DSI : l'omniscience 2.0 ?
On pourrait résumer la place de la Direction des Systèmes d'Information dans l'entreprise à cette affirmation en apparence contradictoire : elle est partout, mais ne veut être nulle part. Quelle est sa place dans la gouvernance de l'entreprise aujourd'hui ?
Direction des systèmes d'information. Derrière ce titre évocateur, c'est l'ensemble des ressources numériques de l'entreprise qui prend vie. Or dans un monde dans lequel l'information est partout, sa maîtrise est devenue incontournable.
Dans le même temps, la montée en compétences des équipes est une dimension clé dans l'émergence des entreprises technologiques.
Alors la DSI serait-elle devenue une puissance omnisciente ? Quelle est sa place dans la gouvernance de l'entreprise aujourd'hui ?
La bonne DSI, c'est celle qu'on ne voit pas
On pourrait résumer la place de la Direction des Systèmes d'Information dans l'entreprise à cette affirmation en apparence contradictoire : elle est partout, mais ne veut être nulle part.
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Dans le moindre échange, dans la moindre transaction, dans les chats entre collègues, le paiement des fournisseurs ou les relations clients, l'ensemble des informations qui transitent dans ou avec l'entreprise passent par le prisme de la DSI.
Pourtant, il s'agit à l'origine d'une fonction support. Son rôle initial est en effet de faciliter l'ensemble des processus et de les fluidifier, pour tous les collaborateurs et les parties prenantes de l'entreprise. Un rôle de l'ombre. Quand un mail arrive à bon port, en temps et en heure, rares sont ceux qui s'émerveillent de l'architecture numérique qui a rendu cela possible - quand la boîte mail bugue, c'est une autre histoire.
Si tout est technologie, tout le monde doit à la fois profiter de cet essor et en comprendre les incidences. L'évolution constante des formations internes, mais aussi les technologies telles que le Low Code ou le No Code rendent cet apprentissage global plus facile, en même temps qu'elles mettent en lumière leur absolue nécessité.
Si chaque collaborateur peut créer une application sans de trop grandes compétences informatiques, il est indispensable qu'il connaisse les risques de son action, pour s'en prémunir, et la politique de l'entreprise en la matière, pour pouvoir la respecter.
La DSI opérationnelle s'efface donc peu à peu au profit d'une DSI plus managériale.
Parallèlement à cette tendance de fond, on observe depuis des années que de nombreuses méthodologies informatiques sont passées dans le langage courant du management. Test and learn, AB testing, projet pilote, versions bêta, l'évolution du champ lexical est tout sauf anecdotique. Elle révèle - si tant est qu'il le faille encore - l'influence des services d'informations dans l'entreprise. Plus qu'une innovation de langage, elle témoigne d'une évolution de méthodes.
On applique en management ce qui fonctionne en informatique. Tout n'est évidemment pas déclinable, et la frénésie n'est que très rarement bonne conseillère, mais là encore, la DSI est partout. Jusque dans l'humain.
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Distinguer l'utile et le futile
Si la gouvernance interne de l'entreprise était un marché, on pourrait presque dire que l'ambition d'une DSI d'aujourd'hui serait d'en voler quelques parts aux ressources humaines. Car c'est peut-être le tournant majeur dont l'entreprise est aujourd'hui le témoin : la DSI n'est plus l'organe indépendant qui opérait jusqu'alors dans l'ombre. Elle doit diffuser, infuser, comprendre et faire comprendre.
Si tout est technologie, chaque partie prenante de l'entreprise doit être en mesure d'assimiler les enjeux et les risques, d'appréhender au mieux et le plus rapidement possible les évolutions des outils qu'elle a à sa disposition. Le rôle de la DSI est donc résolument plus humain.
La compétence technique ne suffit plus. Elle est indispensable, bien sûr, mais constitue aujourd'hui un socle, ou un prérequis, plus qu'une fin en soi. « Si vous ne pouvez expliquer un concept à un enfant de six ans, c'est que vous ne le comprenez pas complètement » disait Einstein.
Cette citation pourrait devenir le leitmotiv de la DSI à tendance managériale. La compréhension parfaite de l'ensemble des enjeux et du fonctionnement des outils technologiques doit désormais servir de base de connaissance pour être vulgarisée et diffusée auprès des équipes.
Mais l'évolution de cette relation entre la DSI et le reste des équipes n'est pas unilatérale. L'heure est à l'effervescence du progrès technologique, les sujets ne manquent donc pas. Faire le tri entre ce qui peut être utile et ce qui est futile nécessite une empathie de tous les instants face aux métiers de l'entreprise.
Comment une DSI pourrait être certaine d'orienter la montée en compétences des équipes sans être parfaitement alignée avec elles sur leurs priorités, besoins et attentes ?
Sur ce point aussi, la DSI est donc au service des équipes. Mais cela ne suffit pas à décrire son périmètre d'action. Le progrès n'est pas une course déterminée, avec un point de départ et un point d'arrivée. C'est un mouvement perpétuel. Aussitôt un sujet maîtrisé et implémenté, un autre outil, plus rapide, plus vertueux, plus efficace, apparaît.
Ce progrès entre dans l'entreprise par la veille constante de la DSI. Loin de se contenter de la diffusion opérationnelle interne, cette dernière doit donc être en état d'alerte permanente sur les évolutions qui concernent son entreprise. Et elles sont nombreuses.
Règlementation, technologie, risques, concurrence, les domaines sont identifiés, mais les thématiques aussi vastes que complexes. Or, dans ce brouhaha permanent, la DSI doit être capable de faire le tri, et d'avoir une vision d'ensemble sur ce qui peut impacter - et comment - l'activité de l'entreprise. Une vision stratégique donc, globale.
Par ce statut hybride, entre interne et externe, entre macro et micro, entre décisions stratégiques et applications opérationnelles, la DSI a définitivement acquis un statut à part dans l'entreprise. Elle est chargée d'en penser les nouvelles frontières.
Celles qui s'imposent à elle, le progrès, la réglementation, les risques, et celles qui se créent en son sein, les LOBs, les silos, les différents métiers. Et son « omniscience de fait » de se transformer peu à peu en omnipotence 2.0.
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