Hadopi : la commission mixte paritaire se dirige vers la double-peine
Si, en principe, la Commission mixte paritaire ne devait que rendre compatibles les deux versions du projet de loi voté par le Sénat et l 'Assemblée nationale, elle est notamment revenue sur un amendement déjà voté.
Une disposition visait à protéger l'abonné à Internet de la « double peine » en l'exonérant de payer sa facture Internet en cas de suspension de cette dernière pour piratage répété. L'Assemblée avait bien décidé que l'abonné ne paierait pas la part correspondant à l'accès à Internet de son abonnement. Dommage, la CMP a estimé que ladite disposition serait supprimée car elle faisait « porter aux fournisseurs d'accès Internet le préjudice d'une sanction prononcée contre l'un de ses abonnés« , à en croire les propos du sénateur UMP Michel Thiollière.
Selon la Commission des affaires culturelles, cette décision a été prise pour deux raisons : « l'une pédagogique, l'autre juridique. En effet, en cas de suspension du paiement de l'abonnement à Internet, les fournisseurs d'accès auraient été fondés à se retourner vers l'Etat pour lui demander de compenser financièrement le manque à gagner d'une décision administrative, sanctionnant le comportement de l'internaute concerné, dont ils n'auraient pas été responsables ». Pour Michel Thiollière :« On aurait donc abouti au paradoxe suivant : l'Etat, et donc les contribuables, auraient payé pour les internautes contrevenants ! ».
Le constat est donc simple . Un abonné accusé par l'Hadopi (Haute autorité pour la diffusion des Ouvres et la Protection des Droits sur Internet) d'avoir téléchargé
devra payer un service dont il ne bénéficiera pas. Simple ? Pas tant que cela puisqu'on se demande encore comment les fournisseurs d'accès à Internet (FAI) pourront couper l'accès Internet sans pour autant toucher à l'IPTV ou au téléphone dans le cadre d'un abonnement dit « triple play » (TV, Internet, téléphone).
Le problème se pose particulièrement pour le téléphone, censé être un Service Universel.
Toujours est-il que la disposition prise par la CMP instaure u ne double peine (coupure Internet et paiement du service suspendu), notion très encadrée puisque par principe inconstitutionnelle mais employée pour des cas rares (notamment à l'issue des peines d'emprisonnement de certains ressortissants étrangers non- européen). Le Conseil constitutionnel, tout comme les juridictions européennes pourraient donc avoir à mettre leur nez dans cette loi.
Mais pour Jacques Legendre, président de la Commission des affaires culturelles du Sénat, cette notion de double-peine est une erreur :« Certains ont parlé, de façon inappropriée, de soi-disant « double sanction » alors qu'il s'agit simplement de respecter les relations contractuelles entre l'internaute et son fournisseur d'accès. Lorsqu'un abonné - que ce soit à Internet ou à EDF d'ailleurs - ne respecte pas ses obligations, il est normal qu'il continue à payer son abonnement. Pour les sénateurs, c'est une question de bon sens ! ».
Lire aussi : { Tribune Expert } - Règlement sur l'Intelligence artificielle : vision holistique et éthique de l'innovation
Par ailleurs, la Commission mixte paritaire a durci le ton puisqu'elle a évincé définitivement la possibilité de restreindre les débits de l'abonné ( la ministre de la Culture avait proposé « un droit à la messagerie »). D'autre part, il ne devrait finalement pas y avoir d'amnistie pour les internautes condamnés avant l'entrée en vigueur de la loi.
Reste à l'Assemblée nationale à ratifier le texte qui lui sera présenté dés le 9 avril. Le dernier recours semble être celui des « sages » du Conseil constitutionnel contre une loi très critiquée et aux contours difficilement applicables.
Sur le même thème
Voir tous les articles Cybersécurité