High-tech : l'Europe perd du terrain sur l'échiquier mondial
Seuls 9 des 100 premiers groupes mondiaux de haute technologie ont encore leur siège social en Europe. Ils ne seront plus que 8, une fois finalisée l'acquisition de la division mobile de Nokia par Microsoft, d'après AT Kearney. Outre le passage sous pavillon américain d'entreprises européennes, le déficit de vision stratégique explique le repli du continent.
L'industrie high-tech européenne est en perte de vitesse sur l'échiquier mondial, observe le cabinet de conseil en stratégie AT Kearney dans une nouvelle étude. À l'heure actuelle, 9 groupes européens figurent au top 100 mondial (basé sur les revenus), alors qu'ils étaient 12 il y a deux ans. Et la situation s'aggrave. Une fois finalisée l'acquisition de la division mobile du finlandais Nokia par l'éditeur américain Microsoft, l'Europe ne comptera plus que 8 groupes au classement des 100 premières entreprises de la filière.
L'Europe « perd » aussi Nokia
Les entreprises européennes représentent seulement 10% du total des revenus (un total de 1,67 trillion de dollars en 2012) générés par le top 100 mondial des groupes high-tech (services IT, matériel, logiciels, équipements télécoms et composants électroniques). La montée en puissance de firmes asiatiques et le passage d'entreprises européennes sous pavillon nord-américain (de la SSII Logica acquise en 2012 par le groupe canadien CGI à la division mobile de Nokia bientôt absorbée par Microsoft) expliquent cette érosion. Mais pas seulement.
D'après AT Kearney, les grands groupes européens de haute technologie peinent à s'adapter à l'évolution de la demande et à recruter des profils qualifiés, malgré un taux de chômage élevé sur le continent (Lire : Menace sur la reprise : l'Europe souffre d'une pénurie de compétences IT). L'accès aux financements constitue également un frein. L'Europe investit en moyenne 15 milliards de dollars de moins par an que les États-Unis via ses fonds de capital-risque, observent les auteurs de l'étude.
Même chose pour l'innovation : l'Europe dépense un point de PIB de moins que les États-Unis dans la R&D. Par ailleurs, seuls deux groupes européens, l'équipementier suédois Ericsson et le franco-américain Alcatel-Lucent, figurent parmi les 10 entreprises ayant déposé le plus de brevets sur le continent. Ce sont les sud-coréens Samsung et LG qui sont les principaux dépositaires.
Manque de vision stratégique
Plus grave encore, la filière high-tech européenne manquerait de vision stratégique, d'après la firme AT Kearney. « Les Chinois, les Coréens et les Américains bâtissent des plans stratégiques à 10 ou 15 ans, avec une stratégie industrielle nationale assumée », explique aux Échos Hervé Collignon, associé chez AT Kearney. « Ce n'est pas forcément le cas en Europe », ajoute-t-il.
Les entreprises européennes, qui génèrent 45% de leurs revenus sur le continent, sont plus touchées par l'évolution de la demande régionale que leurs homologues américains et asiatiques. De plus, les grands groupes européens s'activent essentiellement sur les marchés professionnels (SAP et Dassault Systèmes dans le logiciel, Capgemini et T-Systems dans les services IT ou encore STMicroelectronics dans les semi-conducteurs). Mais ils sont absents du marché grand public, dominé par des groupes comme Apple, Google et Samsung. Par ailleurs, de nombreuses industries en Europe sont dépendantes d'acteurs IT non européens, à la fois en matière de production et de R&D. On est donc loin de la souveraineté numérique qui fait débat depuis le scandale des écoutes « Made in NSA ».
La situation n'est pas désespérée. L'exécutif européen - la Commission - affiche sa volonté de soutenir la mutation du secteur IT européen. Notamment par le biais d'un investissement de 80 milliards d'euros dans la recherche et l'innovation (programme Horizon 2020). Mais il reste beaucoup à faire. Pour les analystes d'AT Kearney, l'Europe doit davantage coordonner ses initiatives et adopter un plan ambitieux centré sur la prospective et les alliances. « Un secteur high-tech en bonne santé est la condition préalable pour donner aux entreprises européennes plus de poids dans un environnement hautement concurrentiel », assurent les auteurs de l'étude.
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