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Intel : pourquoi le Tribunal de l'UE a annulé l'amende d'un milliard d'euros

Publié par Clément Bohic le - mis à jour à

L'amende d'un milliard d'euros que Bruxelles avait infligée à Intel en 2009 ne tient plus après une décision du Tribunal de l'UE. Qu'en est-il ?

La Commission européenne s'est-elle trompée en infligeant à Intel une amende d'un milliard d'euros et quelques ? La sanction était tombée en mai 2009, en conséquence de pratiques jugées anticoncurrentielles. Le Tribunal de l'UE vient de l'annuler intégralement, au nom d'une analyse « incomplète ».

Petite remise en contexte : Bruxelles a estimé qu'Intel avait profité de sa position dominante sur le marché mondial des processeurs x86 pour évincer ses concurrents. En particulier par l'intermédiaire de rabais conditionnels. Des faveurs accordées à quatre équipementiers (Dell, HP, Lenovo, NEC) sous réserve qu'ils achètent auprès d'Intel la totalité ou la quasi-totalité de leurs processeurs x86. Ainsi qu'à un distributeur (Media-Saturn) pour qu'il vende exclusivement des ordinateurs équipés de telles puces.

AMD avait tiré la sonnette d'alarme en 2000, puis en 2003. L'enquête avait officiellement démarré en 2004. Les faits finalement punis couvrent la période d'octobre 2002 à décembre 2007.

En 2012, Intel avait introduit un premier recours... que le Tribunal de l'UE avait rejeté deux ans plus tard. Le groupe américain s'était alors pourvu auprès de la CJUE. Celle-ci avait, en 2017, annulé l'arrêt du Tribunal et lui avait renvoyé l'affaire. Motif principal : il aurait dû examiner les arguments d'Intel au sujet d'un test dit AEC (« as efficient competitor ») - décrit ci-dessous dans ses grandes lignes.

(Cliquer pour agrandir.)

Les pratiques commerciales d'Intel mal cernées ?

D'après la CJUE, le Tribunal, comme la Commission, avait considéré que les rabais de fidélité accordés par une entreprise en position dominante auraient, par leur nature même, la capacité de restreindre la concurrence. De sorte qu'il n'était pas nécessaire d'en analyser les circonstances. Et donc, notamment, de mener un AEC.

Mais dans les faits, explique la juridiction suprême de l'UE, Bruxelles a bien mené un examen approfondi. Dont un AEC, qui s'est révélé important dans son appréciation de l'affaire. Il appartenait donc au Tribunal d'étudier les contre-arguments d'Intel à ce sujet.
Désormais qu'il l'a fait, il dresse un constat : la Commission « n'a pas établi à suffisance de droit la capacité de chacun des rabais litigieux de produire un effet d'éviction ». En particulier :

- Pour Dell comme pour HP, conditions de test insuffisantes pour conclure à un effet d'éviction sur toute la période

- Concernant NEC, deux erreurs. D'une part sur la valeur des rabais. De l'autre, l'extrapolation « insuffisamment justifiée » de résultats valant pour un trimestre.

- Pour Lenovo, des erreurs dans l'appréciation chiffrée des avantages en nature

- Pas d'analyse correcte de la durée des rabais. Ni du taux de couverture du marché par la pratique contestée.

La Commission européenne a une voie de recours. En l'occurrence, un délai de deux mois et dix jours pour solliciter la CJUE. Son pourvoi sera limité aux questions de droit.

Illustration principale © Tim Herman / Intel Corporation

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