Loi numérique : lanceurs d'alerte protégés et OS Souverain validé
Publié par Ariane Beky le | Mis à jour le
L'Assemblée nationale a conclu l'examen du projet de loi pour une République numérique. OS souverain, logiciels libres, lanceurs d'alerte. Des dispositions sensibles ont été adoptées.
Après un passage en commission des lois, les grandes lignes du projet de loi pour une République numérique d'Axelle Lemaire ont été adoptées en première lecture, jeudi 21 janvier, par l'Assemblée nationale. Après trois jours d'examen, 457 amendements restent en discussion, mais plusieurs dispositions contestées ont été inscrites dans le texte, dont celle en faveur d'un OS souverain.
Commissariat à la souveraineté
Le texte résultant des débats du 21 janvier à l'Assemblée indique : « le gouvernement remet au parlement, dans un délai de trois mois, à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur la possibilité de créer un Commissariat à la souveraineté numérique rattaché aux services du Premier ministre ». Ce rapport devra préciser « les conditions de mise en place, sous l'égide de ce commissariat, d'un système d'exploitation souverain et de protocoles de chiffrement de données, ainsi que les moyens nécessaires au fonctionnement de cet établissement public ». Cette disposition pour un OS « français », dont les développements et la promotion seraient encadrés par l'État, est loin de faire l'unanimité. Par ailleurs, des alternatives libres et Open Source aux OS propriétaires (Windows) ou semi-propriétaires américains (Mac OS X, iOS) existent déjà sur le marché français, dont Mageia (OS soutenu par une association loi 1901) et Linux Mint (lancé par Clément Lefebvre), par exemple.
Encouragement aux logiciels libres
Une autre disposition divise. L'article 9 ter du texte adopté jeudi prévoit que les services de l'État, administrations, établissements publics et entreprises du secteur public « encouragent l'utilisation des logiciels libres et formats ouverts lors du développement, de l'achat ou de l'utilisation d'un système informatique ». En revanche, les amendements qui visaient à accorder « la priorité » aux logiciels libres dans l'administration, ont été rejetés. Le Conseil national du logiciel libre (CNLL) et l'April, association de défense du logiciel libre, le déplorent, mais pas les représentants de l'industrie inquiets pour leur modèles d'affaires (Afdel, Syntec Numérique, SFIB, Fevad). L'Afdel (Association française des éditeurs de logiciels et solutions Internet), en particulier, a adressé un courrier au chef de l'État et appelé les députés à « veiller à ce que la neutralité de la commande publique soit préservée ».
Open data et Open access validés
Le volet du projet de loi Lemaire visant à étendre l'ouverture des données publiques a été adopté (mais c'est un autre texte dédié à l'Open Data - celui de Clotilde Valter - qui transpose la directive européenne « PSI »). Dans la loi Lemaire, l'ouverture et la gratuité d'accès aux publications scientifiques financées par les fonds publics ont également été validées (Open Access). Quant au principe de neutralité du Net, il sera inscrit dans la loi numérique française. Mais il pourrait être limité par le règlement européen pour un « Internet ouvert » voté par le Parlement européen.
Les lanceurs d'alerte protégés
L'Assemblée a finalement voté un amendement qui vise à protéger « les lanceurs d'alerte de sécurité ». Et ce en exemptant de peine « toute personne » qui, à travers un accès non autorisé (ce qui constitue un délit), découvre une faille et en alerte immédiatement « l'autorité administrative ou judiciaire ou le responsable du système de traitement automatisé de données en cause ». En revanche, les amendements visant à exempter de poursuites ces personnes ont été rejetés. Des poursuites donc, sans peine.
Le pouvoir de sanction de la CNIL renforcé
L'augmentation des sanctions pécuniaires que pourra infliger la CNIL (Commission nationale informatique et libertés) en cas de récidive de manquements à la loi informatique, a été entérinée. D'autres dispositions, du droit à l'oubli pour les mineurs à la « mort numérique », en passant par la pénalisation de la diffusion de photos ou vidéos à caractère sexuellement explicite d'un tiers sans son consentement (« revenge porn » ou vengeance pornographique), ont aussi été adoptées.
Les députés voteront par scrutin public sur l'ensemble du texte, mardi 26 janvier.
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