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SI Labo, ce projet informatique qui fait tache au CNRS

La Cour des comptes juge que les conditions ne sont toujours pas réunies pour relancer un projet tel que SI Labo, qui aura englouti a minima 15 M€ de fonds publics.

Publié par Clément Bohic le | Mis à jour le
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SI Labo, ce projet informatique qui fait tache au CNRS
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Serait-il opportun de relancer aujourd'hui un projet tel que SI Labo ?

La Cour des comptes en doute. Elle estime qu'en l'état, des "préalables indispensables" ne sont pas remplis. Parmi eux, l'harmonisation et la simplification des processus de gestion des parties prenantes.

Cette lacune était déjà d'actualité il y a cinq ans, lorsque la DGRI (Direction générale de la recherche et de l'innovation) avait prononcé l'arrêt de SI Labo.

Un projet unificateur pour la recherche française

Le projet visait à déployer, dans les unités mixtes de recherche, une plate-forme informatique unifiée. Avec des SI partagés entre le CNRS et les autres tutelles, pour faciliter la gestion et le pilotage des activités de recherche. Il avait démarré en 2011*, avec trois briques principales :

  • Extension de l'outil Dialog du CNRS aux autres tutelles.
    Il devait servir de support de dialogue de gestion annuelle entre les laboratoires et leurs établissements de rattachement.

  • Déploiement de l'outil Geslab du CNRS dans les laboratoires
    Cette application de gestion est interfacée avec Sifac, le système de gestion financière et comptable de l'AMUE déployé dans environ 90 établissements d'enseignement supérieur et de recherche. Cela aurait évité une double saisie (dans Geslab et dans Sifac).

  • Développement et déploiement de Caplab dans les laboratoires
    Il devait s'agir d'un outil de suivi des activités, des projets et des productions.

Deux autres projets furent menés en parallèle. D'un côté, REFP (référentiel national des structures de recherche et de leurs personnels). De l'autre, Plateforme, qui consistait à centraliser l'hébergement des SI des laboratoires au centre de calcul de l'IN2P3 à Lyon.

REFP et Plateforme, arrêtés dès 2019

En octobre 2018, la DGRI (Direction générale de la recherche et de l'innovation) avait entrepris un état des lieux en sollicitant la DINUM. Six mois plus tard, elle avait notifié les parties prenantes de l'arrêt de REFP et Plateforme, qui n'avaient pas connu d'avancée nette malgré leur démarrage en 2013.

Les trois autres briques étaient alors en sursis. Geslab souffrait d'une feuille de route lacunaire et d'un manque de vision financière et budgétaire pluriannuelle. Quant à Caplab, sont format "agile" n'avait pas permis d'établir un cahier des charges précis sur les attentes. Ils étaient réalisés séparément par le CNRS et l'AMUE (Agence de mutualisation des universités et des établissements), sans direction de projet mixte qui aurait favorisé un arbitrage équilibré.

Une "faible appétence" et "pas d'accord réel"

En dépit d'une tentative de réorientation vers des objectifs plus réalistes, l'arrêt de SI Labo fut acté au premier semestre 2020, conformément à la recommandation de la DINUM. Principales raisons invoquées par la DGRI :

  • Pas d'accord réel entre les parties sur les objectifs et le périmètre du projet
  • Faible appétence à l'appropriation de Geslab (aucune université, hormis celles participant à sa construction, ne s'est portée volontaire pour l'expérimenter avant son passage à l'échelle)
  • Dérives calendaires et budgétaires sans certitude de succès
  • Absence de gouvernance robuste
  • Croyance fausse que le lancement d'un grand projet informatique suffirait pour contraindre les acteurs à harmoniser et simplifier leurs processus de gestion

Un palliatif nommé Excel

Cinq ans après l'arrêt de SI Labo, le besoin d'une consolidation des données de gestion des UMR demeure. Il s'est même accru dans un contexte de montée en puissance des financements sur ressources propres (multiplication des appels à projets pour les contrats de recherche et des facturations de l'usage des plates-formes technologiques). Sans un tel système, lorsque les délégations globales de gestion ne sont pas étendues, les unités mixtes de recherche doivent faire de la saisie multiple dans les différentes solutions informatiques imposées par leurs tutelles. La pauvreté des interfaces n'offre pas de vision consolidée, sauf à mettre en place des outils ad hoc, par exemple via des feuilles Excel.

15 M€ de coûts pour peu de livrables

Le CNRS a proposé, en 2022, le projet CFAP, destiné à interfacer l'existant. La DGRI ne lui a pas encore communiqué de réponse.

Près de 15 M€ de fonds publics auront été engagés dans SI Labo. Voire plus : il ne s'agit là que de coûts a minima, qui ne prennent pas en compte le coût du temps consacré par les agents du CNRS et des autres parties prenantes.

Seule brique finalisée, Dialog a pu être déployé dans la bibliothèque applicative de l'AMUE et des URM. Il y est toutefois peu utilisé.

* En 2010, le CNRS et la CPU (Conférence des présidents d'université ; aujourd'hui France Universités) avaient signé un accord sur les SI des laboratoires. L'année suivante, l'AMUE s'étaient jointe à l'accord pour le lancement du projet.

Illustration © kwanchaift - Adobe Stock

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