Vice-président de l’association OpenStack francophone et directeur des solutions d’infrastructure et Cloud de Savoir-Faire Linux (un acteur de l’Open Source au Québec employant quelque 120 personnes), Jonathan Le Lous commente pour Silicon.fr les récents rachats qui agitent l’écosystème OpenStack. Et qui voient les IBM, Red Hat et autre Cisco se livrer à une véritable course aux armements pour acquérir des compétences sur le sujet. En jeu : la mainmise sur les projets de déploiements chez les grands comptes et une lutte d’influence au sein de la fondation qui préside aux destinées de la solution Open Source.
Silicon.fr : Comment expliquez-vous la vague de rachats récents autour d’OpenStack ?
Que se passe-t-il dans les entreprises utilisatrices de la solution ?
J.L.L. : On observe un vrai virage, des entreprises abandonnant la version OpenStack communautaire pour des versions ‘entreprise’ conçues par de grands fournisseurs. On est entré dans une phase de consolidation du marché, les clients ayant pour objectif d’aller en production. 2015 sera à mes yeux une année décisive pour OpenStack, car la solution est entourée de gros effets d’annonce. Elle est désormais vue comme une alternative crédible à VMware ou Azure.
N’est-elle pas handicapée par l’absence d’un leader du Cloud public fonctionnant sur cette technologie ?
J.L.L. : Non, car on parle avant tout d’un marché du Cloud privé, d’un marché d’entreprises. Et sur ce marché, on observe un déficit de technologies. Si VMware est bien implantée, Azure pour les Cloud privé est assez jeune. Par ailleurs, les entreprises voient dans OpenStack un levier pour rééquilibrer les relations avec leurs fournisseurs. Comme les API sont standards, les organisations ont la capacité de travailler avec n’importe quel fournisseur.
Le Cloud hybride, et donc la capacité à disposer d’hébergeurs OpenStack, est davantage un enjeu de demain. Aux Etats-Unis, Rackspace est déjà positionné sur cet environnement. En France, Numergy et Cloudwatt ont lancé leurs offres, et OVH devrait suivre prochainement. Remarquons aussi que la dernière version d’OpenStack propose une gestion des identités adaptée aux architectures de Cloud hybrides. Je pense qu’à l’avenir, les hébergeurs offriront des API compatibles OpenStack pour proposer des services à la base installée. C’est l’enjeu futur pour la plate-forme.
IBM, HP, Red Hat, etc. Beaucoup de très gros poissons fraient dans l’environnement OpenStack. N’existe-t-il pas un risque d’éclatement de la solution du fait de la réunion de tant d’intérêts autour d’un seul et même projet ?
J.L.L. : Justement, le fait qu’il n’y ait aucune entreprise qui domine réellement au sein de la fondation OpenStack crée une telle tension qu’un équilibre s’est instauré. Dans les contributions, on assiste ainsi à une compétition hallucinante entre les différentes parties. C’est aussi pour cela que la communauté fonctionne bien, à la différence de celles de CloudStack ou d’Eucalyptus. Le marché avait besoin d’un standard, OpenStack est celui-là. Comme le fut Linux en son temps. Par ailleurs, la priorité des fournisseurs aujourd’hui est de concevoir une distribution OpenStack qu’ils peuvent patcher, intégrer à d’autres produits et dont ils peuvent garantir la stabilité. Même si, intrinsèquement, la communauté porte en elle le risque de voir tel ou tel éditeur bloquer ses API et empêcher la communication entre les différentes distributions.
Je dirai plutôt que la principale difficulté actuelle provient des entreprises utilisatrices qui rechignent à industrialiser leur solution. En pariant sur un acteur local qui lui assure un service autour de ses déploiements OpenStack. Ce pari me semble très risqué, surtout dans l’optique d’un passage en production. Il faut comprendre que OpenStack est, avec Linux, le projet Open Source le plus technique qui ait jamais existé. Je me souviens d’avoir vu des développeurs du noyau Linux très déstabilisés lors de la découverte d’OpenStack.
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