« Quand Free Mobile aura tué le marché... »
Bien qu'attendue, l'arrivée de Free Mobile sur le marché n'a pas manqué de surprendre, avec un forfait voix/Internet illimité à moins de 20 euros, notamment. Et les premières réactions de fuser. À commencer par celle d'Éric Besson. Pour le ministre chargé de l'Industrie, de l'Énergie et de l'Économie numérique « le groupe Iliad contribue à nouveau à la révolution numérique en rendant plus abordables les services mobiles ». Ça ne mange pas de pain de le dire d'autant que, pendant des années (surtout les premières), la concurrence a tardé à jouer sur le marché français sans que l'État n'y redise rien.
Une analyse loin de plaire à tout le monde. Si pour José Caballero, directeur marketing de Budget Mobile, « Free Mobile [est] une très belle offre promo réservée à 3 millions de personnes », elle n'est pas tenable pour la concurrence et « une fois que M. Niel aura tué le marché, et principalement les petits MVNO, il pourra alors augmenter subrepticement ses prix. » Un discours sans ambages qui spécule sur l'avenir difficile, par définition, à prédire. Mais le scénario n'est pas impossible.
« Le métier est plus complexe que de faire des prix »
Du côté des opérateurs mobiles, on garde son calme tout en évitant d'évoquer la faisabilité du modèle économique du nouvel arrivant (est-ce à dire qu'elle est donc viable ?). En apparence, pas d'inquiétude chez SFR. « Free a fait preuve d'une belle communication, on leur souhaite la bienvenue, commente le directeur marketing Patrick Asdaghi, mais il reste à délivrer. » Selon lui, « le métier [d'opérateur mobile] est plus complexe que faire des prix ».
Et de citer en exemple la disponibilité de l'iPhone 4S (annoncé pour le 27 janvier prochain par Free Mobile). « C'est bien de proposer un iPhone, encore faut-il avoir les stocks. Ce qui implique un gros travail de logistique », soutient le responsable qui, depuis trois ans que SFR travaille avec Apple, commence à connaître la question. Il fait également remarquer que Xavier Niel « n'a pas apporté d'informations sur le réseau, ni sur les débits ».
500.000 forfaits SFR en décembre
SFR s'alignera-t-il sur l'offre de Free ? Pas pour l'heure. « Beaucoup prédisaient un gel des ventes à cause de Free, mais cela n'a pas empêché SFR de vendre 500.000 forfaits smartphone en décembre. » Un record en hausse de 25 % par rapport à décembre 2010, selon Patrick Asdaghi, qui poursuit : « Ce que veulent les utilisateurs va au-delà du prix. » Selon lui, l'attente se trouve dans l'accompagnement, le conseil, un réseau mobile largement déployé. Et les usagers ne courent pas tous après l'illimité voix.
Quant à la baisse des tarifs, l'intéressé rappelle que SFR a déjà consenti de gros efforts à travers les offres multipack, les formules éco (offre SIM sans terminal) ou les séries RED sans engagement. « La vraie révolution n'est pas dans la baisse des prix, que Free accélère, mais dans l'explosion des usages de l'Internet mobile. » Et de répondre aux 3 Go de données de Free Mobile en rappelant que l'offre Carré Absolu de SFR propose 4 Go (3 Go de base + 1 Go optionnel gratuit), mais pour. 85 euros par mois. Pas de révisions tarifaires chez SFR dans un premier temps, donc. Le temps de constater le succès (ou l'échec) de l'offre du nouveau concurrent et de réagir en conséquence.
Orange prépare la riposte
Chez Orange, on garde également son flegme (d'autant que Free Mobile est client de l'opérateur qui lui fournit son infrastructure mobile selon les accords de roaming signés entre les deux entreprises) tout en préparant la riposte. « C'est leur jour, on va leur laisser savourer cette journée », déclare Jean-Bernard Orsini, responsable de la communication chez France Télécom. Faut-il entendre que l'euphorie sera de courte durée ? « Nous reviendrons vers nos clients pour évoquer nos propositions. » Quand ? « Rapidement. »
Dans tous les cas, « nous regardons attentivement l'offre de Free ». Il est vrai de nombreuses questions restaient en suspens à l'issu de la présentation de Xavier Niel mardi matin. Quid des éventuels frais d'entrée ou de sortie ? Que se passe-t-il au-delà des 3 Go de données consommés ? Et la data à l'international ? Quel service client ? Etc. Orange aura alors tout le loisir de dénicher les inexactitudes entre discours et réalité et de les mettre en avant pour mieux valoriser son catalogue.
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Un modèle économique crédible
Selon Anthony Poyac, directeur général du MVNO Prixtel, « les trois opérateurs historiques vont réagir assez rapidement, probablement dans les prochains jours ». Selon lui, ce sont eux, plus que les MVNO, qui ont le plus à perdre. Car le modèle de Free est économiquement viable, aux yeux du dirigeant dont les offres se distinguent régulièrement par leurs tarifs attractifs (notamment avec un illimité sans engagements à 30 euros). « Un forfait à 20 euros est réaliste aujourd'hui, car le prix des terminaisons d'appels va tomber à 0,8 centime d'euro [en 2013, NDLR] et tous les clients ne consommeront pas systématiquement énormément d'heures de communication. »
Il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'une « belle offre, mais sans innovation technologique ». Il est vrai que sur la question de l'illimité, du sans engagement, ou encore du financement des terminaux, Prixtel a une longueur d'avance. Reste la question du tarif attractif qu'Anthony Poyac « ne conteste pas ». Avant d'éventuellement s'aligner, Prixtel attend la réaction des opérateurs mobiles.
Contacté, Bouygues Telecom n'a pas encore pris le temps de nous répondre. Visiblement, l'arrivée de Free Mobile pose plus de problèmes au troisième opérateur mobile qui a notamment construit sa base d'abonnés en jouant sur les tarifs. À ce titre, il risque d'être la première victime du nouveau concurrent. Pour l'heure, il reste en tout cas sans voix.
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