Logiciel : le top 100 français a besoin de plus de cash
Si le top 100 des éditeurs français affiche un chiffre d'affaires cumulé record, sa profitabilité est en net recul. Au point que la tentation de se vendre à un acteur étranger pourrait finir par s'imposer dans l'esprit de nombre de dirigeants.
Une septième année consécutive de croissance. En 2014, le Truffle 100, soit le classement des 100 premiers éditeurs français de logiciels, a connu une progression de 6 % de son chiffre d'affaires cumulé, à 6,6 milliards d'euros. 98 des 100 éditeurs du classement ont vu leur activité progresser par rapport à l'année précédente : un record depuis 2006. Archi-dominé par Dassault Systèmes (plus de 2 milliards à lui seul), le classement réunit des sociétés réalisant jusqu'à 7,2 millions de chiffres d'affaires en édition de logiciels (Infotel, 100ème de cette édition 2014).
Démarré en 2005, à l'initiative du fonds de capital-risque Truffle Capital, et réalisé par le cabinet CXP, ce classement met toutefois en lumière des aspects moins flamboyants de l'évolution du logiciel français. D'abord, 2014 a totalisé 8 rachats, pour un montant total de 189 millions d'euros (de chiffre d'affaires édition comptabilisé dans le classement 2013). Un record depuis 2008, année de l'absorption de Business Objects par SAP. La plupart (7 sur 8 dont ceux d'E-Front ou Orsyp figurant dans les 25 premiers en 2013) au profit d'éditeurs étrangers. Pour Bernard-Louis Roques, de Truffle Capital, cette progression est surtout la conséquence de la difficulté des éditeurs à se financer, via le capital-risque ou les marchés boursiers (seulement 22 éditeurs sont encore cotés, contre 33 en 2011). « Face à la raréfaction des financements, plusieurs sociétés classées entre la 50ème et la 100ème place du Truffle 100 étudient des partenariats avec des sociétés américaines, partenariats pouvant déboucher sur des acquisitions, assure le directeur général et co-fondateur du fonds Truffle Capital. Surtout dans un contexte de dollar fort. On aurait même tendance à penser qu'il devient difficile de faire autrement ! »
Investir en R&D alors que les profits plongent
Cet asséchement des financements tombe, qui plus est, à un moment charnière, avec la transformation de l'activité vers le Saas et les terminaux mobiles. 68 des 100 premiers éditeurs français affirment avoir déjà une offre sur souscription à leur catalogue. Mais cette transformation nécessite des investissements importants. Les investissements en R&D, s'ils restent considérables (1 024 millions d'euros en 2014), sont pourtant en léger recul par rapport à l'année précédente (- 2,7 %). L'effectif affecté aux activités de recherche et développement (15 800 personnes) est, lui, globalement stable sur un an.
Si les éditeurs ne consacrent pas plus de moyens à cette activité centrale, c'est que la profitabilité du secteur s'érode. A 5 % du chiffre d'affaires, celle-ci affiche le niveau le plus bas depuis 2009. Surtout, ce paramètre est en recul depuis 3 années consécutives. Bernard-Louis Roques y voit la conséquence d'une concurrence internationale « féroce ». « Le fait que les bénéfices soient inférieurs aux investissements en R&D ne met pas en danger l'industrie, car une partie importante de ces derniers est passée en charges, observe Bernard-Louis Roques. Mais ce n'est pas la totalité. Une autre partie doit être amortie, donc elle impacte les bénéfices futurs. Cela reste un point de vigilance. » On peut effectivement se demander si les investissements élevés en R&D de 2012 et 2013 ne commencent pas à peser sur les profits.
« Pas de politique industrielle »
Malgré le niveau record de l'activité, le co-fondateur du fonds s'attend à une phase difficile, du fait de l'absence de mesures depuis des années sur le financement des sociétés d'édition logicielle. « On a tendance à se réfugier derrière le mirage des initiatives prises par le gouvernement, notamment autour de la French Tech, dit Bernard-Louis Roques. Mais ce n'est pas grâce aux seules actions du gouvernement qu'on va créer une industrie du logiciel. Les FCPI (Fonds commun de placement dans l'innovation, NDLR) sont tombés à moins de 300 millions d'euros collectés par an, soit une division par deux en quelques années. Et le logiciel ne bénéficie que d'une partie seulement de ces sommes. La France n'a pas de politique industrielle de l'innovation, les capitaux n'ont pas été suffisamment fléchés vers les dispositifs qui l'encouragent ».
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