B. Schultz, HP stockage: 'Il faut accepter l'hétérogénéité'
Silicon : Quelle place occupe HP sur le marché du stockage ?
B. Schulz :
Si l'on s'en tient au nombre d'unités vendues en matière d'architecture SAN, nous détenons dorénavant 40 % de ce secteur (29,7 % en revenus), soit quatre fois plus que le premier de nos concurrents. Notre part de marché sur les seuls systèmes disque liés à cette architecture a ainsi atteint 26,7 % du C.A. mondial encaissé au second trimestre 2003, là où IBM n'a réalisé que 20,2 % et EMC 12,7 %. Le SAN, rappelons-le, est en train de dépasser le marché des produits de stockage en attachement direct (DAS), lequel, récemment encore, était largement majoritaire dans les entreprises. C'est d'ailleurs pourquoi nous n'avons pas hésité lors de notre dernier show à présenter un SAN de quelque 1500 ports sur lequel fonctionnait une quinzaine de systèmes d'exploitation différents, une kyrielle de serveurs de divers constructeurs, idem des switchs, etc. Tout cela afin de démontrer que l'interopérabilité n'est plus un mythe, même si certains journalistes affirment que la tendance dans les entreprises est de se reconcentrer sur un seul et même constructeur en matière de stockage en réseau. C'est un v?u pieu, mais il ne correspond à aucune réalité concrète. Dans la pratique, on a toujours des baies de disques en provenance de divers fabricants, idem des serveurs (surtout lorsque son entreprise a procédé à des fusions-acquisitions ou a été absorbée). Bref, l'homogénéité n'est certainement pas la règle.
L'autre grand marché qui connaît actuellement une croissance à deux chiffres, c'est celui du NAS. Les appliances NAS sont en effet les produits parmi les plus demandés par les entreprises pour des raisons évidentes : d'une part, la plus grande partie des documents créés et échangés dans l'entreprise sont des fichiers, d'autre part, pour accéder à ses fichiers sans altérer la bande passante des serveurs le NAS s'avère l'outil par excellence. Sur ce secteur, HP, là encore, a su s'imposer, puisque nous pesons aujourd'hui 50 % de ce marché.
Silicon.fr : Comment procédez-vous pour atteindre une telle envergure ?
B. Schulz :
C'est une question de vision. Pour augmenter notre « surface au sol » nous nous appuyons sur une triple approche : l'acquisition de certains savoir-faire via l'achat de compagnies innovantes, la mise en place de partenariats OEM avec des acteurs majeurs (ainsi, Overland réalise par notre biais, près de 50 % de son activité produits, tandis que le récent accord passé avec Hitachi Data Systems renforce la relation existant entre les deux firmes au niveau des matrices de disques haut de gamme), enfin l'innovation personnelle, laquelle permet notamment d'ajouter des fonctionnalités complémentaires dans les produits commercialisés en OEM.
Silicon.fr : quels sont, selon vous, les principaux sujets de préoccupation des entreprises aujourd'hui en matière de stockage ? B. Schulz : La consolidation des architectures d'information arrive en premier plan. Crise oblige, les entreprises doivent faire plus avec des moyens restreints. Ceci se traduit généralement par cette triple interrogation : » Comment puis-je tirer meilleur parti de mon infrastructure existante ? Comment, aussi, puis-je rapidement implanter de nouvelles applications ? Enfin, dernier souci, comment faire pour que tout ceci tourne très rapidement afin de répondre aux besoins d'une clientèle de plus en plus habituée à ce qu'on lui réponde sans délai ? » D'ailleurs, bien souvent la consolidation des données va de pair avec celle des serveurs. C'est ainsi que nous avons récemment réalisé un projet important de consolidation pour Orange Telecom visant à consolider l'ensemble de leur stockage, du backup ainsi que des serveurs, ce qui leur a permis d'atteindre en quelques mois un retour sur investissement de quelque 50 % sur leurs dépenses stockage. Car, de plus en plus, les entreprises veulent un ROI quasi instantané sur leur investissement. C'est aussi pourquoi ceux qui se sont déjà tournés vers l'architecture SAN cherchent à y basculer l'ensemble de leur backup pour obtenir de meilleures performances en matière d'administration. La reprise d'activité après sinistre et la continuité de service sont deux autres demandes fortes de la part des entreprises. Enfin, l'autre domaine qui intéresse de plus en plus les entreprises c'est l'archivage des e-mails et la conservation des principaux documents contractuels. L'archivage des e-mails n'a toutefois rien à voir avec le stockage pur et simple, c'est avant toute chose une question de gestion de l'information et d'organisation des flux de documents produits, tout ceci étant fondé sur leur pertinence et leur durée de vie. D'où une nécessaire valorisation ex ante des informations pour pouvoir y appliquer des règles précises correspondant au mieux au type d'activité pratiquée par l'entreprise. C'est aussi et surtout une question d'architecture de l'infrastructure informatique, domaine dans lequel HP excelle, puisqu'il s'agit d'intégrer des processus métier dans cette infrastructure. D'où la nécessité de pouvoir mixer harmonieusement des services permettant de saisir ce que les utilisateurs attentent en matière de flux d'informations et de traitements appliqués à celles-ci, du stockage pour entreposer ces données et des logiciels pour contrôler le plus simplement possible l'ensemble de ces tâches. Silicon.fr : On parle d'ailleurs de plus en plus de gestion du cycle de vie des données, qu'en est-il chez HP ?
