TellMePlus : l'inventeur de Business Objects s'attaque au Big Data
Avec sa start-up TellMePlus, Jean-Michel Cambot, l'auteur du logiciel Business Objects, met l'Intelligence Artificielle au service des analyses de type Big Data. Et entend dissocier ces technologies de l'image de Big Brother qui leur colle à la peau.
C'est l'acteur oublié du plus grand succès français à ce jour dans le logiciel de gestion. Il y a quelque 25 ans, le développeur freelance Jean-Michel Cambot écrivait un logiciel d'analyse de données baptisé Skipper SQL. « Je cherchais à le commercialiser et j'ai alors contacté Microsoft puis Oracle. Le projet est parvenu aux oreilles de Bernard Liautaud et de Denis Payre, qui travaillaient chez ce second éditeur », raconte aujourd'hui Jean-Michel Cambot. Après avoir vérifié le potentiel de l'application auprès de la Coface et d'EDF, les deux entrepreneurs créent Business Objects en 1990, le développeur est lui rémunéré en droits d'auteur, qui seront plus tard convertis en actions que Jean-Michel Cambot revendra avant le rachat de l'éditeur français par SAP pour 4,8 milliards d'euros. « Par méconnaissance du marché, on a raisonné en appliquant les mêmes règles que dans le grand public », raconte le développeur de Skipper SQL, philosophe.
Après plusieurs autres expériences (contribution au développement de Neocase, consulting), Jean-Michel Cambot se lance aux débuts des années 2010 dans une entreprise entrepreneuriale, où, cette fois, il endosse le rôle de fondateur et Pdg : TellMePlus. « L'idée de départ consistait à exploiter la réalité augmentée, un concept qui, alors, ne parlait à personne, pour créer une application mobile permettant de diffuser des bons plans autour de soi », raconte-t-il. Un modèle B2B2C qui nécessite de disposer d'une grosse communauté d'utilisateurs et d'attirer de nombreuses marques pour rendre l'app attractive. « Très vite, nous nous sommes rendus compte que la vraie valeur du projet résidait dans son système de profiling prédictif et non dans sa communauté d'utilisateurs », explique Jean-Michel Cambot. Car, en fonction des profils, mais aussi d'éléments externes (comme la météo ou l'humeur de l'utilisateur), l'application mobile propose des offres différentes.
Pas besoin de données personnelles
Devenu un pur éditeur B2B proposant ses solutions en mode Saas, TellMePlus développe une seconde version de sa technologie, soutenue par le CNRS et Oseo, qui apporte 200 000 euros en juin 2012. Disponible depuis septembre 2013, cette plate-forme se distingue au moins sur deux aspects de la plupart des autres technologies de marketing comportemental : d'abord elle cible plutôt le mobile que le Web ; ensuite, la technologie se veut non intrusive, elle n'utilise pas de données personnelles, ne se connecte pas au CRM. « Les technologies Web fonctionnent sur le traitement de gros volumes et se montrent très intrusives. Elles sont incapables de descendre à l'utilisateur près. Notre technologie repose à l'inverse à 100 % sur de l'Intelligence Artificielle : c'est une approche centrée sur l'utilisateur, non sur le produit ou l'annonceur », détaille Jean-Michel Cambot.
Selon ce dernier, TellMePlus se montre pertinent dès la première interaction, intègre des éléments de contexte (météo, calendrier.) et n'entre en action que quand l'utilisateur demande quelque chose. « Le système fonctionne par analogie, en analysant des similitudes de comportement. A la volée, chaque utilisateur, associé à un identifiant interne indépendant de toute donnée personnelle, se voit associé à des amis virtuels. A bien y réfléchir, les données nominatives, les critères comme le sexe ou l'âge sont dépassés. L'association de données comportementales et du contexte dans lequel est plongé un utilisateur à instant t est bien plus pertinent », assure le Pdg de la start-up.
100 % In-Memory
Reste à savoir à quel niveau de performances fonctionne le système, les technologies d'Intelligence Artificielle étant réputées gourmandes en ressources machine. TellMePlus assure que les temps de réponse sur sa plate-forme sont de l'ordre de 100 ms. Quel que soit le volume de données traité. « Et nous venons d'embaucher un expert NoSQL qui, via l'utilisation d'un algorithme open source, a basculé notre technologie totalement In-Memory, améliorant ainsi nos performances », assure Jean-Michel Cambot, qui cite un gain d'un facteur 100 chez un client.
Après avoir levé environ 500 000 euros depuis sa création en 2011, au travers de divers financements, TellMePlus peut désormais voir plus grand. La start-up de 5 personnes enregistre l'arrivée à son conseil d'administration de Christophe Dumoulin, le co-fondateur de Business & Décision, et de Benoît Gourdon, le co-fondateur de Neolane (rachetée environ 460 millions d'euros par Adobe en 2013). Tous deux participant, à titre personnel, à une future levée de fonds anticipée à 600 000 euros. Une étape avant l'internationalisation, Jean-Michel Cambot affirmant être en contact avec des investisseurs américains mais aussi chinois. Sans oublier les contacts qu'il a maintenus avec Bernard Liautaud, devenu associé au sein du fonds Balderton Capital. « Maintenant, ce sont les investisseurs qui viennent à moi », s'amuse le Pdg.
Une base de données des tendances
Vainqueur d'un trophée lors de l'ITNight 2014 -une manifestation récompensant les meilleurs projets du numérique qui s'est tenue en mars dernier -, la start-up de Montpellier a le soutien de deux intégrateurs de poids - Orange Business Services et Exalead - et compte déjà plusieurs prospects ou entreprises testant ses technologies (Orange côté opérateur, Mappy, Fnac, BNP, Celio, Procter & Gamble.). Dont un réseau social professionnel qui envisage d'utiliser cette technologie pour améliorer le filtrage de CV remontés aux chasseurs de tête. « Ils alignent un budget colossal pour celui qui saura relever ce défi », note Jean-Michel Cambot.
Car, au-delà du ciblage sur mobile, la technologie TelMePlus peut se révéler pertinente sur d'autres marchés : centres d'appel (pour améliorer les réponses aux clients), mais aussi études marketing. « Par nature, notre outil constitue une base de données de tendances. C'est la valeur de l'entreprise à moyen ou long terme », pense Jean-Michel Cambot.
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