Lutte contre le P2P: la Spedidam appelle à ‘un retour à la décence’

Cette société de droits d’auteur se distingue du discours répressif des maisons de disque. Et renouvelle son idée de licence légalisant le peer-to-peer. Les maisons de disque contestent en bloc

A l’heure où les majors françaises lancent une campagne de sensibilisation à propos du peer-to-peer avant d’entamer des procès, la Spedidam lance à nouveau un pavé dans la marre. La société de perception et de distribution des droits des artistes interprètes de la Musique et de la Danse ne suit pas du tout le discours répressif et un poil réducteur des maisons de disque face au piratage musical sur Internet.

Son argumentaire est simple: les internautes ne sont pas les seuls responsables des difficultés financières du secteur et la répression ne doit pas être le seul outil de lutte contre le P2P. Une position plus proche de la réalité selon certains analystes et acteurs du marché. Dans un communiqué publié dans la presse ce mardi, la Spedidam souligne que « les internautes ne peuvent pas être traités comme des délinquants » et appelle à « retour à la décence et au bon sens ». La Société explique: « Aujourd’hui, les représentants des majors défilent dans les médias pour expliquer que les téléchargements sont des activités de délinquants qui peuvent vous envoyer en prison, agitant le terme galvaudé de piraterie ». « Et l’on vous explique que les difficultés de l’industrie du disque sont uniquement de votre faute, la baisse de leur chiffre d’affaires étant présentée comme la conséquence des pratiques de téléchargement sur Internet ». Des affirmations jamais corroborées « Aucune étude sérieuse ne vient corroborer ces affirmations, l’industrie du disque oubliant un peu vite qu’elle a vécu un âge d’or, lié au développement du CD (…). Elles communiquaient, il est vrai beaucoup moins sur son enrichissement. Les majors ont par ailleurs de moins en moins investi dans des productions et carrières nouvelles d’artistes au cours de ces dernières années. Cette démarche n’est pas acceptable ». La Spedidam, qui rassemble 25.000 artistes interprètes, rejoint donc les analyses de certains observateurs. Piratage, mais aussi et surtout prix des disques, fin de vie du CD en tant qu’objet, pauvreté de la production, déplacement des budgets des jeunes, CD contrefaits sont autant d’éléments qui expliquent aussi la mauvaise passe du secteur. Une étude récente démontrait d’ailleurs que le P2P n’avait que des conséquences marginales sur les ventes de disques. Licence légale Néanmoins, il est clair pour tout le monde que le P2P doit être réglementé. Malgré la multiplication des plateformes légales et payantes, l’attrait de la gratuité risque encore de séduire de très nombreux internautes. Au lieu de lui opposer procès et répression systématique, la Spedidam renouvelle son idée de créer une licence légale et de légaliser ces pratiques. Seul moyen selon elle de juguler le P2P sans s’en prendre aux internautes (qui sont aussi les principaux acheteurs de disques…). « La Spedidam en appelle donc aux pouvoirs publics pour que les pratiques du peer-to-peer soient légalisées, dès lors qu’elles sont pratiquées à des fins non commerciales, en contre-partie d’une licence légale instaurant une rémunération perçue auprès des fournisseurs d’accès, qui sont les grands bénéficiaires du développement d’Internet et du haut débit ». « Cette licence légale permettrait d’une part de laisser vivre cet espace de liberté et d’autre part de percevoir une rémunération, établie en fonction du montant des abonnements souscrits, qui bénéficierait tant aux artistes interprètes qu’aux auteurs et aux producteurs ». L’idée pourrait-elle régler, une fois pour toute, le problème des droits d’auteur qui doivent de toutes façons être versés? C’est à voir, mais les FAI ne l’entendent pas de cette oreille. Considérant qu’ils se contentent de fournir des « tuyaux », ils ne veulent pas augmenter le prix des abonnements ou rogner sur leurs marges. Rien à faire: ils ne veulent pas porter le chapeau. Fin de non recevoir Quant aux maisons de disque, elles ont à plusieurs reprises dit tout le mal qu’elles pensaient de cette proposition qui aurait pour conséquence de tuer dans l’oeuf les plateformes légales qui commencent à se développer… Pour Hervé Rony, directeur général du SNEP (Syndicat National de l’édition Phonographique qui lance actuellement une campagne de sensabilisation), « la mise en place d’une licence légale est impossible à appliquer. C’est en plus une aberration économique ». « Le problème ne vient pas du peer-to-peer », explique-t-il. « Mais de la gratuité. Il faut que les contenus soient rémunérés. Le Spedidam ne comprend pas le modèle économique de la musique ». Pour le Snep, pas de mystères: le pirate internaute est bien à l’orgine de la baisse des revenus du secteur. « Certes, tous les internautes ne sont pas des délinquants mais les pirates sont essentiellement à l’origine de la chute des ventes. C’est clair. D’autres raisons existent mais le piratage est primordial », explique-t-il. Le Snep va poursuivre sa pression sur les internautes et sur les fournisseurs d’accès qui « ont une responsabilité écrasante dans ce dossier ».