devient la seule perspective viable pour les éditeurs français s'ils veulent rester indépendants. Mais n'est-ce pas trop tard pour certains?

« La traditionnelle trilogie « licences - maintenance - services » est ébranlée par de nouveaux modèles économiques : le Saas (Software as a service), l'open source en sont deux exemples« , constataient les auteurs du « Truffle 100 » (CXP, Truffle Capital).

Beaucoup d'entre eux (40% selon Truffle) réclament l'équivalent d'un « small business act » des Etats-Unis, un ensemble d'aides aux entreprises moyennes (comme la passation de contrats publics privilégiés) ou d'autres mesures publiques susceptibles de favoriser leur développement.

Certes, les éditeurs Français résistent relativement bien. Alors que l'ensemble des éditeurs du « Truffle » 100 ont perdu près du quart de leur chiffre d'affaires, ceux qui subsistent parviennent quasiment à compenser grâce à une croissance de 14% à périmètre constant.

« Ils continuent de constituer l'un des principaux moteurs de l'innovation française, avec près de 3,8 milliards d'euros investis en R&D en 4 ans, et environ 10.000 emplois à haute valeur ajoutée. Ils sont aussi très bon citoyens, contributeurs net d'impôts« .

Mais le verdict est là : 8 des 50 premiers auront disparu.

« Le Truffle 100 est malheureusement condamné à être réduit comme peau de chagrin, année après année, si nous ne sommes pas capables de favoriser l'émergence de leaders internationaux« , s'alarmait Bernard-Louis Roques, 'general partner' du fonds Truffle Capital .

Le constat est inquiétant : du fait de la consolidation de ce marché, les moyennes et petites structures sont englouties par plus gros qu'elles.

Ce sont les plus petits qui s'en sortent mieux : beaucoup d'entre elles ont triplé leur chiffre d'affaires en moins de 5 ans.

S'agissant d'Ilog, son patrimoine est essentiellement ancré dans le « BPM » (business process management). De quoi attirer les IBM, HP ou Oracle, d'autant plus que sa valorisation boursière, comme celle de GFI Informatique, a été très chahutée ces derniers temps - surtout depuis la crise des 'subprimes' car une grande partie de ses clients appartiennent à la communauté financière. Comme d'autres, l'action en Bourse a perdu près de 35 % en trois ans.

Créé en 1987 et comptant 850 salariés, Ilog est détenu à hauteur de 6,7 % par l'Inria. Cotée aux Etats-Unis (Nasdaq), la société était considérée comme l'une des « success stories » françaises du logiciel.

Seulement, voilà : il y a quelques mois, à l'automne 2007, dans un contexte de faible valorisation, Ilog a eu recours au fonds américain Conversion Capital qui a pris jusqu'à 10 % du capital (à fin mai 2008). Il faut sans doute trouver là aussi l'une des explications: avec l'offre d'IBM à 37% au dessus de la valeur actuelle de l'action, on comprend la plus-value possible pour le fonds investisseur, dernier entrant qui a acheté au bon moment.

Pour IBM, l'atout majeur est dans le service lié aux applications, donc le logiciel et la production logicielle, en amont. Ilog possède une expertise dans la gestion des processus métier (BPM) et dans les Architectures Orientées Services (SOA) - donc des outils de gestion de règles métiers et de gestion du cycle de vie des applicatifs. Ce qui compléterait avantageusement l'offre de la plate-forme WebSphere d'IBM.

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