Les carnets de campagne de Guy Mamou-Mani : François Fillon, plus qu'un simple technophile ?
Publié par La rédaction le | Mis à jour le
En exclusivité pour Silicon.fr, l'ex-président de Syntec Numérique décortique les enjeux numériques de la présidentielle. Cette fois, il zoome sur le programme du toujours candidat des Républicains. Le vrai candidat du numérique comme il le prétend ?
Lors de la grand-messe mondiale de l'informatique grand public qu'est devenu le Consumer Electronics Show auquel ont participé du 5 au 8 janvier 178 start-ups françaises sans compter plusieurs grands groupes tricolores, François Fillon a déclaré vouloir faire de la France une « smart nation ». En d'autres termes, un pays champion de l'économie numérique.
Lors de sa visite du CES, le candidat des Républicains à l'élection présidentielle 2017 est apparu habité d'une vision opposée à celle du vainqueur de la primaire de la Gauche : là où Benoît Hamon ne voit pas d'autre alternative à offrir un « revenu universel » face à un numérique destructeur net de valeur et d'emplois, François Fillon entend faire des technologies « smart » une vitrine de notre savoir faire national.
Il semblerait que cette déclaration ne relève pas de la simple posture : elle s'inscrit dans le prolongement des quelques propositions concrètes qu'il avait faites au printemps 2015 devant les étudiants de l'école Telecom Paris Tech et des professionnels du Syntec numérique. Ces propositions qui mettent le numérique au coeur d'un « plan de refondation de la France » avaient de quoi séduire. Elles entraient en résonance avec les préoccupations des industriels du secteur que je représentais..
Un geek amateur de drones ?
François Fillon est-il aussi « smart » qu'il le prétend et comme le laisse accroire son projet pour le numérique décliné en neuf mesures, un peu comme le fait Jean-Luc Mélenchon, qui se livre au même exercice au 83ème et dernier chapitre de son livre programmatique, L'avenir en commun. Un peu par obligation et pour mémoire, pour qu'on ne vienne pas lui reprocher de n'en avoir pas parlé.
François Fillon n'est-il pas plutôt un geek assumé comme il en a offert le spectacle lors de l'émission Une ambition intime du 6 novembre ? François Fillon avouait devant les téléspectateurs, « J'adore la technologie, j'ai le dernier appareil sorti » et en apportait la preuve en pilotant, sous les yeux ébahis de Karine Le Marchand, un drone au-dessus de sa propriété.
J'attends pour ma part de celui qui a livré dans son livre programmatique une vision du numérique dans laquelle je me reconnais plutôt bien, qu'il suive l'exemple d'un David Cameron qui s'est fait élire en 2010 en défendant son projet de « Big Society » ou de Gerhard Schröder et Angela Merkel qui ont su coaliser les Allemands sur l'idée de nation industrielle.
Absence de souffle (numérique)
Dans son livre Faire sorti fin 2015, François Fillon écrivait : « Il faut maintenant créer les conditions qui feront de la France l'un des leaders mondiaux du numérique. Nous avons beaucoup d'atouts pour cela. Des ingénieurs, des programmeurs, des mathématiciens excellents. Une tradition d'innovation qui correspond parfaitement à l'écosystème numérique. Un patrimoine et une créativité artistiques dont le prestige est reconnu dans le monde entier. Pour tirer profit de ces atouts, il faut définir et lancer une vraie politique du numérique, ambitieuse et conséquente. Une politique qui doit agir dans de nombreuses directions et ne rien laisser perdre de ce gisement : le développement des infrastructures et de la culture du numérique, la rénovation de l'administration, la création d'un environnement économique favorable, la protection et le traitement des données. » Retrouve-t-on cette ambition dans le quotidien de la campagne du candidat ?
Au stade où elle en est, affaires politico-judiciaires mises à part, je ne vois pas de volonté explicite de sa part ou de ses équipes de lancer un grand plan national de transformation du pays et de son économie par le numérique : rien, pour ne prendre que quelques exemples, sur les possibilités de moderniser notre administration, d'améliorer les performances écologiques dans le transport de marchandises par la multi-modalité, ni de produire et consommer intelligemment de l'énergie grâce aux smart grids, pas davantage de prévenir les épidémies (de grippe ou autres) grâce au Big Data. Notre pays attend plus une vision stratégique de transformation de la société à l'aune du nouveau monde dans lequel nous sommes entrés, qu'une série de mesures.
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