Suppression d'amortissement pour le logiciel : réellement problématique ?
La suppression de l'amortissement exceptionnel des dépenses d'acquisition de logiciels est prévue par l'article 13 du projet de loi de finances 2017. Le gouvernement ne veut plus de ce dispositif et de cinq autres dépenses jugées « inefficaces ou inutiles ». L'industrie, de son côté, dénonce un coup porté « à l'attractivité du secteur logiciel français » et à la transformation numérique des entreprises.
L'aide a été introduite par l'article 4 de la loi du 9 juillet 1984 sur le développement de l'initiative économique modifiant le Code général des impôts (CGI). Depuis, l'article 236 du CGI prévoit qu'une entreprise qui acquiert un logiciel peut pratiquer un amortissement exceptionnel dès la fin de la période des 11 mois suivant le mois de cette acquisition. Cet amortissement accéléré (trois fois plus rapide que le régime normal) donne donc un avantage de trésorerie aux entreprises. La charge déductible impactant à la baisse le résultat imposable de l'année où la société concernée a fait l'acquisition du logiciel amorti. L'entreprise peut ainsi augmenter sa capacité de financement.
Montée en puissance du logiciel.
Dans son rapport sur le PLF 2017, la commission des finances de l'Assemblée nationale observe que l'amortissement exceptionnel des logiciels acquis par les entreprises a été créé « dans un contexte tout à fait particulier » de « montée en puissance de l'outil informatique ». Il s'agissait alors de lever les barrières à l'achat de logiciels, à travers un dispositif fiscal incitatif, « pour garantir la compétitivité des entreprises et pour faciliter leur développement ».
Mais depuis 1984, le contexte économique et budgétaire a changé : « l'informatique a considérablement évolué et son usage s'est très largement répandu. Les logiciels et plus généralement les matériels informatiques, dont l'acquisition pouvait alors être écartée en raison des coûts et de l'existence éventuelle de solutions alternatives, sont désormais consubstantiels à l'activité des entreprises. L'achat d'un logiciel ne dépend plus d'un dispositif incitatif sans lequel il n'interviendrait pas ».
Par conséquent, « le maintien de l'amortissement exceptionnel plus de trente ans après son introduction est susceptible de générer des effets d'aubaine de la part des entreprises qui auraient, en tout état de cause, fait l'acquisition du logiciel même en l'absence de ce dispositif », selon la commission.
Transformation numérique inachevée
Tech in France, qui regroupe éditeurs de logiciels et solutions internet, ne digère pas cette suppression qui devrait être effective au 1er janvier 2017. L'organisation estime qu'il s'agit d'un « frein majeur » à l'innovation par le logiciel en entreprise (le dispositif a bénéficie à 2 200 entreprises en 2015). Et juge que le gouvernement est « en contradiction avec son objectif de transformation numérique des PME », une transformation « encore loin d'être achevée ».
« En ajoutant des complications de trésorerie à l'acquisition d'un logiciel, déclare l'organisation, le gouvernement pousse les entreprises à maintenir leurs anciens systèmes plutôt qu'à renouveler leur parc informatique. Celles-ci se cantonneront alors à des offres traditionnelles, plus attractives d'un point de vue économique, et ne se risqueront peut-être plus à s'intéresser à l'offre innovante ».
Tech in France insiste : « la suppression de ce dispositif aura pour conséquence de fragiliser l'attractivité des éditeurs français et d'enfermer les entreprises dans un environnement logiciel peu concurrentiel ». Un point de vue que ne partage pas la commission des finances.
Des recettes en plus, pour qui ?
Pour Bercy, « la suppression de l'amortissement exceptionnel des logiciels acquis par les entreprises entraînera un accroissement ponctuel des recettes fiscales ». L'administration fiscale évalue le gain à 72 millions d'euros de recettes supplémentaires en 2017 et à 168 millions d'euros en 2018. Mais la mesure « ne devrait pas avoir d'impact négatif sur les acquisitions de logiciels ».
D'autant plus que d'autres mesures peuvent bénéficier au secteur du logiciel, rappelle la commission des finances dans son rapport. C'est le cas des achats de logiciels d'une valeur unitaire hors taxe ne dépassant pas 500 euros. Ces derniers peuvent être directement passés en charges déductibles.
Une autre mesure, plus ambitieuse, concerne le suramortissement fiscal permettant aux entreprises de déduire de leur résultat imposable 40 % du prix de revient du bien éligible. Ce dispositif a été prorogé jusqu'au 14 avril 2017 par l'article 75 de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique. Les réseaux fibre optique, les serveurs informatiques et les supercalculateurs sont éligibles, désormais. Les logiciels aussi, lorsqu'ils sont indissociables d'un matériel lui-même éligible, ou lorsqu'ils contribuent aux opérations industrielles de fabrication et de transformation.
Lire aussi :
Bertrand Diard : « La France est au niveau zéro dans son soutien au numérique »
Coup de pouce fiscal pour les serveurs, la fibre et le HPC
Les Français prisent le « patriotisme numérique » et fiscal
crédit photo © bensliman hassan / Shutterstock.com
Sur le même thème
Voir tous les articles Open source