Diffamation : un hyperlien étend le délai de prescription
Publié par Ariane Beky le | Mis à jour le
Un lien hypertexte renvoyant vers un contenu antérieur peut faire à nouveau courir le délai de prescription de l'action en diffamation, selon un arrêt de la Cour de cassation.
L'action en diffamation oppose un inspecteur des impôts à un ancien promoteur, relève un blog du Monde. Dans son arrêt du 2 novembre 2016, la Cour de cassation conclut qu'un lien hypertexte inséré dans un nouveau contenu peut constituer un « nouvel acte de publication » du texte antérieur vers lequel le lien pointe. Cet acte étend le délai de prescription trimestrielle prévu par la loi.
En 2010, Henri Y. se dit victime de contrôles et redressements fiscaux et cite, sur son site Internet, le nom et les pratiques présumées d'inspecteurs des services fiscaux, parmi lesquels Louis X.. En 2011, Henri Y. poste un nouveau billet de blog véhément sur le sujet. Il insère dans ce nouveau texte un lien, parmi d'autres, renvoyant vers un fichier PDF donnant citation à comparaître à Louis X. devant le tribunal correctionnel de Paris. Henri Y. l'accuse d'actes attentatoires à la liberté, entre autres.
Diffamation publique
La même année, Louis X. dépose plainte contre Henri Y. pour diffamation publique envers un fonctionnaire. L'affaire a été renvoyée à plusieurs reprises. L'audience se tient finalement en 2013. Y, l'ancien promoteur et architecte, indique alors que le texte incriminé a déjà été publié par ses soins en 2010. À l'époque, la texte n'a pas fait l'objet de poursuites dans les trois mois, il y a donc prescription, selon lui. La 17e chambre correctionnelle du TGI de Paris ne retient pas cet argument. Elle juge, le 25 septembre 2014, que l'hyperlien inséré en 2011 constitue un « nouvel acte de publication » qui étend la prescription de trois mois à compter de cet acte. L'action en diffamation est valide. Les propos incriminés sont jugés diffamatoires. Le TGI ordonne donc leur retrait.
Henri Y. a fait appel de cette décision. Et la cour d'appel de Paris lui donne raison, le 22 octobre 2015. Elle infirme le jugement de première instance. Et juge que le lien renvoie à un « propos ancien et autonome qui n'a pas été en son temps poursuivi et dont la poursuite est aujourd'hui prescrite ».
L'inspecteur des impôts, Louis X., choisit alors de se pourvoir en cassation, avec succès.
Nature du lien et intention
Le délit de diffamation est un délit de presse au sens la loi du 20 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Et le delai de prescription de l'action en diffamation est effectivement de trois mois à compter de la première publication du contenu incriminé (article 65 de la loi). Sur Internet, une première publication peut précéder la mise à disposition de ce même contenu à un nouveau public, et étendre ainsi le délai de prescription trimestriel. Pour en décider, il convient de vérifier la nature du lien posé, l'identité de l'auteur et son intention de mettre à nouveau le contenu incriminé à disposition des internautes, a rappelé la Cour de cassation dans son arrêt du 2 novembre.
Elle considère que « publier sur un site internet un nouveau texte, renvoyant à un précédent article, au moyen d'un hyperlien activable, profond et interne, réalise la mise à disposition de cet article à un nouveau public ». Cela constitue un nouvel acte de publication qui étend le délai de prescription.
La Cour casse ainsi l'arrêt rendu en appel et renvoie les parties devant la cour d'appel.
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