John Sims, Blackberry : « notre offre reste unique sur le marché»
De passage à Paris, John Sims, le président de la division Entreprise de Blackberry, détaille la stratégie de la nouvelle direction de l'entreprise pour faire passer Blackberry du statut de constructeur de terminaux à celui de fournisseur de services et d'applications.
A peine arrivé à la tête de la division Enterprise de Blackberry en janvier 2014, John Sims s'est attelé à « écouter les clients, prendre des décisions rapides pour répondre à leurs attentes et réorganiser les priorités ». Une stratégie présentée fin février dernier à l'occasion du Mobile World Congress 2014 de Barcelone (MWC) autour de BES12, BBM Pro et de nouveaux terminaux. Une stratégie sur laquelle nous avons eu l'occasion de revenir mardi 8 avril avec le numéro 2 de l'entreprise canadienne dans le cadre de la conférence client BlackBerry Experience Paris.
BES 12
Rappelons que, suite à la vente ratée de Blackberry en novembre 2013 et l'arrivée de John Chen aux manettes - bientôt suivi d'une nouvelle équipe -, le constructeur s'est refocalisé sur l'offre aux entreprises. Ce qui s'est traduit par l'annonce du Blackberry Enterprise Services 12 (BES 12).
BES 12 s'inscrit comme un serveur de gestion unifiant BES 5, pour la gestion des terminaux de générations précédentes (Blackberry OS 7) et BES 10, multi-plateforme, on premise et dans le Cloud. Ce dernier point constituant « une nouvelle étape pour Blackberry ». « C'est aussi, ajoute John Sims, la première fois que l'offre serveur d'entreprise supportera autre chose que des smartphones et tablettes, à savoir des 'end-points' ou l'Internet des objets. » Disponible en novembre prochain (avec une bêta livrée dans le courant l'été), BES12 évoluera vers une offre multitenant en 2015. De quoi adresser les fournisseurs de services Cloud.
Offre agnostique
« Les clients du Mobile World, comme ceux de ce matin, réagissent de matière très positive à ce qu'on leur a montré », assure John Sims. BES 12 offre une interface ergonomique qui permet de gérer des terminaux ou des groupes de terminaux « sans que les administrateurs aient à se soucier de savoir s'il s'agit de smartphone Android, iOS, Blackberry ou Windows Phone. Ils ont juste à appliquer les règles par groupe d'utilisateurs : finance, exécutifs, dirigeants. ».
En supportant l'ensemble des OS mobiles du marché et, bientôt n'importe quel « objet », le serveur d'entreprise de Blackberry s'affranchit petit à petit de ses terminaux. Le constructeur pourrait-il vendre BES 10/12 à d'autres entreprises que les clients Blackberry habituels?? « J'ai lancé un défi aux équipes commerciales en promettant un bonus au premier qui vendrait BES à une entreprise non cliente Blackberry, confie John Sims. En tant que fournisseur d'une solution cross plateforme, il n'y a aucune raison pour que nous restions à l'écart des prospects non Blackberry. Nous sommes d'ailleurs actuellement en discussions avec plusieurs grands comptes où les ventes [du serveur] ne concerneraient pas des smartphones Blackberry mais, dans le cas présent, des terminaux iOS. »
Q20, un Q10 classique
Blackberry confirme donc son évolution vers les logiciels et services aux dépens des terminaux. Ce qui ne l'empêche pas de poursuivre l'enrichissement de son offre matérielle. Notamment avec l'annonce du Q20, le smartphone à clavier sous BlackBerry 10 (BB10) qui succèdera au Q10 dans une version plus. classique. John Sims confirme ainsi le retour de la barre propre aux anciens Blackberry avec trackpad, boutons retour et envoi. « C'était une demande des clients entreprise et professionnels », justifie-t-il. Egalement doté d'un écran plus grand (que le Q10), le Blackberry «?classic?» arrivera sur le marché en octobre ou novembre prochain.
Notons néanmoins que, depuis notre entretien, John Chen, le CEO de Blackberry, a évoqué l'idée d'abandonner le marché des terminaux si celui-ci venait à ne pas trouver sa rentabilité. « Si je ne peux pas gagner de l'argent avec les téléphones, je ne serai plus dans le business du téléphone », a-t-il déclaré à Reuters. Ce qui ajoute à l'urgence, pour l'entreprise, d'accélérer sur l'offre services et logiciels.
