CITE DES SITES : L'Encyclopédie ou Internet au 18è siècle
Publié par La rédaction le - mis à jour à
Qu'on s'imagine une France deux ou trois fois moins peuplée qu'aujourd'hui, où les pauvres sont légion, où les riches sont les bourgeois (qui feront la révolution ) et les nobles.
Nous sommes au XVIIIème siécle. Deux rois de suite ne se résolvent pas à mourir et donc à quitter un trône de moins en moins apprécié. Un troisième Louis qui perd stricto sensu la tête sur une place nommée ensuite Concorde.
Et on a appelé le XVIIIème siécle le Siècle des Lumières. Avec raison. Citons les grands écrivains, Marivaux et Beaumarchais au théâtre (Beaumarchais qui, grâce à Mozart et Rossini, fut si joliment amplifié sur les scènes lyriques) ; Voltaire, Montesquieu, Rousseau, trinité incontestable et incontestée ; de nombreux autres, comme Lesage, Vauvenargues, Florian qui, sans La Fontaine, serait illustre. ? et j'en oublie, sauf, bien entendu, Choderlos de Laclos dont Les Liaisons dangereuses sont un chef-d'oeuvre absolu, sauf Laclos et Diderot et d'Alembert, nos héros du jours. Citons le parrainage des États-Unis (Bush, Lafayette, ça te dit quelque chose ?) qui efface quelque peu la perte du Canada. Citons la montgolfière qui permit, enfin, de voler. Et, bien sûr, rappelons la prise de la Bastille, prison presque symbolique qui devait céder la place à une extermination sans autre trêve que celle du 9 thermidor. La révolution n'eut pas, heureusement, que de tristes moments. Elle déclara, entre autres, les Droits de l'Homme et abolit les privilèges. Avant de disparaître en rendant tous les privilèges à un homme, Bonaparte ? mais c'est une autre histoire. En ce XVIIIème siècle, on ne connaît pas l'eau courante, le gaz, les chemins de fer, l'automobile, le téléphone, ni le cinéma, ni la radio, ni la télévision, et on ne sait pas encore que l'électricité existe, pourra être utilisée et bouleverser la vie des hommes. « Depuis 1715, jusqu'à nos jours, la France a respiré, et la population a pu prospérer (.),écrit B.Moreau dans Recherches et considérations sur la population en 1778. On n'a compté que 15 ans de guerre, sur 59. Les ennemis n'ont pénétré en France que dans quelques parties et pour quelques instants ; il n'y a eu aucune guerre intestine : ainsi, jamais la population n'a dû être plus florissante qu'à l'état actuel (.). Au 18ème siècle, la peste s'est fait sentir en France, mais n'a attaqué qu'une faible portion du royaume (.). On a pu observer que dans plusieurs provinces l'espèce de pain est devenue meilleure ; il est beaucoup plus d'hommes qui boivent du vin (sic).» Et voici que se réalise une entreprise qui préfigure et annonce XXème et XXIème siècles : l'Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers. Je le dis tout uniment : c'est déjà Internet ou du moins ses prolégomènes ! Aucune comparaison quantitative n'est possible certes puisqu'il n'y a dans l'encyclopédie QUE 72000 articles. Encyclopédie Atilf ouvre le prodigieux trésor de l'Encyclopédie. Il suffit de taper un mot pour avoir immédiatement tous les titres où ce mot figure. Mais il n'y a pas un véritable index grâce auquel on pourrait tout retrouver. Toutefois, je conseille à Google d'intégrer chaque mot de l'Encyclopédie. Ce qui existe permet dès maintenant de découvrir des merveilles avec une facilité exceptionnelle. Saviez-vous qu'il avait été question de polygamie chez les chrétiens ? « Ochin publia ses dialogues au nombre de trente en italien; Castalion les mit en latin, & les fit imprimer à Basle en 1563. Le vingt-unième de ses dialogues traite de la polygamie. Il n'est pas vrai cependant qu'il tâche d'y prouver qu'il est permis, & qu'il est même ordonné aux Chrétiens d'épouser autant de femmes qu'il leur plaît. Si vous lisez le commencement du dialogue de polygamiâ, vous verrez que l'état de la question est celui-ci: «Un homme qui souhaite des enfans, & qui est marié à une femme stérile, maladive, & avec laquelle il ne sauroit s'accorder, peut-il en épouser une autre, sans répudier la premiere »? Ochin suppose qu'on le consulte sur un tel cas de conscience. Il prend le parti de la négative; & après avoir mis dans la bouche de son consultant les raisons les plus favorables à la pluralité des femmes, & avoir répondu foiblement d'assez bonnes choses, il conclut par conseiller de recourir à la prière, & par assurer que si l'on demande à Dieu avec foi la continence, on l'obtiendra. Il déclare enfin que si Dieu ne donne point la continence, on pourra suivre l'instinct que l'on connoîtra certainement venir de Dieu. Voila du pur fanatisme, mais il n'y a rien de plus.» On parlait naguère, presque jadis, de la qualité de l'eau de la Seine. Voici qui donnerait quelque nostalgie à ce maire de Paris qui avait promis de se baigner dans les eaux de la Seine : « L'empereur Julien cherchant un asyle dans les Gaules, choisit Paris pour y faire sa demeure ordinaire: voici ce qu'il en raconte lui-même dans le Misopogon. « J'étois, dit-il, en quartier d'hiver dans ma chere Lutece; c'est ainsi qu'on appelle dans les Gaules la petite capitale des Parisiens. Elle occupe une île peu considérable, environnée de murailles, dont la riviere baigne le pié. On y entre des deux côtés [p. 