Big Data et pharmacie : Roche s'inocule de nouvelles données
Publié par La rédaction le | Mis à jour le
En plus des résultats des essais cliniques, les laboratoires Roche vont manipuler des données retraçant les effets de ses molécules sur la durée. Une façon de détecter rapidement d'éventuels effets secondaires et de prouver régulièrement l'utilité médicale de ses produits.
Travailler avec les données du 'monde réel' pour aller au-delà des seuls résultats d'essais cliniques. C'est le projet que s'apprête à lancer les laboratoires Hoffmann-La Roche (souvent connus sous le simple nom de Roche, 47,5 milliards de francs suisses de CA), sur la base d'une infrastructure Teradata. « Nous travaillons ici sur de relativement grands volumes de données, détaille le Dr Christian Müller, qui dirige le département statistique des laboratoires pharmaceutiques des laboratoires Roche à Bâle (Suisse). Avec la technologie que nous exploitions jusqu'à présent, nous aurions rencontré des problèmes de performances. Une des autres raisons pour lesquelles nous nous sommes tournés vers Teradata réside dans la gestion des accès que nous devons assurer. » En effet, les données que va manipuler Roche - des demandes de remboursement issues d'assureurs ou encore des enregistrements d'actes médicaux anonymisés - sont vendues aux laboratoires sous licences. « Nous avons par exemple le droit de les utiliser dans le cadre de la recherche, mais pas à des fins marketing pour lesquelles des autorisations spécifiques doivent être demandées aux vendeurs des données », illustre le représentant des laboratoires suisses. A ce jour, Roche a consolidé 50 bases de données externes, représentant entre 30 et 40 To d'information. « Lors des essais préalables, ce volume avait amené notre ancien système à ses limites », témoigne Christian Müller.
Démarré voici deux ans, le projet s'oriente donc rapidement vers l'éditeur américain spécialiste du datawarehouse. En plus de répondre aux contraintes de sécurité et de performances du projet, la technologie s'intègre rapidement aux outils statistiques de SAS, qu'exploitent déjà les équipes de Christian Müller.
Déceler d'éventuels effets secondaires
L'arrivée de ces nouveaux jeux de données mis à disposition des analystes vise avant tout à instaurer un suivi dans le temps des résultats découlant de la prise d'une molécule pharmaceutique. Pour bien sûr déceler rapidement d'éventuels effets secondaires qui seraient passés inaperçus lors des essais cliniques, qui précèdent la mise sur le marché d'un médicament. Un enjeu crucial dans le secteur de la pharmacie, gravement touché ces dernières années par des scandales découlant d'effets secondaires très sérieux de molécules mises sur le marché (citons par exemples les cas du Vioxx et, tout récemment, du Mediator). Mais l'étude des données de terrain lorgne aussi vers un autre objectif : démontrer régulièrement aux autorités compétentes l'utilité d'une molécule (on parle de Service Médical Rendu). Car, c'est en fonction de ce type de données qu'un médicament sera remboursé ou non dans les pays dotés d'un système de sécurité sociale. Sans oublier le fait que les données issues du monde médical fourniront aussi une boucle de retour aux équipes de recherche, confrontées aux difficultés inhérentes des essais cliniques (coûts, difficulté à trouver des patients pertinents).
Bref, pour Roche, les enjeux sont multiples. Et, selon Christian Müller, les investissements dans le Big Data ne représentent qu'une goutte d'eau dans les sommes dépensées en R&D par le laboratoire. « Utiliser la donnée plus efficacement peut être une façon de se différencier sur le marché de la pharmacie », explique le responsable. Y compris en réduisant la durée des tests préalables dans les cas d'urgence absolue, comme ce fut le cas récemment pour l'épidémie d'Ebola en Afrique. Si la mise en service du datawarehouse de Teradata permet à Roche de « faire la course en tête » par rapport à ses concurrents, selon les affirmations de Christian Müller, beaucoup reste à faire notamment dans l'intégration des données, comme le reconnaît d'ailleurs le statisticien.
Un défi dont l'acuité devrait encore se renforcer dans les années qui viennent pour l'industrie pharmaceutique. Notamment en raison de l'apparition de capteurs connectés. Un domaine naissant qui peut présenter un intérêt très concret pour un labo comme Roche. Et Christian Müller d'évoquer notamment l'évaluation des traitements contre la dépression, qui reposent habituellement sur la perception subjective des personnes traitées. Selon lui, utiliser des capteurs enregistrant les déplacements d'une personne peut apporter une mesure objective, complémentaire. « Car une personne sujette à la dépression tend à réduire ses déplacements, assure le statisticien. C'est un exemple intéressant des apports possibles des capteurs connectés pour l'élaboration de médicaments efficaces. »
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