Hadopi adoptée, subsitent les épineuses questions oubliées du débat
Publié par Olivier Robillart le | Mis à jour le
Quid de l'application de la loi votée à l'Assemblée nationale. Bien qu'adoptée à 296 voix contre 233, les dispositions techniques et pratiques laissent encore planer des doutes sur son efficacité.
La bataille d' Hadopi est sur le point de se terminer. Les députés ont adopté (par 296 voix contre 233) lors du vote solennel la loi « diffusion et protection de la création sur Internet ». Subsistent encore nombre d 'interrogations quant à son application.
Concrètement, sa mise en oeuvre est prévue pour l'automne, le principe de la riposte graduée (e-mail d'avertissement puis courrier avec accusé de réception) devrait alors intervenir et prévoir des coupures de la connexion Internet en cas de téléchargement illégal.
Des zones d'ombre subsistent dans la mesure où la loi énonce qu'il revient à l 'internaute de surveiller sa connexion. En cas d'utilisation d'une connexion sans-fil (Wi-Fi) par un tiers, le propriétaire de la ligne sera le seul visé par les sanctions. Un risque que Christine Albanel, ministre de la Culture espère endiguer par un logiciel de sécurisation. Payant, il devrait permettre d'échapper aux sanctions. Là aussi se pose la question de son efficacité puisque son interopérabilité, à savoir la possibilité de l'installer quel que soit son système d'exploitation (Windows, Mac OS, Linux) n'est pas garantie. Quant à la configuration du logiciel de contrôle, il restera à vérifier qu'elle restera à la portée de tout le monde. Logiciel qui, installé sur les PC des utilisateurs, risque de n'être d'aucune utilité en cas de piratage du modem « box » du fournisseur d'accès (FAI).
Autre question, en cas de coupure, l'abonné sera donc pr
ivé de sa connexion mais pas des autres services affairant à l'utilisation de son contrat passé avec son FAI. Traduction, un abonné à une offre dite Triple-Play(Internet, téléphonie, Télévision) devra conserver les services sauf Internet. Un système techniquement complexe à mettre en place et qui devrait prendre du temps ont d'ores et déjà commenté les opérateurs.
Autre débat crucial autour de la future application de la loi. Celle de l 'adresse IP. Censée être le lien permettant à l'Hadopi de retracer les contrevenants, elle n'est pas moins sujette à débats quant à son efficacité. Il existe en effet des adresses IP publiques et d'autres privées. Un internaute, ou une entreprise, a donc une seule adresse IP publique, fournie par le FAI, et plusieurs privées, situées derrière le routeur (ou la « box ») afin d'organiser les connexions du réseau à domicile (ou de l'entreprise). Ce principe est notamment utilisé pour répondre au problème de limitation des adresses IP disponibles inhérente au protocole IPv4 (et que l'IPv6 résoudra. quand il sera généralisé sur l'infrastructure mondiale). En cas d'infraction à l'Hadopi, il sera donc difficile de définir quel poste du réseau est précisément responsable des téléchargements délictueux.
Toujours est-il que des incertitudes pèsent encore sur l'avenir d'Hadopi. Le Parlement européen a voté l'amendement 138/46 dit Bono du texte dit « Paquet Télécom ». Ainsi le Web est un droit fondamental qui doit, en cas de sanction recevoir l'aval d'un juge. Chose clairement refusée en France avec le nouveau texte.
Ainsi la loi pourrait bien être rendue caduque par des dispositions européennes. On voit ainsi mal comment une loi nationale pourrait aller à l'encontre des mesures prises conjointement par les élus européens. Sur cette position, la ministre de la Culture a déploré lors des questions au gouvernement comme une « mesure politique du Parti socialiste visant à déstabiliser le débat en France« tout en rappelant, à plusieurs reprises, qu'Internet n'est pas un droit fondamental.
Reste encore de nombreux points à décortiquer comme l' affaire Bourreau-Gugenheim. Ce responsable Web porte plainte contre son ex-employeur TF1. Bien que le motif soit qu'une conversation privée avec un élu local (Françoise de Panafieu, députée de Paris, 16e) soit venue au centre du débat, reste que le cas laisse planer un doute sur un risque de voir les positions anti-Hadopi être réglées de manière non-conventionnelle. Une « erreur regrettable » a seulement évoquée Christine Albanel.
Toujours est-il que le texte de loi doit encore être validé par le Sénat. Si Le Conseil constitutionnel qui devrait être saisi par l'opposition, valide le texte, il restera au gouvernement à publier les décrets d'applicatio n pour mettre la loi en vigueur. Quant à savoir si Hadopi arrêtera le téléchargement illégal.