Airbus : comment le Deep Learning fait décoller la reconnaissance d'images
Pour son activité d'imagerie satellitaire, Airbus teste depuis plusieurs années les technologies de Machine Learning. Sans grand succès. Mais le Deep Learning a tout changé, faisant chuter drastiquement le taux d'erreurs dans la reconnaissance d'images.
C'est un domaine très spécialisé, mais qui illustre bien les progrès de l'intelligence artificielle en général, et ceux amenés par le Deep Learning en particulier. Parmi ses activités, Airbus Defence and Space propose notamment des services de géo-information, basés sur son accès à différents réseaux de satellites (comme Pleiades ou Spot). Une activité baptisée Intelligence qui s'est intéressé très tôt aux algorithmes d'IA afin de s'attaquer à un problème central dans son fonctionnement quotidien : l'optimisation de l'acquisition d'images.
Pour définir les zones à photographier, Airbus se base en effet sur les prévisions météo afin d'éviter de passer au-dessus d'une région inexploitable en raison de la couverture nuageuse. « Mais il subsiste toujours quelques nuages résiduels ou des brumes », raconte Jean-François Faudi, spécialiste de l'innovation au sein d'Intelligence. C'est l'étape de reconnaissance de ces scories qu'Airbus tentait d'automatiser depuis environ 10 ans. Sans réel succès, les experts du groupe ne parvenant à ramener le taux d'erreurs qu'aux environs de 10 %, là où un opérateur humain chargé du scan des images descend à 3 %. « Pendant une dizaine d'années, nous avons grapillé quelques pourcents d'amélioration, puis en six mois, grâce au Deep Learning, nous avons effectué un bond énorme », reprend l'expert. L'algorithme de traitement automatique est ainsi passé en quelques mois de 11 à 3 % de taux d'erreurs sur la reconnaissance des nuages et autres brumes, permettant de remplacer les opérateurs humains (au nombre de 4) et de les réaffecter à d'autres tâches.
Le Deep Learning : encore très empirique
Selon Jean-François Faudi, le Deep Learning est bien adapté à tous les problèmes pour lesquels modéliser tous les cas de figure s'avère pratiquement impossible, mais qui peuvent être appréhendé par un opérateur humain. « Dans tous ces cas de figure, il faut tester cette technologie », estime-t-il. Selon lui, le Deep Learning, qu'Airbus expérimente via la librairie Open Source de Google, TensorFlow, s'avère assez gratifiant, car il permet de déterminer assez rapidement si son utilisation sera fructueuse ou pas. Même si, pas plus que d'autres technologies de Machine Learning, il ne s'agit là d'une solution magique, qu'il suffit de brancher. Il y a d'abord le travail de préparation des données. Puis celui de l'optimisation, si l'algorithme donne de premiers résultats encourageants. « Et, aujourd'hui encore, l'empirisme domine au sein de ces solutions, ajoute Jean-François Faudi. Nous devrions ainsi assister à des évolutions de ces solutions, permettant d'abstraire les parties les plus profondes de la mécanique. »
La mise en oeuvre du Deep Learning pour l'acquisition d'images, au rythme d'environ 6 000 images par jour actuellement, constitue aussi un argument commercial pour la vente de satellites. « C'est une garantie que le satellite va acquérir davantage d'images utilisables, sans que l'acheteur ait besoin de former des opérateurs. Si l'algorithme détecte des images non utilisables, nous serons également en mesure de reprogrammer automatiquement le passage du satellite, au lieu de mobiliser un opérateur d'astreinte », résume Jean-François Faudi.
Reconnaître les types de plantations
Pour Airbus, les bons résultats obtenus avec le Deep Learning sur le traitement des nuages lui permettent d'envisager de nouvelles applications basées sur cette technologie. Ou l'amélioration de certains de ces services. C'est par exemple le cas du suivi des engagements de non-déforestation, qui passe également par la reconnaissance d'images satellitaires. « Ce sont déjà des services que nous vendons via un partenariat, explique l'expert. Nous étudions les améliorations qu'est susceptible d'amener le Machine Learning. Cette technologie pourrait ainsi nous permettre de travailler non plus à l'échelle d'une dizaine de projets, mais de pays entiers. » Avec, au centre de cette montée en charge, la capacité à reconnaître certains types de plantations par Deep Learning.
C'est encore sur les capacités de cette technologie dans la reconnaissance d'images qu'Airbus compte mobiliser pour un service de localisation et d'identification de bateaux sur des images satellite. L'objectif est ici de vérifier, en quelques minutes, que le signal GPS du navire est bien allumé. Pour Jean-François Faudi, le Machine Learning couplé à l'imagerie satellite peut aussi permettre de recréer un cadastre approximatif pour des pays n'en disposant pas, en identifiant automatiquement les parcelles.
96 % des avions identifiés
Au sein d'Airbus, les équipes en charge de l'innovation ont également testé le potentiel de l'outil quand il bénéficie d'une phase d'apprentissage par l'humain. « En mobilisant les experts dans la communauté Airbus, nous avons pu remplir une base de données de 4 000 avions identifiés à partir des images satellites », explique Jean-François Faudi. Ce qui permet aujourd'hui aux algorithmes de reconnaître 96 % des appareils présents sur les images. Le spécialiste précise que le groupe cherche encore les dérivés commerciaux d'une telle application. Mais, en exploitant ses archives (30 années d'images satellites), on pourrait par exemple imaginer l'émission d'alertes en cas de regroupement d'appareils militaires sur tel ou tel aéroport.
L'exploitation des archives recèle d'ailleurs des potentiels pas forcément évidents à appréhender immédiatement. « Nous étions jusqu'alors incapables d'extraire ces données des images. C'est tout un nouveau pan d'activités qui s'ouvre à nous, basé non plus sur la vente d'images satellites, mais sur la commercialisation de données », résume Jean-François Faudi. Qui raconte ainsi une anecdote étonnante : le calcul, avec un bon niveau de fiabilité, de l'indice de production industriel de la Chine à partir des seules images satellites (notamment via l'évaluation des matériaux présents dans les zones de stockage des usines). Pour un coût évidemment très inférieur aux traditionnelles enquêtes, mêlant questionnaires par téléphone et statistiques officielles.
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