B. Schulz :
C'est une part importante de notre stratégie. D'ailleurs, nous avons récemment annoncé une initiative ILM (Information Lifecycle Management) qui va dans ce sens, puisqu'elle permet de gérer les données depuis leur création jusqu'à leur destruction, tout ceci prenant en compte les changements pouvant survenir sur les applications utilisées et les besoins manifestés par l'entreprise. En fait, cette administration du cycle de vie des données n'est pas une nouveauté pour HP qui pratique cette politique depuis de nombreuses années dans le cadre de sa stratégie d'intégration des applications OpenView. C'est un complément naturel du HSM, lequel porte plus sur la valeur même accordée à une donnée que sur le suivi de son existence. À mon avis, une conjugaison des deux méthodes est indispensable si l'on veut véritablement disposer d'une infrastructure de stockage efficace et surtout réactive. L'idée de base est de pouvoir cascader les données entre disques durs, bandes et supports optiques selon leur degré de pertinence et leur niveau d'utilisation à un instant t. C'est d'autant plus une nécessité que les nouvelles législations imposent désormais une conservation des écrits numériques pendant de longues périodes. D'ailleurs, comme le fait remarquer John McArthur, vice-président du groupe de recherche stockage d'IDC, c'est un bon moyen de réduire les risques de pertes de données vitales tout en réduisant les coûts technologiques. Notre objectif ici est non seulement d'administrer les données, mais aussi de gérer leur conservation et de mettre en place une logistique efficace au niveau de leur référencement.
Silicon.fr : Il y a peu, tout le monde regardait Microsoft avec méfiance lorsqu'il était question de stockage. Aujourd'hui, vous annoncez le support de Microsoft Windows Storage Server 2003 sur vos plates-formes ? Est-ce à dire que Microsoft serait un acteur incontournable sur ce marché ?
B. Schulz (riant) :
L'un de vos confrères, Jean-Jacques Maleval, prétend qu'à l'horizon 2007 il ne restera plus comme acteurs du stockage que deux entreprises : Microsoft et Cisco. Sans aller jusque là, force est de reconnaître qu'il est normal qu'un certain nombre de fonctionnalités de stockage soient intégrées dans le système d'exploitation des serveurs. D'ailleurs, lorsque l'on regarde ce qui se passe autour de cette offensive stockage menée par la firme de Bill Gates, on s'aperçoit que nous ne sommes pas les seuls à conclure des accords OEM avec Microsoft. Dell, EMC, Fujitsu Siemnes, Iomega, MaXXAn et NEc (pour n'en citer que quelques-uns) se sont également mis de la partie. Pour comprendre pourquoi, il suffit de jeter un coup d'?il sur les chiffres du marché des serveurs et de faire la part des choses entre serveurs Windows, UNIX et Linux. De fait, la réponse est évidente.
Silicon.fr : Quid des services et du logiciel ?
B. Schulz :
En matière de logiciels liés au stockage, IDC nous place en cinquième position. Cela ne veut toutefois pas dire que nous cherchions à faire la peau à Veritas Software, lequel pèse quelque 50 % des parts de ce marché. Non, nous préférons inclure nos logiciels dans une politique de services aux entreprises, telle celle liée à l'implantation de l'ILM. Nous mettons aussi du logiciel dans les composants que nous proposons à nos clients afin de leur fournir des fonctionnalités supplémentaires correspondant plus précisément à leurs besoins. Par ailleurs, nous réalisons quelque 15 milliards de dollars sur le seul marché des services de stockage, ce qui nous place en fait en première position sur celui-ci. Nous allons continuer à nous renforcer sur ce créneau, car c'est celui qui nous semble fondamentalement porteur aujourd'hui.
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