Le Référentiel Général d'Interopérabilité à la solde de Microsoft?
Publié par Christophe Lagane le | Mis à jour le
Une nouvelle version du Référentiel Général d'Interopérabilité préconise l'usage du format Microsoft Office Open XML aux côtés de l'ODF. Tous les deux normalisés ISO.
Le Référentiel Général d'Interopérabilité (RGI) est-il en train de se détourner de sa mission première? Rappelons que le RGI est un document de travail qui vise à définir les conditions techniques dans lesquelles s'organisent les échanges d'informations au sein des différentes administrations. Un cadre qui passe notamment par le choix des formats de fichiers bureautiques, ouvert par définition.
Dans sa première version, publié en 2006, le RGI préconisait le format OpenDocument (ODF) normalisé ISO. « Une véritable révolution qui assurait la non-discrimination des citoyens et la pérennité des données administratives numérisées », souligne l'April (Association de promotion et de défense du logiciel libre). C'était sans compter sur l'activisme de Microsoft qui, entre temps, obtenait la normalisation ISO de son format Office Open XML (OOXML) en mars 2008.
Une nouvelle norme ISO, donc ouverte, qui remettait en cause l'utilisation de la première, ODF, non supportée nativement par la suite Office largement déployée dans les administrations française. De quoi justifier une modification du RGI pour recommander ce deuxième format. C'est ce que présente la nouvelle version du RGI. Laquelle recommande tout simplement l'utilisation des deux formats, ODF ou OOXML au choix.
« Pourtant ce dernier format n'est pour l'heure mis en oeuvre dans aucune application », s'insurge l'April. En effet, Microsoft avait dû revoir sa copie et séparer en deux parties son format afin, comme le préconisait l'Afnor (la représentation française de l'ISO) que l'OOXML et ODF puissent converger vers un standard bureautique unique. Redmond avait donc séparé la partie qui assure la compatibilité avec les applications antérieures (OOXML-Extended) du format bureautique ouvert proprement dit. Format normalisé ISO qui, dans les fait, n'est effectivement pas encore exploité.
L'April regrette donc l'ouverture du RGI au format de Microsoft qui risque d'encourager le maintien de la suite Microsoft Office en position dominante dans les marchés publics. « Cette décision du gouvernement aura pour conséquence de ne rien changer au paysage de l'administration électronique », s'inquiète Frédéric Couchet, délégué général de l'April, « Les formats propriétaires de Microsoft continueront de régner sur la bureautique, au détriment de l'interopérabilité et de la pérennité des données. » « Tout est fait pour que Microsoft puisse conforter sa position dominante sans jouer le jeu de l'interopérabilité. Le gouvernement vient de tourner le dos à sa souveraineté numérique et à l'ouverture du marché », poursuit Benoît Sibaud, le président de l'organisation.
Notons cependant que des passerelles existent (sous formes de » traducteur » généralisé depuis le SP2 d'Office 2007 ). Ce qui permettra aux utilisateurs d'Office 2007 d'utiliser les fichiers au format ODF (la suite OpenOffice supporte, en partie, l'OOXML nativement). Mais elles risquent de s'avérer obsolètes si la suite Microsoft Office s'impose de fait dans les administrations.
L'entrée en vigueur du RGI doit encore recevoir l'aval du Premier ministre. « L'April appelle celui-ci à ne pas céder aux mouvements d'influences et à agir dans l'intérêt à long terme de l'ensemble des citoyens français et de leurs administrations », demandent les défenseurs du libre. Pas sûr qu'ils soient entendus.