11:946] par des ponts de bois. Il est rare que la riviere se ressente beaucoup des pluies de l'hiver ou de la secheresse de l'été. Ses eaux pures sont agréables à la vûe & excellentes à boire. Les habitans auroient de la peine à en avoir d'autres, étant situés dans une île. L'hiver y est assez doux.. On y voit de bonnes vignes, & des figuiers même, depuis qu'on prend soin de les revétir de paille, & de tout ce qui peut garantir les arbres des injures de l'air.» Nous ne sommes pas ici pour recopier toute l'Encyclopédie, qui le mériterait bien, mais chacun trouvera tout dans le site, avec, finalement, plus de facilités que les souscripteurs d'alors. J'espérais qu'on pourrait avoir accès aux milliers de planches, chacune étant un chef-d'oeuvre. Hélas ! quand on les cherche, on apprend que ce n'est pas possible. Il faut grappiller ici et là si l'on veut en copier très peu. Nous retiendrons spécialement la planche où l'on voit des imprimeurs à la tâche. Les textes étaient composés lettre après lettre, ligne à ligne, page après page. Peut-on l'imaginer aujourd'hui ? Les planches, gravées à l'époque, ont été reproduites dans de nombreuses éditions les groupant par genre. Il est dommage qu'elles ne soient pas reproduites en numérique sur le net. Pas?je veux dire pas encore ! « Une autre préoccupation des encyclopédistes apparaît constamment dans leur ouvrage : mettre le savoir à la portée de tous. La multiplication des illustrations participe de cette volonté. Diderot l'annonçait dans le Prospectus : « Un coup d'oeil sur l'objet ou sur sa représentation en dit plus long qu'une page de discours. »L'iconographie se développe d'autant plus qu'après l'interdiction de l'Encyclopédie autorisation est donnée de publier un recueil de planches. L'image devient alors prioritaire, elle n'est plus illustration au service d'un texte, c'est au contraire le texte qui explique l'image. L'Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, par une Société de Gens de lettres a été éditée entre 1751 et 1772 sous la direction de Diderot. Elle contient 17 volumes de texte et 11 volumes de planches. Parmi les rédacteurs, on trouve les plus éminents philosophes du dix-huitième siècle, tels que Voltaire, Rousseau, d'Alembert, Marmontel, d'Holbach ou Turgot, pour n'en citer que quelques-uns. Ces grands esprits (ainsi que quelques autres de moindre importance) ont collaboré dans le but de réunir et de diffuser en prose claire et accessible les fruits de la connaissance et du savoir accumulés. » Comme par hasard, le principal rédacteur, qui a écrit à peu près la moitié des textes, Louis, chevalier de Jaucourt, est demeuré parfaitement inconnu. Je cite pour lui rendre hommage un extrait de son texte sur la traite des noirs qui, dirait-on aujourd'hui, est très engagé : « Traite des nègres (Commerce d'Afrique). « C'est l'achat des nègres que font les Européens sur les côtes d'Afrique, pour employer ces malheureux dans leurs colonies en qualité d'esclaves. Cet achat de nègres, pour les réduire en esclavage, est un négoce qui viole la religion, la morale, les lois naturelles, et tous les droits de la nature humaine. « Les nègres, dit un Anglais moderne, plein de lumières et d'humanité, ne sont point devenus esclaves par le droit de la guerre ; ils ne se dévouent pas non plus volontairement eux-mêmes à la servitude, et par conséquent leurs enfants ne naissent point esclaves. Personne n'ignore qu'on les achète de leurs princes, qui prétendent avoir droit de disposer de leur liberté, et que les négociants les font transporter de la même manière que leurs autres marchandises, soit dans leurs colonies, soit en Amérique où ils les exposent en vente. « Si un commerce de ce genre peut être justifié par un principe de morale, il n'y a point de crime, quelque atroce qu'il soit, qu'on ne puisse légitimer. Les rois, les princes, les magistrats ne sont point les propriétaires de leurs sujets, ils ne sont donc pas en droit de disposer de leur liberté et de les vendre pour esclaves. « D'un autre côté, aucun homme n'a droit de les acheter ou de s'en rendre le maître ; les hommes et leur liberté ne sont point un objet de commerce ; ils ne peuvent être ni vendus, ni achetés, ni payés à aucun prix. Il faut conclure de là qu'un homme dont l'esclave prend la fuite, ne doit s'en prendre qu'à lui-même, puisqu'il avait acquis à prix d'argent une marchandise illicite, et dont l'acquisition lui était interdite par toutes les lois de l'humanité et de l'équité. « Il n'y a donc pas un seul de ces infortunés que l'on prétend n'être que des esclaves, qui n'ait droit d'être déclaré libre, puisqu'il n'a jamais perdu la liberté ; qu'il ne pouvait pas la perdre ; et que son prince, son père, et qui que ce soit dans le monde n'avait le pouvoir d'en disposer ; par conséquent la vente qui en a été faite est nulle en elle-même ; ce nègre ne se dépouille, et ne peut pas même se dépouiller jamais de son droit naturel ; il le porte partout avec lui, et il peut exiger partout qu'on l'en laisse jouir. C'est donc une inhumanité manifeste de la part des juges des pays libres où il est transporté, de ne pas l'affranchir à l'instant en le déclarant libre, puisque c'est leur semblable, ayant une âme comme eux.»