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Oracle tancé pour ses audits agressifs et ses licences complexes

« Une méfiance profonde de la part de la base installée qui résulte de vos pratiques d’audit et de licences. » Dans une lettre ouverte à Larry Ellison (en photo) et au conseil d’administration d’Oracle, Campaign for Clear Licensing (CCL), une organisation anglaise à but non lucratif représentant les utilisateurs et militant pour des politiques de licences logicielles plus claires, dit tout haut ce que de nombreux DSI murmurent tout bas depuis des mois. Et l’organisation de rappeler qu’elle a publié en novembre dernier un rapport basé sur les réponses de 100 entreprises clientes dans le monde. Un rapport sévère pour l’éditeur pointant notamment la difficulté à répondre aux demandes d’audit de l’éditeur – des demandes jugées trop floues -, l’inutilité du département LMS (License Management Services) d’Oracle – censé promouvoir le bon usage des droits d’utilisation via les conseils d’experts -, le manque de communication autour des changements de politique de licence et une volonté de privilégier ses revenus au détriment des attentes des entreprises. 88 % des utilisateurs expliquaient ainsi que les demandes d’audit de l’éditeur ne sont pas claires. 92 % d’entre eux critiquaient la communication de l’entreprise américaine autour des changements de licences. La charge est sévère. Et sans ambiguïté.

Pour la CCL, ces problèmes ont abouti à créer un « climat hostile » entre l’éditeur et ses clients. Et de lancer un avertissement à peine voilé à l’éditeur américain, dont la priorité stratégique consiste à amener sa base installée à migrer vers ses offres Cloud : « Nous pensons fermement qu’échouer à résoudre ces difficultés va entraver la capacité d’Oracle à persuader ses clients d’adopter ses services Cloud, alors que la plupart d’entre eux s’inquiètent de voir ces services Cloud les lier encore davantage qu’ils ne le sont déjà à Oracle. » Pour un bon connaisseur du sujet des audits logiciels, après une phase de laxisme (jusqu’aux années 2000), puis un début des années 2000 où l’éditeur a privilégié la négociation, depuis la crise financière de 2008, la tendance est à la coercition. Au durcissement des relations avec les entreprises clientes. Selon cette source, qui a requis l’anonymat, le revenu généré par les audits chez Oracle France aurait ainsi été multiplié par 10 au cours de ces dernières années, pour représenter désormais plusieurs dizaines de millions de dollars par an.

Audits assassins = investissements contraints

Très souvent, après avoir constaté des écarts entre les contrats et la réalité des déploiements, ces audits servent de levier pour signer de nouvelles affaires. « Peu de personnes sont capables de comprendre les règles d’Oracle, donc de les mesurer », assure notre source, qui évoque un enchevêtrement de règles s’imbriquant les unes dans les autres. Avec des pièges portant notamment sur les règles de multiplexing, sur celles fixant sur les minimas ou sur la virtualisation. Trois domaines qui concentreraient 80 % des cas de non-conformité. Sans oublier les contrats anciens, négociés avec des métriques dépassées et générant là encore des conflits lors des audits.

Problème : lorsqu’elle est contrainte de piocher dans le catalogue de l’éditeur pour effacer un redressement, l’entreprise cliente se trouve en position de faiblesse pour négocier ce nouvel investissement ‘un brin’ forcé. Oublié dès lors les 50 à 85 % de ristourne qu’une DSI peut négocier habituellement auprès d’un grand éditeur. « Or les prix publics des logiciels ont fortement augmenté ces dernières années », nous expliquait il y a quelques mois ASG, éditeur d’une solution logicielle de suivi des actifs logiciels (SAM – Software Asset Management).

La côte d’amour de la base Oracle chute

Ces pratiques d’audits agressifs, se traduisant par des redressements de plusieurs dizaines de millions pour certains très grands comptes (en incluant les arriérés de support), ne sont certes pas spécifiques à Oracle. Microsoft, IBM ou SAP sont également connus pour pratiquer des audits agressifs. « Tout le CAC 40 s’est fait avoir et l’a masqué sous forme de nouveau projet », témoigne une autre source, qui a elle aussi requis l’anonymat. Reste que l’éditeur de Redwood Shores semble passé maître dans l’art d’utiliser l’audit comme arme commerciale.

La CCL recommande à l’éditeur 7 recettes pour sortir de cette impasse. La première d’entre elles résume à elle seule le désarroi des grands clients d’Oracle : « La satisfaction client, la force des relations et la valeur stratégique devraient remplacer le chiffre d’affaires venant des audits comme indicateur stratégique (sous-entendu pour l’éditeur, NDLR). » Un désamour qui pourrait commencer à se traduire dans la côte de popularité de la base de données Oracle, le produit phare de l’éditeur. Selon un rapport de DB-Engines, site spécialisé mesurant l’activité autour de ces outils (mentions sur le Web, nombre de discussions techniques, offres d’emploi, nombre de profils LinkedIn, score Google Trends, citations sur Twitter), les trois outils qui progressent le plus sont trois bases Open Source NoSQL (MongoDB, Redis et ElasticSearch). Surtout, Oracle abandonne plus de 20 points de popularité en un mois. Toujours nettement premier, le produit du second éditeur mondial est toutefois désormais à portée de MySQL (qui progresse de près de 9 points). Oracle pourra se consoler en se disant que la base Open Source est aussi dans son giron depuis le rachat de Sun, en 2009. Mais MySQL est loin de représenter le même niveau de revenus…

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