S/4 Hana : SAP scelle le divorce d'avec Oracle
La boucle est bouclée. Quatre ans après le lancement de sa stratégie de base de données en colonnes et en mémoire Hana, SAP a officiellement dévoilé hier un ERP entièrement réécrit pour les caractéristiques de celle-ci. Et uniquement pour elle. Corollaire : ce progiciel, baptisé S/4 Hana, ne fonctionnera pas sur les bases relationnelles traditionnelles, même lorsque celles-ci sont dotées d'options In-Memory. Le message est sans ambiguïté : à l'heure où l'ERP amorce sa mutation vers les architectures Cloud, SAP estime qu'il n'est plus envisageable de rester un des principaux pourvoyeurs d'affaires de son rival numéro un, Oracle. Entre 60 et 70 % de la base installée SAP emploie un SGBD Oracle. Le lancement de S/4, qui se déroulait hier à New York, a été qualifié par Bill McDermott, le Pdg de l'éditeur allemand, de « plus grande annonce depuis 23 ans (référence au lancement de R/3 en 1992), peut-être la plus importante de l'histoire de SAP ».
En réalité, malgré le goût des superlatifs du dirigeant, cette annonce tient avant tout de l'exercice de communication. La naissance de S/4 (S pour Simple, le nouveau crédo du premier éditeur européen) était toute entière inscrite dans l'arrivée de Simple Finance, module né de la réécriture pour Hana des fonctions financières et dévoilé en juin dernier. A l'époque, dans une interview à Silicon.fr, Bernd Leukert (à gauche sur la photo ci-dessus), le responsable des produits et de l'innovation de SAP, expliquait que les autres modules allaient suivre, bénéficiant à leur tour de la simplification du code amenée par la fusion des fonctions transactionnelles et analytiques, le choix technique le plus impactant de Hana.
S/4 ? Pour l'instant, la finance seule
Sauf, qu'à l'époque, le directeur technique expliquait que la génération applicative Simple fonctionnerait sur les bases de données tierces, avec des niveaux de performances moindres. Aujourd'hui, le discours est plus abrupt. Dans un FAQ, John Appleby, le directeur des activités SAP Hana au sein de la société de conseil Bluefin et membre des mentors SAP (une communauté d'experts techniques qu'anime l'éditeur), explique que Simple Finance ne fonctionne pas efficacement sur les autres bases de données. « Malheureusement, les autres vendeurs de bases de données n'ont pas investi dans l'innovation, et ils n'ont pas les fonctionnalités de SAP Hana », écrit-il, relayant le discours de l'éditeur. Autrement dit, si des mises à jour réglementaires ou de sécurité continueront à être proposées aux entreprises travaillant avec des bases Oracle, Microsoft ou IBM, l'essentiel de l'innovation de l'Allemand restera bien réservé aux utilisateurs de Hana.
Par ailleurs, l'arrivée de S/4 sur le marché s'étalera en réalité sur de longs mois. Pour l'instant, seules les fonctions de coeur finance sont disponibles, la logistique suivra en 2015. La réécriture des autres modules avec la structure de données simplifiée de Hana s'égrènera sur les 3 à 5 ans qui viennent, en fonction de la popularité de ces produits. Bref, sensiblement le plan déjà dévoilé en juin. Principale inflexion : l'accent mis sur le Cloud. Simple Logistics devrait ainsi être le premier progiciel à être d'abord disponible dans le Cloud, avant d'être décliné en version traditionnelle. « Il est probable que les versions sur site suivront celles dans le Cloud de 6 à 12 mois, parce qu'il est beaucoup plus simple de contrôler les mises à jour dans le Cloud », résume John Appleby. Notons d'ailleurs que la construction d'un ERP basé sur Hana dans le Cloud devrait gommer les lignes entre les différents modules (SCM, SRM, PLM, CRM.), SAP prévoyant plutôt d'exposer des services appropriés aux besoins de chacun de ses clients.
