La Hadopi fait sa pub aux péages
Si vous rentrez de vacances par l'autoroute ce week-end (20-22 août) ou le suivant (27 - 29 août), vous aurez toutes les chances de vous voir remettre, à l'occasion du passage au péage, un dépliant au contenu insolite en regard du contexte de son environnement de distribution. Il s'agit en effet d'une brochure signée de la Hadopi (Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur l'Internet) visant à rappeler aux automobilistes et, potentiellement, internautes, leur responsabilité vis-à-vis du téléchargement illégal d'oeuvres protégés.
Des autoroutes aux autoroutes de l'information, la Hadopi a eu l'analogie facile. Une cible pertinente face au volume de trafic attendu, selon les organisateurs. « Le choix s'est porté sur les péages puisqu'ils sont un point névralgique de la période du retour des vacances. Une présence lors des deux plus importants week-ends de retour permet de toucher le grand public et de s'adresser à toute la famille », justifie la Haute Autorité. Dans ce cas, pourquoi ne pas viser les gares et aéroports, voire des annonces à la télévision aux heures de grande écoute?
Les heureux bénéficiaires d'un dépliant « explicatif » de la Hadopi y apprendront qu'ils ne doivent pas pirater des oeuvres culturelles mais aussi qu'ils ont désormais la responsabilité de protéger leur accès Internet « afin d'éviter que cet accès ne soit utilisé à des fins de contrefaçon ». Comment? Mot de passe du poste de travail, utilisation d'un logiciel de contrôle parental, des anti-virus et pare-feu sont recommandés. Tout comme le chiffrement de l'accès wifi à l'aide d'une clé WPA. Et si l'intéressé n'y comprend rien, il est invité à se tourner vers les « concepteurs de moyens de sécurisation » (notamment son fournisseur d'accès Internet). Bon courage! D'autant qu'aucun lien de site web ou e-mail ne vient aider l'internaute motivé et de bonne foi à s'orienter pour en savoir plus.
La brochure a surtout l'avantage de présenter le principe de réponse graduée par un schéma clair qui vise à prévenir l'internaute des faits illégaux dont il est soupçonné avant de lui couper l'accès Internet et lui infliger une amende pouvant aller jusqu'à 1500 euros. Soit plus de 4 ans d'abonnement triple play environ. Sans compter les éventuelles poursuites des ayants droit.
Rappelons que la Hadopi est chargée de mettre en oeuvre une loi votée depuis un an et qu'elle vise à promouvoir les offres légales. Sur ce dernier point, l'Autorité a encore du boulot. La récente fermeture de Jiwa, plate-forme de musique en ligne tout ce qu'il y avait de plus légal, illustre la difficulté de l'industrie à trouver sa place dans l'économie numérique.
Surtout, les moyens à installer pour faire appliquer la loi connaissent encore quelques cafouillages. Ainsi, le système d'identification automatisée des internautes soupçonnés d'avoir abusé des réseaux d'échanges en ligne risque de mettre de longs mois à entrer en service, selon les opérateurs. Et la question de savoir qui paiera pour supporter la charge de ces traitements n'est toujours pas tranchée.
Enfin, le récent recours de French Data Network (FDN) à l'encontre de la procédure d'application de la loi Création et Internet pourrait retarder encore les choses. Pourtant, les envois des premiers e-mails d'avertissement (la Hadopi préfère le terme de «recommandation») sont toujours annoncés pour septembre prochain. A défaut de convaincre, la distribution des tracts de la Hadopi aux automobilistes apportera un peu de lecture. De quoi s'occuper dans les embouteillages.
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