Les enjeux techniques et stratégiques des enchères sur le 700 MHz
Publié par Christophe Lagane le | Mis à jour le
En dévoilant les modalités d'attributions des fréquences 700 MHz, l'Arcep dévoile aussi les enjeux techniques et stratégiques de cette ressource spectrale.
Si les modalités d'attributions de la bande des 700 MHz proposées ce jour par l'Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes) doivent encore recevoir l'avis des membres de la commission consultative des communications électroniques (CCCE) avant d'être finalisées, le calendrier de mises à disposition de ces nouvelles fréquences hertziennes vient, lui, d'être définitivement fixé par un nouvel arrêté du Premier ministre. Rappelons que les opérateurs disposeront de 2×30 MHz puisés dans la bande de 694 à 790 MHz aujourd'hui exploitée par les services audiovisuels (TNT). L'Arcep disposera donc, à terme, des blocs 703-733 MHz et 758-788 MHz qui seront affectés aux services mobiles.
Cette réaffectation des ressources passera par la généralisation, sur la TNT, de la norme MPEG4 utilisée pour les programmes en haute définition et qui, en assurant une plus grande compression des flux audiovisuels qu'en MPEG2, permettra d'en libérer les ressources hertzienne. Ce basculement aura lieu le 5 avril 2016 sur l'ensemble du territoire (ce qui signifie que les postes de télévisions non équipés d'un décodeurs MPEG4 ne pourront plus recevoir les programmes télévisés). Ensuite, l'arrêt de la diffusion audiovisuelle dans la bande des 700 MHz sera progressivement programmé par plaques géographiques entre avril 2016 et juin 2019 (voire graphique ci-dessous).
Des fréquences stratégiques
La région Ile-de-France sera la première à cesser toute utilisation de la bande des 700 MHz pour la diffusion de la TNT. Ce qui signifie qu'en théorie, les opérateurs (qui auront acquis une licence d'exploitation 700 MHz en décembre 2015) pourront lancer la commercialisation de leurs services très haut débit mobile dans cette bande dès le printemps de l'année prochaine en Ile-de-France. Dans les faits, il est fort probable qu'ils attendent de disposer de l'autorisation d'exploitation sur l'ensemble du territoire avant de proposer leurs services (ce qui ne les empêchera pas de commencer à déployer le nouveau réseau).
Aucun des quatre opérateurs concernés n'a souhaité nous apporter cette précision se bornant à indiquer que l'entrée du processus d'enchères oblige à la confidentialité. L'accès à ces nouvelles ressources hertziennes est effectivement stratégique pour le développement de leurs futurs services. Les 700 MHz, dites fréquences en or pour leur qualité de propagation, apporteront en effet les capacités nécessaires aux développements de l'Internet mobile mais aussi pour préparer l'arrivée de la 5G. Au-delà des débits démultipliés (jusqu'à 1 Gbit/s par terminaux) attendus, la nouvelle génération de réseau mobile permettra la mise en oeuvre de nouveaux services temps réel pour les usages des objets connectés (véhicules à conduite assistée, robotisation industrielle, monitoring santé.). Autant de nouveaux leviers de développement économiques en vue pour les opérateurs de réseau comme de services.
10 MHz pour Free et Orange chacun ?
Il restera à voir comment s'articulera la distribution de ces ressources. Plusieurs configurations pourraient émerger des mécanismes d'attribution par enchère ascendante proposés par l'Arcep. Selon les modalités définies, Free pourra disposer de 2×15 MHz de fréquences (3 blocs de 5 MHz) contre 2×10 MHz (2 blocs) pour ses concurrents. Un avantage qui vise à donner l'occasion au quatrième opérateur (chronologiquement parlant) de combler un peu l'écart avec ses concurrents. Dans le meilleur des cas, si Free arrivait à arracher les trois lots de 5 MHz, il disposerait au mieux de 20 MHz dans les bandes 700 (15 MHz) et 900 (5MHz). Contre minimum 25 MHz (partagés entre les 700, 800 et 900) chez concurrents (24,8 MHz chez Bouygues Telecom).
Il est de toute façon peu probable que Free obtienne trois lots, sauf à investir plus de 1,2 milliard d'euros au minimum. Si la filiale d'Iliad, pour qui les fréquences 700 MHz lui sont encore plus indispensables qu'aux autres acteurs, obtient 2 lots, cela signifie qu'un autre opérateur bénéficiera également de 10 MHz de bande et les deux autres de 5 MHz chacun. Face aux enjeux et moyens de chacun des acteurs, on peut spéculer qu'Orange est le mieux placé pour remporter ces deux autres lots également. Notre pronostic nous amène à penser que les 700 MHz se partageraient entre Free et Orange pour 10 MHz de largeur de bande chacun, et 5 MHz pour Numericable-SFR et Bouygues Telecom chacun. Un scénario qu'il restera à vérifier en fin d'année lors de la mise effective aux enchères. Les paris sont ouverts.
Un enjeu financier aussi pour l'Etat Français qui doit regarder avec envie son partenaire allemand en récupérant 5,08 milliards d'euros pour les fréquences 700 MHz à 3 opérateurs.
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