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{ Tribune Expert } - L'intelligence artificielle, un levier pour révolutionner l'OSINT

Si l'OSINT est historiquement associé à la collecte manuelle et à l'analyse de données disponibles publiquement, l'IA promet de redéfinir ces pratiques en automatisant, accélérant et approfondissant les capacités d'analyse.

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{ Tribune Expert } - L'intelligence artificielle, un levier pour révolutionner l'OSINT

L'ère de l'information en libre accès n'a jamais été aussi prolifique. Avec le tsunami de données disponibles sur Internet, les pratiques de renseignement en source ouverte (OSINT, pour « Open Source Intelligence ») ont pris une ampleur considérable.

Que ce soit dans les domaines de la sécurité nationale, de la lutte contre la criminalité ou de la veille économique, l'OSINT est désormais un outil incontournable pour accéder à des informations stratégiques. Mais ce champ du renseignement subit actuellement une profonde mutation sous l'effet de l'intelligence artificielle (IA).

Si l'OSINT est historiquement associé à la collecte manuelle et à l'analyse de données disponibles publiquement, l'IA promet de redéfinir ces pratiques en automatisant, accélérant et approfondissant les capacités d'analyse.

L'OSINT, un outil indispensable face aux nouvelles menaces cyber

L'OSINT consiste à collecter, trier et analyser des informations accessibles publiquement, que ce soit sur les réseaux sociaux, les sites d'actualités, les forums, ou encore les bases de données institutionnelles. Les services de renseignement, les entreprises et les journalistes s'en servent régulièrement pour identifier des tendances, comprendre des mouvements d'opinion ou surveiller des menaces émergentes. Ces sources, bien que libres d'accès, sont souvent noyées dans un océan de données et nécessitent des outils de traitement de plus en plus sophistiqués.

En matière de sécurité, l'OSINT a démontré son efficacité, notamment dans la détection de mouvements terroristes ou la surveillance des activités de groupes criminels. Par exemple, il est possible d'analyser des images satellitaires ou des vidéos partagées sur les réseaux sociaux pour vérifier l'authenticité d'un événement ou retracer des trajectoires de conflit. Néanmoins, face à l'explosion des volumes de données à traiter, les analystes sont souvent confrontés à une surcharge informationnelle.

IA et OSINT : un partenariat naturel

C'est ici que l'IA intervient comme un accélérateur de processus. L'intelligence artificielle, en particulier les techniques de traitement automatique du langage naturel (NLP), de reconnaissance d'image ou encore d'analyse de réseaux, offre des perspectives prometteuses pour l'OSINT. Le NLP permet, par exemple, de scruter des milliers d'articles, de publications sur les réseaux sociaux ou de commentaires en ligne pour en extraire des tendances, des intentions ou des émotions. Les données ainsi analysées sont d'une grande utilité pour surveiller des mouvements d'opinion, détecter des discours radicaux ou identifier des risques liés à des crises sociales ou politiques.

Comme l'explique le capitaine Pascal Martin (1), chef de département au sein de l'Unité Nationale Cyber et docteur en Histoire moderne et contemporaine, « l'utilisation des algorithmes permet ainsi de renforcer l'efficacité de l'analyse, d'obtenir des gains de temps substantiels, et donc une économie des ressources employées ». Cette approche permet d'extraire des signaux faibles qui seraient passés inaperçus lors d'analyses humaines plus classiques. La reconnaissance d'image, quant à elle, permet de traiter des quantités massives de contenu visuel partagé en ligne. Des outils comme l'apprentissage profond (ou Deep learning) sont utilisés pour analyser des images et vidéos en provenance de zones de conflit, de manifestations ou d'actes de violence, et ainsi corroborer des faits ou suivre l'évolution d'une situation géopolitique.

Un gain de temps et de précision indéniable

L'apport de l'IA ne se limite pas à la collecte et à l'analyse de données. Elle permet aussi de réduire considérablement le temps de traitement de ces informations, tout en augmentant leur fiabilité. Par exemple, les grands modèles de langage des IA génératives, également appelés LLM, sont de très grands modèles d'apprentissage profond qui sont pré-entraînés et peuvent être utilisés pour trier et prioriser les données selon leur pertinence. Ils permettent ainsi aux analystes humains de se concentrer sur l'interprétation de l'information plutôt que sur sa collecte fastidieuse.

Dans le cadre de la lutte contre la désinformation, l'IA se révèle également particulièrement efficace. Les algorithmes sont capables de vérifier en temps réel l'authenticité de contenus partagés en ligne, d'analyser les sources et de détecter des schémas récurrents dans la propagation de fausses informations. Cette automatisation de la vérification s'avère cruciale dans un contexte où la désinformation peut alimenter des conflits, influencer des élections ou attiser des tensions sociales. En matière de cybersécurité, comme l'indique Cathy Li, Chef IA, données et metaverse et membre du comité exécutif du Forum économique mondial, L'IA n'est pas le méchant dans cette histoire (2).

Les systèmes avancés basés sur l'IA peuvent analyser les modèles, l'utilisation de la langue et le contexte pour faciliter la modération du contenu, la vérification des faits et la détection de fausses informations. L'IA appliquée à l'OSINT permet donc une détection plus rapide et plus précise de la désinformation.

Les défis éthiques et techniques sont toujours présents

Cependant, cette automatisation accrue de l'OSINT par l'IA pose également des questions éthiques et techniques. L'un des principaux défis est celui de la protection de la vie privée. L'utilisation massive de données publiques, souvent collectées sans le consentement explicite des utilisateurs, suscite des inquiétudes. De plus, l'automatisation peut entraîner des erreurs ou des biais dans l'interprétation des données, surtout si les algorithmes ne sont pas correctement entraînés ou s'ils reposent sur des bases de données biaisées.

Un autre enjeu est celui de la transparence. Les décisions prises par les IA ne sont pas toujours explicables, ce qui pose des problèmes en matière de responsabilité. Si une IA utilise des données issues de l'OSINT pour prendre une décision erronée, il peut être difficile de comprendre pourquoi et comment cette erreur s'est produite.

Un avenir collaboratif qui ouvre des perspectives innovantes

Malgré ces défis, l'avenir de l'OSINT semble indissociable de l'IA. Alors que les volumes de données continuent de croître de manière exponentielle, les capacités des humains à analyser ces informations en temps réel atteignent leurs limites. L'IA devient alors un allié indispensable pour traiter cette masse d'informations et en extraire les données critiques.

Des collaborations entre experts en cybersécurité, chercheurs et développeurs sont en cours pour améliorer les outils d'OSINT basés sur l'IA et garantir qu'ils respectent à la fois les normes éthiques et les attentes en matière de précision. Si l'OSINT était autrefois une pratique manuelle, l'IA en fait désormais un champ d'innovation, offrant des perspectives inédites dans la compréhension d'un monde complexe qui se transforme.

l'IA permet donc de se concentrer sur des tâches à plus forte valeur ajoutée : l'interprétation, le discernement et la prise de décision. Dans le contexte actuel, marqué par l'infobésité et la montée en puissance des menaces hybrides, la complémentarité homme-machine est sans doute la clé pour répondre aux enjeux futurs du renseignement en source ouverte.

* Anthony Hié est Chief Innovation & Digital Officer du groupe Excelia

(1) Pascal Martin. La place de l'analyste au sein des services de renseignement avec l'essor de l'intelligence artificielle. Les Notes du CREOGN, 2024, 97. ffhal-04457330

(2) Cathy Li & Agustina Callegari (2024) Stopping AI disinformation: Protecting truth in the digital world -World Economic Forum

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