Logiciels : violer un contrat de licence peut valoir contrefaçon
La violation du contrat de licence d'un logiciel peut justifier des poursuites en contrefaçon, d'après la CJUE.
Violer le contrat de licence d'un logiciel peut être constitutif de contrefaçon.
C'est le sens d'un arrêt que la Cour de justice de l'Union européenne a rendu ce 18 décembre 2019.
Aux origines du dossier, une plainte qu'IT-Development avait déposée en 2015 contre Free Mobile.
La SAS rhodanienne avait fait citer l'opérateur devant le TGI de Paris. Elle l'accusait de contrefaçon sur son logiciel de gestion de projet ClickOnSite.
Pratique reprochée : la modification du progiciel, notamment à travers la création de nouveaux formulaires. Ce alors même que Free Mobile se l'était interdit expressément, par contrat.
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Début 2017, le tribunal avait rejeté la demande d'IT-Development.
Il avait souligné l'existence de deux régimes distincts de responsabilité en matière de propriété intellectuelle :
- l'un délictuel en cas d'atteinte aux droits d'exploitation de l'auteur ;
- l'autre contractuel en cas d'atteinte à un droit réservé par contrat.
Et estimé que les faits reprochés à Free Mobile relevaient de cette dernière catégorie.
IT-Development avait fait appel, enjoignant la justice à solliciter la CJUE.
Conditions particulières
Au niveau du droit européen, deux directives sont à considérer :
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- Celle du 29 avril 2004 relative au respect des lois de propriété intellectuelle
- Celle du 23 avril 2009 sur la protection juridique des programmes d'ordinateur
Cette dernière établit que la transformation d'un logiciel peut ne pas être soumise à l'autorisation du titulaire des droits d'auteur si elle est nécessaire pour permettre à l'acquéreur d'utiliser ledit logiciel « d'une manière conforme à sa destination ».
Le droit français reprend cette disposition dans le Code de la propriété intellectuelle. Le titulaire du droit d'auteur peut toutefois se réserver le droit de déterminer, par contrat, les modalités particulières auxquelles sont soumises ces transformations.
Délictuel ou contractuel ?
Dans sa communication à la CJUE, la cour d'appel de Paris relève plusieurs éléments :
- Le principe de non-cumul : une personne ne peut voir sa responsabilité contractuelle et sa responsabilité délictuelle engagées par une autre personne pour les mêmes faits.
- La responsabilité délictuelle est écartée au profit de la responsabilité contractuelle dès lors que ces personnes sont liées par un contrat valable et que l'une de ses obligations est mal exécutée ou inexécutée
- La contrefaçon est un délit pénal qui relève habituellement de la responsabilité délictuelle. Mais rien ne précise qu'un contrat liant les parties exclurait une éventuelle contrefaçon.
- La directive de 2004 ne spécifie pas si l'atteinte aux droits de propriété intellectuelle résulte nécessairement de l'inexécution d'un contrat.
Dans ses observations écrites, le gouvernement français affirme que le terme « contrefaçon » constitue la traduction, en droit national, de l'expression « atteinte au droit de propriété intellectuelle » au sens de la directive de 2004.
La CJUE note que l'interdiction de modifier le code source d'un logiciel relève des droits d'auteur dont la directive de 2009 prévoit la protection.
De manière générale, le texte ne conditionne pas l'application de cette protection à la violation d'un contrat de licence.
Quant à la directive de 2004, elle couvre bien, toujours selon la CJUE, les atteintes qui résultent du manquement à une clause contractuelle relative à l'exploitation d'un droit de propriété intellectuelle. Y compris pour un programme d'ordinateur.
L'affaire est renvoyée à la justice française. Celle-ci :
- aura à charge de définir les modalités d'application des protections (la directive de 2004 ne fixe pas ces modalités) ;
- devra fixer la nature de l'action, contractuelle ou délictuelle (la directive de 2004 ne prescrit pas l'application d'un régime particulier).
Photo d'illustration © Olivier Le Moal - Fotolia.com
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