Process mining : un arbitrage plus stratégique que fonctionnel ?
Publié par Clément Bohic le | Mis à jour le
Le dernier Magic Quadrant du process mining met l’accent sur la réponse à des « cas d’usage clés » plutôt qu’un cahier des charges fonctionnel.
Le Magic Quadrant, avant tout une évaluation fonctionnelle de produits et de services ? Celui consacré au process mining n’apparaît pas comme tel.
Comme l’an dernier, les fournisseurs n’ont pas tant été analysés sur le contenu de leur offre que sur leur capacité à couvrir quatre « cas d’usage clés ». En l’occurrence :
– Découverte d’opportunités d’automatisation
– Amélioration des processus
– Validation de leur conformité
– « Business mining », ou comment connecter activités et stratégies sous le prisme des parcours utilisateurs, des cycles de vie de produits, des interactions entre systèmes, etc.
Il n’y avait, à nouveau, pas de seuil minimal de clientèle requis pour figurer au Magic Quadrant du process mining. Il était par ailleurs toujours possible d’y trouver place sans respecter les critères de revenus, à condition de faire partie, texto, des « fournisseurs pris en considération pour évaluation dans au moins 10 % des requêtes faites à Gartner ces deux dernières années ».
Comme dans d’autres Quadrants (intégration de données, cloud public, SD-WAN, data quality…), la GenAI a pris une autre dimension d’une année sur l’autre. Gartner la place désormais parmi les technologies « communes » dans le process mining. Sur le même plan, entre autres, que la préparation de données, l’exploration de tâches (task mining) et l’orchestration de processus.
Dix-huit fournisseurs, neuf « leaders »
Le positionnement dans le Quadrant se fonde sur deux dimensions. D’un côté, un axe « vision ». Il est centré sur les stratégies (sectorielle, géographique, commerciale, marketing, produit…). De l’autre, un axe « exécution » qui reflète la capacité à répondre effectivement à la demande (expérience client, performance avant-vente, qualité des produits/services…).
Sur l’axe « vision », les fournisseurs classés se placent dans cet ordre :
Fournisseur | Évolution annuelle | |
1 | Celonis | = |
2 | SAP Signavio | = |
3 | Software AG | = |
4 | MEHRWERK | = |
5 | Apromore | + 3 |
6 | Microsoft | + 7 |
7 | ABBYY | – 1 |
8 | QPR Software | – 1 |
9 | Appian | + 2 |
10 | UIPath | = |
11 | Pegasystems | – 2 |
12 | IBM | = |
13 | StereoLOGIC | + 1 |
14 | Skan | nouvel entrant |
15 | Cyclone Robotics | nouvel entrant |
16 | Proxverse | nouvel entrant |
17 | UpFlux | nouvel entrant |
18 | mindzie | nouvel entrant |
Sur l’axe « exécution » :
Fournisseur | Évolution annuelle | |
1 | Celonis | = |
2 | Software AG | = |
3 | SAP Signavio | + 1 |
4 | UIPath | – 1 |
5 | Microsoft | + 3 |
6 | Apromore | + 3 |
7 | IBM | – 1 |
8 | Appian | + 3 |
9 | ABBYY | – 2 |
10 | MEHRWERK | – 5 |
11 | QPR Software | – 1 |
12 | Pegasystems | + 2 |
13 | Skan | nouvel entrant |
14 | StereoLOGIC | – 1 |
15 | UpFlux | nouvel entrant |
16 | Cyclone Robotics | nouvel entrant |
17 | mindzie | nouvel entrant |
18 | Proxverse | nouvel entrant |
Les six « leaders » de 2023 (ABBYY, Apromore, Celonis, MEHRWERK, SAP Signavio et Software AG) le restent. Appian (ex-« acteur de niche ») les a rejoints, ainsi qu’IBM et Microsoft (ex-« challengers »).