La mémoire. d'un iPhone
Si l'annonce de S/4 est donc tout sauf une surprise, les démonstrations effectuées hier donnent un aperçu des avantages que peut amener la fusion des fonctions transactionnelles et analytiques. « Du fait de la réduction de la taille des systèmes provoquée par notre structure de données, une entreprise peut faire fonctionner son CRM, son SRM et son ERP au sein d'un système unique. Or, aujourd'hui environ 40 % de la charge des environnements SAP provient des échanges de données entre le CRM et l'ERP », explique Hasso Plattner, le co-fondateur du premier éditeur européen (à droite sur notre photo). Le design simplifié de S/4 permet d'éliminer ces échanges.
Par ailleurs, SAP étend avec son nouvel ERP un principe de ségrégation des données selon leur ancienneté (une fonction présente dans Hana), permettant de ne charger en mémoire que les informations les plus récentes. Un principe qui, selon Plattner, permet de réduire encore l'empreinte des systèmes et, au passage, de gommer une partie des appréhensions des DSI quant au coût des systèmes totalement In-Memory. Dans sa démonstration, le co-fondateur de SAP explique qu'une entreprise qui fonctionnait hier sur une base de données traditionnelle occupant 593 Go peut, au final, se contenter de 8 Go avec S/4. « Toute l'entreprise peut tourner sur un iPhone », lance Hasso Plattner. Et d'expliquer par ailleurs que la disparition des index et agrégats amenée par Hana permet une grande flexibilité dans la manipulation des données : « une entreprise peut par exemple faire tourner le modèle de données de sa future organisation en parallèle de la production de ses chiffres conformément à son organisation actuelle », explique le dirigeant.
S/4 s'accompagne également d'une refonte des interfaces, qui adoptent le look de Fiori, la nouvelle génération d'interfaces graphiques de l'éditeur. « C'était notre point faible par le passé, reconnaît Hasso Plattner. Nous avons longtemps hésité car nous devions changer les habitudes de dizaines de milliers d'utilisateurs ». Intégrées aux licences, sans surcoût depuis juin dernier, les interfaces Fiori sont déjà connues de la base installée. S/4 introduit par contre des fonctions d'auto-configuration qui permettraient de réduire les coûts d'implémentation des ERP, en laissant les utilisateurs effectuer une partie des paramétrages.
Migration : sans rupture, réellement ?
Dans une brève démonstration, Bernd Leukert a illustré les bénéfices du concept. Avec une reconstruction des graphiques et des plongées dans le détail des données en temps réel, sur une base comptant plusieurs dizaines de millions de lignes. Autres 'goodies' : l'intégration de FieldGlass (outil racheté par SAP permettant de gérer les prestataires, intérimaires, etc.) et celle de Fiori sur une montre intelligente. Façon d'illustrer la disponibilité de la suite S/4 sur des supports de toute nature (via une interface de type 'responsive design').
Reste évidemment la question de la migration. « Une fois que vous avez migré votre Business Suite sur la plate-forme Hana, soit sur site soit dans le Cloud, profiter des composants S/4, au fur et à mesure leur disponibilité, deviendra possible », explique John Appleby (Bluefin). Le code ABAP étant compatible avec Hana - au prix parfois de « certaines optimisations », dixit l'éditeur -, les développements spécifiques doivent normalement continuer à fonctionner sur la nouvelle base de données. Ensuite, SAP devra préciser le chemin de migration vers S/4. John Appleby signale que le passage à Simple Finance se déroule via une « migration de données automatique ». Reste que l'effort que devront déployer les entreprises pour migrer de la Business Suite à S/4 doit encore être évalué avec précision. Et les scénarios de transition précisés. Lors de sa présentation, Hasso Plattner a indiqué qu'il serait possible d'effectuer des migrations progressives, en conservant par exemple les anciennes interfaces et transactions pour certains départements tout en assurant la transition vers S/4 pour d'autres.
SAP précise que le passage à S/4 sur Hana sera gratuit pour les utilisateurs ayant déjà migré leur suite applicative sur Hana, au moins jusqu'au troisième trimestre de 2015. L'éditeur assure aussi qu'il offrira des offres promotionnelles aux autres entreprises bénéficiant d'un contrat de maintenance. S/4 sera proposé sur un modèle d'abonnement tant dans le Cloud que sur site. Dans les installations classiques, un modèle de licences plus classique sera conservé.
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