Emploi : Additeam interdit de recrutement
Recruter, en France, peut relever de la gageure. Surtout lorsqu'il s'agit d'embaucher du personnel étranger. la SSII Additeam vient d'en faire l'amère expérience. Elle s'est vue refuser l'embauche d'un ingénieur informatique d'origine tunisienne. La préfecture, du Nord Pas-de-Calais en l'occurrence, a justifié son refus d'autorisation de travailler sur le territoire français en expliquant qu'un profil similaire était disponible parmi la population de nationalité française.
Ce qui n'est visiblement pas le cas. « Quand nous avons demandé au Pôle-Emploi de nous envoyer des CV de profils correspondant à nos besoins, nous n'avons reçu aucune réponse. », répond à Silicon.fr Eric Decalf, PDG de la société de services. Il faut dire que les besoins d'Additeam exigent des spécifications précises. « Pour répondre à une demande client dans le secteur bancaire, nous faisons appel à des ingénieurs développeurs en Cobol sur de gros systèmes type MVS ou mainframe, explique le dirigeant. Or, ces technologies n'attirent pas les jeunes diplômés, et les formations d'ingénieurs sont sous-dimensionnées depuis 10 ans en France, nous sommes clairement confrontés à une pénurie. Nous sommes contraints de nous tourner vers l'extérieur et avons trouvé ce jeune tunisien qui dispose de 6 ans d'expérience dans le secteur bancaire. »
La faute à la circulaire Guéant
Un profil idéal qui ne plait guère aux nouvelles règles de l'administration française. La faute à la « circulaire Guéant », du 31 mai, qui vise à limiter l'immigration professionnelle et restreint la possibilité pour les étudiants étrangers de travailler en France. Une stratégie arbitraire qui a entraîné des manifestations d'étudiants jeudi 13 octobre dernier. En vain. Yazid Sabeg, commissaire à la Diversité, confirmait dans la foulée que la circulaire ne serait pas retirée. « J'ai demandé (à Claude Guéant) que cette circulaire soit appliquée avec discernement. Il faut que le discernement soit la règle », a-t-il déclaré selon des propos rapportés par FranceSoir.fr.
Un discernement dont n'a visiblement pas bénéficié Additeam. « C'est le premier refus de ce genre que nous rencontrons depuis la création de l'entreprise en 2003 alors que notre dossier tient parfaitement la route, confirme Eric Decalf. Cela ne nous amuse pas de recruter à l'étranger, cela nous coûte du temps et de l'argent, environ 1600 euros par dossier. Mais les jeunes développeurs en France s'intéressent plus au PHP qu'aux technologies plus anciennes dont les compétences se trouvent soit auprès des seniors, quand il en reste en poste et à condition qu'ils soient disponibles, soit à l'étranger. »
Une politique absurde, purement comptable
Conséquence de ce refus, Additeam va perdre un marché, voire un client, faute de pouvoir répondre à ses besoins. L'entreprise va certes contester le refus. Mais face aux délais administratifs, environ deux mois avant de recevoir une réponse, la SSII est certaine de perdre le marché. Il s'agit néanmoins d'une contestation pour la forme et sur le fond. « C'est une aberration, une politique purement comptable qui joue la carte de la dissuasion auprès d'entreprises comme les nôtres et ne voit pas très loin, s'agace l'entrepreneur. C'est une politique qui empêche le développement des PME, qui nous fait perdre des marchés, donc du chiffre d'affaires et, au final, des recettes fiscales. »
Avec des conséquences potentiellement dramatiques sur le moyen terme. « Si les grands comptes voient que les PME françaises ne répondent pas à leurs besoins, elles se tourneront directement vers les sociétés de services indiennes. Je ne pense pas que le gouvernement ait conscience de cette situation, s'il avait réellement conscience du terrain, il n'appliquerait pas cette politique absurde. » Et que se passera-t-il lorsque la petite trentaine de salariés étrangers, sur les 150 que compte Additeam, devront renouveler leur demande d'autorisation de séjour ? On n'ose l'imaginer.
Crédit photo : © Mimi Potter - Fotolia.com
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