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Louis Pouzin s’oppose à la toute puissance de l’ICANN

Polytechnicien à l’origine du projet Cyclades de réseau maillé basé sur la commutation de paquets, Louis Pouzin s’exprime sur le rôle dévolu à l’ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers), organisation américaine appelée à dévoiler le 13 juin 2012 de nouvelles extensions de noms de domaine mises en vente au prix de 185 000 dollars chacune, dans un entretien paru lundi dans les colonnes de L’Édition Multimédi@ N°59.

DNS, un écosystème fracturé

Aux yeux de Louis Pouzin, ancien collaborateur de Bull et actuel directeur de projets au sein de l’organisation Eurolinc engagée dans l’initiative RINA (Recursive Inter-Network Architecture), la politique de l’ICANN consiste essentiellement à « accroître ses revenus en mettant sur le marché des extensions génériques de noms de domaine (TLD), dont le coût est considérablement plus élevé que dans le système actuel ».

Dans le nouveau système, a-t-il ajouté, « un “vani-TLD” pourrait être : .canon, .sony, .bank, .food, .taxi, etc. Disposer d’une telle extension sera un signe de richesse, de puissance, de notoriété, car il est cher et rare. L’ICANN prévoit d’en allouer environ 500 chaque année ». D’après Louis Pouzin, une telle initiative marginalisera les marques attachées aux anciens TLD (.com, .net, .info, etc.) en réduisant leur valeur marketing.

Aux États-Unis, cette perspective inquiète les gestionnaires de marques, d’autant plus que l’ICANN associe l’obtention d’un “vani-TLD” à de nombreuses restrictions, « dans bien des cas subjectives : décence, géographie, politique, religion, sexe, similarité, etc. » Par ailleurs, l’application de l’ensemble des scripts linguistiques sera, d’après M. Pouzin, « source inépuisable de contestations et d’incohérences, de confusions faciles… exploitables par des escrocs ».

Des alternatives à l’ICANN ?

À ce jour, seule la Chine a choisi de se passer de l’ICANN en construisant son propre DNS (Domain Name System). Il existe également « des approches différentes vers plus d’autonomie. On assiste ainsi à une diversification des infrastructures de type Internet, à l’abri des interférences nord-américaines », souligne Louis Pouzin. Quoi qu’il en soit, « les États-Unis sont déterminés à maintenir leur contrôle sur Internet ».

Les États-Unis font d’ailleurs partie des « 40 à 50 États dans le monde » qui disposeraient de systèmes sophistiqués de reconnaissance des contenus, prisés des politiques, polices et lobbies industriels, y compris culturels. Des sociétés comme AT&T, Narus/Boeing et Amesys, fournissent de tels systèmes, « mais l’existence de ces systèmes de surveillance, passablement illégaux, relève du secret d’État », affirme Louis Pouzin. Dans ce contexte, les groupes de pression industriels tentent de « faire adopter des sanctions draconiennes contre le piratage et la contrefaçon ».

SOPA, ACTA, même combat

Aux États-Unis, à la suite du projet de loi antipiratage SOPA (Stop Online Piracy Act) laminé par l’opinion publique et certains acteurs de l’Internet, et du texte qui lui a succédé, PIPA (Protect IP Act), un texte destiné à lutter contre la cybercriminalité, CISPA (Cyber Intelligence Sharing and Protection Act of 2011 ou H.R. 3523), a été introduit.

Considéré comme dangereux et antidémocratique par les organisations de défense des libertés, CISPA autorise les fournisseurs d’accès et autres sociétés Internet à intercepter les communications des internautes et à les transmettre au gouvernement américain « avec une immunité presque totale », selon les termes de l’EFF (Electronic Frontier Foundation). En outre, indique Louis Pouzin, « le seul obstacle restera un veto du président des États-Unis ».

L’informaticien octogénaire estime, par ailleurs, que l’ACTA (Anti-counterfeiting Trade Agreement), accord commercial multilatéral destiné à harmoniser la législation en matière de protection des droits d’auteur et de propriété intellectuelle, « présente à peu près les mêmes objectifs que les textes SOPA, PIPA et CISPA, mais dans un cadre multinational contraignant les États signataires à en appliquer les clauses ».

Louis Pouzin ajoute enfin que « des lois écrites par des lobbies multinationaux, sans souci des droits humains, ne peuvent être que totalitaires ou inapplicables ». À propos de la neutralité du Net, l’informaticien conclut que « la notion n’est pas applicable à un panachage de services, [mais] garde un sens dans le cadre de la qualité de service ».

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