BBM pour les pro
L'outil de messagerie BBM qui séduit 85 millions d'utilisateurs actifs dans le monde (pour 113 millions inscrits) constitue ainsi un axe de reconquête du marché de l'entreprise. « Nous introduisons BBM dans l'espace entreprise avec BBM Protected qui autorise les échanges chiffrés par messagerie entre terminaux, confirme John Sims. Ce sera particulièrement pertinent pour les entreprises qui évoluent dans les environnements régulés comme la finance, la santé, l'industrie. » BBM Protected sera intégré à BES 12 et BES 10 comme une fonctionnalité activable à la volée. Le service est attendu pour le début de l'été.
Alors que Blackberry a désormais recours à Foxconn pour produire ses smartphones (à commencer par le Z3 qui débutera prochainement sa commercialisation sur le marché indonésien), John Sims précise que le constructeur dispose toujours d'unités de production en propre. « Nous n'allons pas externaliser l'intégralité de notre production, nous conserverons particulièrement les terminaux à caractère sensible avec des applications gouvernementales. »
Le point névralgique de la sécurité
La sécurité continuera donc plus que jamais à être le trait distinctif de Blackberry, un facteur essentiel notamment auprès des organisations gouvernementales. « Cela fait plus de deux décennies que nous améliorons la sécurité pour les gouvernements et nous sommes souvent la première entreprise, quand ce n'est pas la seule, à pouvoir répondre aux exigences propres aux marchés des institutions. » En témoigne la préférence des Blackberry au sein des équipes de Barack Obama ou Angela Merkel, par exemple. « La sécurité est importante mais à travers une offre globale de communication et nous sommes aujourd'hui bien placés pour répondre aux problématiques du BYOD des entreprises en protégeant les terminaux mais aussi les applications et les données. Notre offre est unique sur le marché. La sécurité est un point clé de notre activité, qui nous différencie de la concurrence. »
La croissance dans les services
C'est néanmoins dans l'offre de services et les logiciels que Blackberry voit son avenir. « Historiquement, le business était dominé par la vente des terminaux, ce n'est plus le cas. Il est aujourd'hui plus important pour nous de faire croitre nos revenus dans le service et le logiciel. » Ce qui, au-delà des licences opérateurs (pour accéder au réseau sécurisé de Blackberry) et des ventes de serveur de gestion (qui évolueront désormais sous forme de services Cloud), passera par BBM Protected et tout un ensemble de services à créer qui seront opérés à travers les 29 datacenters de l'entreprise canadienne dans le monde. Une offre qui se voudra simple et lisible. « Nous proposerons des bundles de services collaboratifs, de productivité, de messagerie, de partage, synchronisation. »
Un élargissement des activités qui passera également par une ouverture aux environnements applicatifs de l'industrie via des API. « Nous évoluons de la gestion de terminaux à la gestion d'application ainsi que vers le développement et l'activation d'applications en fournissant des API pour permettre aux développeurs de faire tourner leurs applications dans notre environnement - sur des terminaux Blackberry ou non - et pour transformer la gestion mobile en service (back end as a service) donnant accès à tous les environnements du marché, SAP, Microsoft, Oracle, etc. Nous cherchons également à nous interfacer avec des services populaires comme Salesforce.com et SAP. » Bref, l'avenir de Blackberry tiendra dans sa capacité à construire son nouvel écosystème.
Précisions le 15/04 à 12h35 : Notons que, dans un billet de blog, John Chen, le CEO de Blackberry, a démenti les propos que lui attribuait Reuters assurant que ses commentaires avaient été sortis de leur contexte. « Hier, Reuters a publié un article disant que je pourrais considérer la vente de la partie téléphones/terminaux de Blackberry. Ce que j'ai dit a été sorti de son contexte. Je tiens à vous assurer que je n'ai pour le moment en aucun cas l'intention de me séparer de cette partie de notre activité », a assuré le dirigeant. Notons toutefois que Reuters n'est pas revenu sur les propos qu'il attribue à John Chen dans l'article incriminé.
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