iPaaS : la confusion règne ?
Le dernier Magic Quadrant de l’iPaaS confirme la difficulté à définir le périmètre de ce marché. Quelles y sont les forces en présence ?
Attention aux risques de confusion entre solutions technologiques ? Il arrive à Gartner d'émettre des avertissements de cette teneur dans le cadre de son Magic Quadrant.
Cela peut tenir à des questions de terminologie, comme entre SIEM et XDR. Mais aussi à la coexistence de plusieurs offres chez un même fournisseur, augmentant par là même la probabilité de faire un mauvais choix. Exemple sur le SD-WAN.
Autre source potentielle de confusion : la convergence entre segments de marché. L'iPaaS - tout du moins tel que le définit Gartner - est sujet à cette tendance. Le cabinet américain l'avait déjà suggéré l'an dernier, dépeignant un marché dont il devenait difficile de définir le périmètre vis-à-vis des outils d'intégration de données, de la RPA ou encore des services de gestion des API. Il avait illustré son propos en mentionnant, entre autres, les acquisitions de Signavio par SAP, de ServiceTrace par Salesforce et de myInvenio par IBM.
Cette année, le mot « confusion » est lâché. À la base, un constat : face à la diversité des scénarios d'intégration, les fournisseurs d'iPaaS finissent par étendre leur catalogue. Pour certains, cela se manifeste par un mouvement vers l'hyperautomatisation. Pour d'autres, vers la conception d'applications, en particulier à renfort de plates-formes low code. Les fournisseurs évoluant sur ces marchés adjacents ont eux-mêmes tendance à ajouter des briques iPaaS...
AWS, nouvel entrant au Quadrant iPaaS
La photographie que Gartner donne du marché de l'iPaaS correspond à la situation en janvier 2024. Le positionnement dans le Quadrant se fonde sur deux dimensions. D'un côté, un axe « vision ». Il est centré sur les stratégies (sectorielle, géographique, commerciale, marketing, produit...). De l'autre, un axe « exécution » qui reflète la capacité à répondre effectivement à la demande (expérience client, performance avant-vente, qualité des produits/services...).
Sur l'axe « vision » :
Fournisseur | Évolution annuelle | |
1 | Workato | + 2 |
2 | Boomi | + 4 |
3 | SnapLogic | + 8 |
4 | SAP | - 3 |
5 | Oracle | - 3 |
6 | Informatica | nouvel entrant |
7 | Jitterbit | + 3 |
8 | Tray.io | + 6 |
9 | Salesforce | - 4 |
10 | Software AG | - 2 |
11 | Celigo | + 1 |
12 | Microsoft | - 3 |
13 | Huawei | = |
14 | IBM | - 10 |
15 | TIBCO Software | - 8 |
16 | Frends | -= |
17 | AWS | nouvel entrant |
Sur l'axe « exécution » :
Fournisseur | Évolution annuelle | |
1 | Boomi | + 6 |
2 | Workato | - 1 |
3 | Oracle | - 2 |
4 | SAP | = |
5 | Salesforce | + 1 |
6 | Informatica | nouvel entrant |
7 | Microsoft | - 4 |
8 | AWS | nouvel entrant |
9 | Software AG | + 1 |
10 | IBM | - 1 |
11 | Celigo | = |
12 | Huawei | + 2 |
13 | SnapLogic | - 1 |
14 | Tray.io | - 9 |
15 | Jitterbit | - 2 |
16 | TIBCO Software | - 8 |
17 | Frends | = |
iPaaS : les six « leaders » le restent
Les positions ont globalement beaucoup évolué d'une année sur l'autre. À commencer par celle de TIBCO Software, passé du carré des « leaders » à celui des « acteurs de niche ». Possiblement une conséquence de sa non-réponse à une demande d'informations supplémentaires. Gartner le précise en tout cas - chose rare - dans son analyse, qu'il déclare ainsi fondée sur « d'autres sources crédibles ».
AWS fait son entrée dans le Magic Quadrant de l'iPaaS, en tant que « challenger ». Informatica y fait quant à lui son retour après un an d'absence. Il avait disparu des radars faute de fournir une solution autonome : Gartner avait considéré que son iPaaS faisait partie de sa plate-forme Intelligent Data Management Cloud.
D'une année à l'autre, les critères d'inclusion ont peu évolué sur le volet fonctionnel. Les PIP (intégrations packagées) sont restées optionnelles, comme, notamment l'IDP, les fonctionnalités IA et le process mining. Sur le volet business, les seuils étaient plus élevés. Il fallait soit avoir réalisé 50 M$ de revenus iPaaS sur l'exercice fiscal 2022, soit être en mesure de revendiquer au moins 1000 clients uniques.
