L’acquisition de Dailymotion par Orange (lire aussi l’actualité sur ITespresso.fr) devrait, à terme, présenter au moins un avantage au personnel de France Télécom : son accès. Aujourd’hui, en raison de la politique de filtrage du réseau interne à l’opérateur, la plate-forme de diffusion de vidéos en ligne est classée comme « non professionnel » et donc interdite d’accès (voir la capture d’écran ci-dessous).
L’accès à Dailymotion, comme à nombre de site « non professionnels » (au premier rang desquels le concurrent YouTube), entre dans un cycle de rénovation d’une politique de filtrage forte héritée des années Lombard. Système qui frôlait la censure au point que « l’observatoire du stress [site dédié à la gestion du stress interne du personnel, NDLR] était classé comme pornographique », rappelle Sébastien Crozier, président de l’union syndicale CFE-CGC/UNSA de France Telecom-Orange. A son arrivée à la direction du groupe en mars 2010, Stéphane Richard a entrepris la modernisation « de l’esprit France Télécom ».
Modernisation qui doit répondre à la montée des usages en ligne et à la généralisation des accès Internet. « Stéphane Richard a déjà levé par mal d’obstacles, comme le pass Internet, confirme le syndicaliste, mais l’idéal est d’arriver à une pratique fine de la gestion des accès Internet. » Laquelle passerait par une politique pédagogique de l’usage du réseau (en prévenant par exemple l’utilisateur que ce qu’il consulte n’est pas nécessairement indispensable à son travail, tout en l’informant des conséquences sur la consommation de bande passante mais sans appliquer de filtrage ferme).
Une mise en oeuvre qui se heurte à l’indispensable mise à niveau de l’infrastructure du groupe. « Si tous les salariés consommaient de la vidéo sur leur poste de travail, je ne suis pas sûr que le réseau tienne le choc », estime Sébastien Crozier. Une situation héritée de la période de réduction des coût (notamment à travers la masse salariale avec le départ de 30.000 agents dans les années 90 qui ont suivi l’ouverture du marché des télécoms à la concurrence). Un paradoxe pour un opérateur international mais, comme on sait, les coordonniers…
Au delà de cette problématique technique et humaine, la stratégie d’Orange dans les contenus reste à approfondir. Au delà de la question du coût de l’opération (« on trouve que 200 millions d’euros [à l’issu de la montée à 100 % dans le capital, NDLR], soit onze fois le chiffre d’affaires, est excessive »), l’acquisition de Dailymotion (et précédemment celle de Deezer) entre dans une stratégie de création d’un écosystème qui viserait à placer Orange comme fournisseur privilégié d’un kiosque numérique proposant un modèle économique viable aux éditeurs (à l’instar du minitel en son temps).
« La prise de participation est intéressante pour mettre en oeuvre cet écosystème mais cela manque de pluralité et de neutralité, nuance le responsable syndical, l’achat de contenus ne suffira pas à créer cet écosystème. » De plus, « la question des réseaux sans médiation n’est pas résolue. » Autrement dit, la capacité à l’opérateur de mettre en contact ses utilisateurs semble aujourd’hui oubliée. Or, c’est aussi elle qui apporte la valeur ajoutée du réseau. Il est vrai que face à Facebook, les services de Google ou encore un Apple Store, Orange n’a pas grand chose à opposer. Un opérateur qui détient quasiment 50 % des abonnés haut débit fixes en France peut-il se permettre de faire encore longtemps l’impasse sur cette valeur?
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