Le trio Celonis-SAP-Software AG garde une longueur d’avance.
Tarification complexe chez Celonis…
Distingué l’an dernier sur le volet innovation notamment avec sa brique Business Miner (exploration sur base de questions-réponses), Celonis l’est de nouveau. Cette fois essentiellement pour la cohérence de son modèle orienté objet. Gartner salue aussi sa solidité (base client sans égale dans ce Quadrant, part de marché autour de 50 %, acquisition de Symbio…) et son message marketing « anti-corporate » axé sur les utilisateurs « faiseurs de changement ».
Le jugement n’est pas aussi favorable sur la tarification. En particulier parce qu’elle peut se révéler complexe lorsqu’on adopte le modèle object-centric. Celonis peut aussi progresser sur l’expérience client, par exemple sur la précision de son service desk. Autre champ d’amélioration : le task mining, avec la perspective de toucher des cas d’usage au-delà de la productivté des salariés.
… comme chez SAP
L’innovation vaut aussi un bon point à SAP, avec l’IA en première ligne (enrichissement de logs, analyse de parcours utilisateurs, recommandation de processus…). Gartner salue par ailleurs – comme l’an dernier – l’alignement sur la stratégie commerciale d’ensemble du groupe allemand. Et, plus globalement, la vision d’une « suite de transformation de bout en bout ».
Tarification également jugée complexe pour SAP, du fait qu’il propose deux produits aux modèles économiques distincts. Produits entre lesquels il gagnerait, ajoute Gartner, à mieux communiquer les différences. Attention aussi à un point qui était déjà d’actualité en 2023 : une tendance à se focaliser sur les cas d’usage dans l’écosystème SAP, en dépit d’une stratégie dite « agnostique » des systèmes.
Software AG distingué sur la GenAI ; pas sur le task mining
Contrairement à Celonis, Software AG a droit à un bon point sur l’expérience client (qualité des boucles de feedback et de l’implémentation, notamment). L’orchestration de processus lui en vaut un autre, sur la base de la plate-forme ARIS qui peut faire office de DTO. La GenAI est un autre point fort, autant pour la conception de composants en langage naturel que pour la recommandation de projets d’automatisation.
Qui n’est pas client d’ARIS prendra garde : Software AG fournit séparément de son offre de process mining de multiples capacités avancées, dont la simulation et l’analyse de processus. Quant à la brique de task mining, elle est limitée, se basant sur l’enregistrement d’écran (pas d’exploitation des données de l’OS).
Appian, Microsoft, UiPath… Le process mining, partie d’un tout
En matière d’innovation, on aura relevé les bons points accordés à Appian, Apromore et MEHRWERK. Le premier, essentiellement pour les liens avec sa data fabric et l’analyse en self-servce à renfort d’IA. Le deuxième, pour l’IA appliquée à la recherche de causes et à la simulation des automatisations. Et le troisième, pour l’IA de façon générale (création, analyse, explication, suggestion de processus).
MEHRWERK se distingue aussi sur sa vision, axée self-service et exécution autonome de processus. Chez UiPath, c’est la notion de « découverte continue » que Gartner apprécie. Et chez Appian, la volonté de convertir tout modèle de processus en workflow.
Au moment des relevés, ni Microsoft, ni UiPath ne prenaient en charge le format OCPM. Ce que Gartner souligne. Le premier avait néanmoins pour lui l’usage de la GenAI (GPT-3.5 Turbo et Copilot), le task mining (via Power Automate for desktop) et la partie analyse prédictive (en lien avec Power BI). Le second, la complétude de son portefeuille pour aller vers l’hyperautomatisation.
La stratégie sectorielle n’est pas le fort de tous, dont ABBYY et Apromore. Ce dernier a par ailleurs une présence géographique limitée (dépendance à des partenariats pour le déploiement), comme MEHRWERK hors Allemagne.
Photo d’illustration © Quardia Inc. – Adobe Stock