Digibee, Scheer PAS, Seeburger et WSO2 n'ont pas satisfait à ce dernier critère. Gartner les crédite toutefois d'une « mention honorable ». Même chose pour Zapier, qui ne remplissait quant à lui pas le critère technique de fourniture d'une connectivité sécurisée aux applications et données sur site sans nécessiter l'ouverture de flux entrants sur le firewall.
« Leaders » l'an dernier, Boomi, Microsoft, Oracle, Salesforce, SAP et Workato le restent.
Des dépendances pour Boomi
Gartner salue la stratégie produit de Boomi, entre investissements dans l'IA, SLA et options de sécurité. Il souligne aussi son historique sur le marché de l'iPaaS et la qualité de l'expérience client - sur la formation, tout particulièrement.
L'appréciation n'est pas aussi positive quant à la stratégie géographique. Essentiellement parce que Boomi héberge différents services dans différents régions. Autre point de vigilance : la dépendance à des partenaires pour la RPA et l'IDP avancé.
L'iPaaS d'Informatica jugé complexe à utiliser
Informatica a pour lui la profondeur de son offre, la flexibilité de déploiement, le réseau de partenaires et les engagements RTO/RPO. Sa stratégie sectorielle (écosystèmes d'apps, clouds industriels) lui vaut aussi un bon point.
Gartner pointe, en revanche, un retard sur les autres « leaders » sur l'expérience client (complexité d'utilisation) et l'innovation (sur les fonctionnalités collaboratives). Ainsi qu'une tendance à percevoir Informatica comme destiné aux cas d'usage complexes axés data.
Microsoft : les métiers servis... en partie
Outre sa présence globale, en direct ou via partenaires, Microsoft se distingue en fournissant de nombreuses options de déploiement de son iPaaS. Il a aussi pour lui un modèle de tarification flexible... et sa viabilité d'ensemble.
On ne peut pas en dire autant sur la stratégie sectorielle : pas de PIP à l'horizon. Gartner regrette aussi l'absence de solutions orientées vers les cas d'usage complexes des métiers (la plate-forme Power couvre des scénarios simples et Azure cible l'IT). Il déplore par ailleurs une stratégie « produit autonome » moins visible que d'autres sur le marché iPaaS.
Les applications maison en première ligne chez Oracle et SAP
Comme chez Microsoft, la présence géographique (bureaux, partenaires, régions cloud) est un atout pour Oracle. Le focus sur l'hyperautomatisation en est un autre. Gartner y ajoute la haute disponibilité et la résilience.
Même s'il a commencé à ajouter des briques IA, Oracle reste en retard dans ce domaine. Il a, en outre, tendance à déployer moins de nouvelles versions que la moyenne du marché. Et son iPaaS reste intéressant avant tout pour les utilisateurs de ses applications.
Bons points pour SAP sur les stratégies sectorielle et géographique (présence commerciale, support, partenariats). Ainsi que sur la satisfaction client (notamment sur les fonctions de monitoring et l'expérience de conception d'intégrations).
L'offre reste néanmoins perçue comme centrée sur les produits SAP. D'autant plus que le modèle commercial est axé sur la vente de ces produits en parallèle de l'iPaaS. Gartner regrette aussi l'inadaptation des prix aux différents segments de marché et tailles d'organisations.
Vigilance sur le modèle économique chez Salesforce...
Disponibilité et résilience sont aussi un point fort de Salesforce (comme, de manière plus générale, l'étendue de son infrastructure). Autres éléments positifs : l'expérience client (maturité de la plate-forme MuleSoft, catalogue de connecteurs et qualité du support).
La tarification au vCore a moins de succès auprès de Gartner, même si un modèle à la conso existe en parallèle. Le cabinet américain déplore aussi la « lourdeur » de la plate-forme Anypoint pour certains cas d'usage simples. Et, plus globalement, le manque de visibilité de l'iPaaS de Salesforce.
... comme chez Workato
Workato obtient de bons scores sur l'intuitivité de l'UX, les fonctionnalités de sécurité et plus globalement l'étendue fonctionnelle de sa plate-forme. Gartner salue aussi sa stratégie marketing (présence sur les marketplaces, participation à des hackathons, collaborations universitaires...).
L'expansion géographique sur le volet infrastructure ne suit pas le rythme des autres « leaders ». Quant à la tarification, si elle est simple à comprendre et à prédire, les coûts peuvent vite monter.
Illustration © ArtemisDiana - Adobe Stock
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