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André Truong, père du micro-ordinateur, nous a quittés

A l’époque, on connaissait à peine les microprocesseurs; certains y avaient goûté, en langage Assembleur, sur des Nascom de 4 bits? ou sur les ‘chips’ d’une toute jeune firme californienne encore inconnue, appelée… Intel (le 4004). Puis il y eut les processeurs 8 bits, Motorola 6800, et Intel 8008. En France, de jeunes ingénieurs, passionnés d’électronique, avaient répondu en 1972 à une demande de l’INRA: concevoir des systèmes micro-informatiques, programmables, peu coûteux, appliqués à des relevés hygrométriques en agronomie.

A l’origine, une commande de l’INRA… André Truong et son compère François Gernelle, aidé d’un autre ingénieur, Benchitrite, remportèrent la palme. Leur système, orienté vers du contrôle de process, répondait au cahier des charges, à un cinquième du prix d’un PDP8 de l’époque. L’année suivante le premier micro-ordinateur au monde voyait le jour: dès 1973, le Micral N fut construit en série autour du processeur Intel 8008 cadencé à 500 Khz (environ 50.000 instructions par secondes) avec une mémoire de 16 koctets du type MOS (metal oxyde semiconductor). Il comportait déjà un bus supportant des entrées- sorties parallèles et série. « Nous travaillions dans une cave, à Chatenay-Malabry, environ 18 heures par jour » raconte André T. « C’était l’hiver et pendant 3 mois, je n’ai pratiquement jamais vu le jour. La machine que je baptisai « micro-ordinateur », c’est logique puisque c’était un ordinateur construit avec un « micro-processeur », possédait presque toutes les caractéristiques de ses grands frères sur lesquels j’avais travaillé à Intertechnique: Varian 6201, Multi 8. » (..) « Notre moniteur d’exploitation Sysmic est devenu Prologue en 1978, sous la houlette de Michel Joubert (Prologue SA)(…) puis le premier disque dur de marque Caelus, en 1975, puis DRI en 1976, le premier disque 5″1/4 – d’Allan Shuggart qui venait juste de fonder Seagate en 1979- sur le Micral 8031 D« . Des pionniers en manque de reconnaissance On s’est battu pour faire valoir qu’ils furent bien les inventeurs de l’ordinateur personnel. Mais en vain. Les Américains Commodore, Tandy Radio Shack et autre Apple Computer avaient déjà pris le relais et eurent tôt fait d’occulter leurs travaux de pionniers. A titre de consolation, il reste un musée à Boston pour attester de cette paternité, ainsi que quantités d’ouvrages sur l’histoire de l’informatique. Il est vrai qu’avec son sourire malicieux, ses yeux vifs et pétillants d’intelligence, André T. n’avait cure des grandes cérémonies. Il préférait imaginer, inventer et concevoir. Arrivé de Saigon en 1950, à l’âge de 14 ans, il avait été élève au Lycée Hoche de Versailles, ce qui le conduisit à la célèbre Ecole Française d’Electricité de Paris. Il s’y passionna pour la miniaturisation des « chips » et au retour d’un voyage en Californie où il visita Intel, il décida de créer R2E (Réalisations et Etudes Électroniques) avec un associé, J.R. Tissot. Il y convia Francis Gernelle, qui revendiqua, lui aussi, la paternité du Micral. Toute la panoplie du PC A eux trois, ils réussirent à industrialiser le produit, avec la panoplie des sous-ensembles toujours actuels: carte mère avec processeurs, cartes d’interfaces pour les entrées/sorties vers les périphériques qui désignaient: le clavier, le moniteur vidéo, l’unité de disque ou disquette et l’imprimante? Il n’y avait pas encore de système d’exploitation standard, pas de souris: le fonctionnement des périphériques était régi par des lignes de code écrite une à une puis compilées. Grâce à ces irréductibles inventeurs, la France aura tenu tête quelques années aux géants américains du PC que furent IBM puis les compatibles Compaq, Victor, HP, Tulip… avant que Taïwan ne récupère aussi une grosse part du marché. Jusqu’à l’Oplite André T. fut amer quand Bull, qui avait racheté R2E, ne comprit pas que le marché du compatible PC allait faire un boom. En 1980, l’intrépide ingénieur quitta R2E et créa TTT (Truong Thong Thi -son nom), une société de conseil en micro-informatique. Deux ans plus tard, il entra dans le capital de Normerel, fondée par son ex-associé JR Tissot, en Normandie, pour construire des PC compatibles, et c’est là qu’il conçut « Oplite », un petit ordinateur personnel. La partie allait être difficile, quasi impossible, mais il fallait la tenter. L’aventure dura quelques années, mémorable. A noter qu’André Truong reçut une consolation qui le toucha beaucoup: en 1999, il reçut -enfin!- la Légion d’honneur. _____________ Bibliographie: recommandons « La saga de la micro-informatique » par Henri Lilen, éditions Vuibert.

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