Belgique : un tribunal impose au FAI Scarlet (ex Tiscali) de bloquer le piratage
C'est une première. La Sabam (Société Belge des Auteurs, Compositeurs et Editeurs) vient de remporter une victoire juridique importante dans le litige qui l'oppose au fournisseur d'accès internet Tiscali devenu Scarlet.
Dans un jugement en date du 29 juin 2007, le tribunal de première instance de Bruxelles exige en effet du fournisseur d'accès qu'il adopte des mesures techniques pour empêcher les internautes de télécharger illégalement le répertoire musical de la Sabam via les logiciels P2P. Le jugement pourrait faire jurisprudence. C'est la première fois qu'un FAI se voir obliger de filtrer l'accès aux contenus illicites.
Fin 2004, les observateurs se souviennent que la Sabam avait bénéficié d'un jugement intermédiaire au terme duquel le tribunal reconnaissait des atteintes au droit d'auteur (infraction contre le droit de reproduction et de communication au public) par les clients de Tiscali. Mais, estimant ne pas être suffisamment éclairé sur la faisabilité technique des mesures à prendre en vue d'arrêter les atteintes prononcées, le tribunal de Bruxelles avait décidé de nommer un expert.
Dans son rapport déposé le 3 janvier dernier, ce dernier avait notamment dégagé 11 solutions de blocage ou de filtrage des systèmes de P2P, parmi lesquelles sept sont applicables au réseau de Tiscali.
Par ailleurs, il ressort du jugement que le tribunal n'a retenu aucun des arguments avancés par Tiscali en matière de droit à la vie privée, droit au secret de la correspondance et droit à la liberté d'expression. Il n'a pas non plus reconnu l'argument de l'ISP qui estimait que « les mesures techniques sollicitées revenaient à lui imposer une obligation de surveillance de la totalité du trafic P2P contraire à la législation sur le commerce électronique. »
Le juge a souligné que l'ordre de cessation n'impose pas à Tiscali de surveiller son réseau ; que les solutions identifiées par l'expert sont des « instruments techniques » qui se limitent à bloquer ou à filtrer certaines informations transmises sur le réseau de Tiscali et qu'elles ne sont pas constitutives d'une obligation générale de surveiller le réseau.
Par ailleurs, le juge argumente ainsi sa décision: « Les logiciels de filtrage et de blocage ne traitent en tant que tels aucune donnée à caractère personnel. La mesure de blocage a un caractère purement technique et automatique, l'ISP n'opérant aucun rôle actif dans le blocage ou le filtrage. »
Le Tribunal a dès lors condamné Scarlet (ex Tiscali) à faire cesser les atteintes au droit d'auteur en rendant impossible toute forme, au moyen d'un logiciel P2P, d'envoi ou de réception par ses clients de fichiers électroniques reprenant une oeuvre musicale du répertoire de la Sabam et à communiquer par écrit à cette dernière les mesures qu'elle appliquera en vue de respecter le jugement.
Scarlet dispose de 6 mois pour se conformer à cette décision sous peine d'une astreinte de 2.500 euros par jour de retard.
D'une manière générale, la Sabam souligne le nombre important d'internautes qui téléchargent massivement à l'aide de logiciels P2P des ?uvres protégées par le droit d'auteur sans que les auteurs, compositeurs ou éditeurs l'aient autorisé et aient été rémunérés.
De l'avis de la Sabam, « si tous les fournisseurs belges d'accès à Internet adoptaient les mesures techniques proposées par le rapport d'expertise afin que les logiciels P2P ne puissent plus être utilisés pour échanger des ?uvres protégées, il serait mis fin, pour ce qui concerne la Belgique, au trafic illicite. » Ce qui reste à prouver, les moyens pour accéder à des contenus illicites étant très nombreux.
Par ailleurs, on se demande comment les outils filtreront entre ce qui est légal de ce qui ne l'est pas. Rappelons que le P2P ne sert pas pas qu'à échanger des fichiers illégaux. Interdit-on la vente de voitures parce qu'il y a des accidents ?
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