Majorana 1 : une puce, une vision de l'informatique quantique
Les travaux de Microsoft sur les qubits topologiques s'incarnent en la puce Majorana 1, assortie d'une feuille de route.

Et si, grâce à l'informatique quantique, on pouvait améliorer Cortana 30 fois plus vite ?
Il y a une paire d'années, quand son assistant était encore de ce monde, Microsoft avait évoqué cette perspective. C'était plus précisément en septembre 2017, dans le cadre de sa conférence Ignite. Le groupe américain y avait présenté ses dernières avancées sur les qubits dits topologiques. Il voyait l'entraînement d'algorithmes de machine learning comme un de leurs premiers débouchés.
Les particules de Majorana pour des qubits plus fiables
Les recherches de Microsoft dans ce domaine ont pour socle des travaux qu'un laboratoire de Santa Clara avait amorcés dans les années 2000. Les fondements étaient alors déjà posés : rendre les qubits plus fiables en exploitant l'état topologique de la matière. En l'occurrence, la capacité à diviser un électron de sorte qu'il apparaît à plusieurs endroits au sein d'un système, réduisant le risque de perturbation.
En résulte aujourd'hui un processeur quantique appelé Majorana 1. Il associe un semi-conducteur (arséniure d'indium) et un supraconducteur (aluminium). Refroidis près du zéro absolu et ajustés par des champs magnétiques, ils forment des nanofils avec, à leur extrémité, des particules de Majorana. Ces dernières, théorisées dans les années 30 sur la base de travaux de Paul Dirac, n'existent pas dans la nature. Appliquées à l'informatique quantique, elles stockent l'information par un système de parité (nombre pair ou impair d'électrons dans le nanofil).
Prise de distance vis-à-vis du contrôle analogique
Dans les supraconducteurs conventionnels, les électrons se lient en paires de Cooper et se meuvent sans résistance. Tout électron célibataire peut être détecté par le fait que sa présence nécessite davantage d'énergie. Avec les topoconducteurs, c'est différent : ces électrons sont partagés entre deux particules de Majorana, les rendant ainsi invisibles à l'environnement, ce qui protège l'information.
Ainsi protégée, l'information est plus difficile à mesurer : il faut regarder en même temps l'état des deux particules. Pour ce faire, on utilise une forme d'interrupteur qui couple les deux extrémités du nanofil à un quantum dot (semi-conducteur capable de stocker une charge électrique). Cette connexion, qui augmente la capacité de stockage, dépend de la parité. On peut évaluer ce changement en envoyant des micro-ondes, qui reviennent avec une "empreinte" de l'état quantique du nanofil.
L'activation de l'interrupteur se fait grâce à des pulsations de tension. Un mécanisme censé favoriser la correction d'erreur par rapport au contrôle analogique de l'informatique quantique traditionnelle, tout en minimisant la taille du système.
La DARPA en soutien
Le tetron, élément de base de l'architecture proposée implique quatre particules de Majorana, dans une structure en H. Une première étape consistera à démontrer la capacité de contrôle par la mesure dans un système à deux qubits, en superposant les états de parité (découplage d'un quantum dot et connexion d'un autre aux deux nanofils à une extrémité du système). Il s'agira ensuite d'aller vers une matrice de tetrons supportant la correction d'erreur sur deux qubits logiques. Puis de passer à l'échelle. Un processus qui durera encore des années.
La puce Majorana 1 héberge pour le moment 8 qubits topologiques. Il est question d'atteindre le million.
La DARPA a récemment sélectionné Microsoft pour participer à la phase finale de son programme US2QC (Underexplored Systems for Utility-Scale Quantum Computing). Celui-ci a pour objectif de valider, d'ici à 2033, la possibilité d'un ordinateur quantique à usage industriel dont la "valeur informatique" surpassera le coût. L'autre société sélectionnée, PsiQuantum, de Palo Alto, a recours à la photonique sur silicium.
Illustrations © Microsoft
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