Droit à l'oubli : nouvelle condamnation de Google en France
Dans une ordonnance de référé du 13 mai 2016 révélée par Legalis, le tribunal de grande instance de Paris fait injonction à Google de déréférencer ou supprimer les liens vers un blog accusant le plaignant, dit « Monsieur X », d'être « impliqué dans une affaire sexuelle envers mineure ». Les URL apparaissaient en première page des résultats de Google.fr à partir d'une requête effectuée sur les nom et prénom du plaignant. Estimant le contenu illicite, l'homme a déposé plainte contre X, puis a contacté l'hébergeur, qui lui a répondu ne pas être en position de se prononcer sur le bien-fondé de sa demande. Le contenu a ensuité été signalé sur internet-signalement.gouv.fr, puis une plainte en ligne a été déposée sur le site de la Commission nationale informatique et libertés (Cnil).
Le conseil du demandeur a mis en demeure Google France, le 12 janvier 2016, de déréférencer les liens vers le contenu litigieux. Google a refusé par email du 29 janvier, au motif que les pages spécifiées « contiennent des informations [.] concernant [Monsieur X] qui sont pertinentes et à jour ». Et que « la référence à ce contenu dans [ses] résultats de recherche est justifiée par l'intérêt du grand public à y avoir accès ». L'entreprise a néanmoins invité le requérant à s'adresser au webmaster du site concerné pour obtenir la suppression du contenu ou l'empêcher d'apparaître dans les moteurs de recherche. Faute d'obtenir satisfaction, le requérant a finalement assigné en référé, le 10 février dernier, Google France. La société Google lnc. étant intervenante volontaire dans cette affaire.
Revers des libertés d'information et d'expression ?
Lors des discussions, le tribunal de grande instance a rappelé que « toute personne physique a le droit de s'opposer pour des motifs légitimes, à ce que des données à caractère personnel la concernant fasse l'objet d'un traitement ». Il a ajouté qu'un tel traitement ne doit pas être incompatible avec la directive 95/46/CE visant à protéger les libertés et droits fondamentaux (droit à la vie privée notamment). Un avis partagé par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) dans son arrêt rendu le 13 mai 2014 en faveur de l'agence espagnole de protection des données opposée à Google Spain.
À Paris, le tribunal a également souhaité tenir compte « du caractère gravement attentatoire à la réputation du requérant, à la fois du contenu de la page web à laquelle renvoient ce référencement et des données contenues dans le lien lui-même, qui reprend en quasi totalité le titre du contenu litigieux et qui associe aux nom et prénom du requérant, à la mention de son métier, de son employeur et de son adresse professionnelle ». Cette association sans lien avec le « scandale » dénoncé, n'apparaît pas « motivée par une autre intention que celle de satisfaire une vindicte personnelle contre le plaignant », selon le tribunal, l'homme n'ayant pas été condamné pour un des faits dénoncés dans le contenu litigieux.
Dans ces conditions, « Google ne peut valablement soutenir que l'auteur du contenu litigieux est susceptible d'avoir agi comme un 'lanceur d'alerte' souhaitant informer légitimement le public sur un sujet sensible », a indiqué le TGI de Paris. En conséquence, Google a été condamné à déréférencer ou supprimer le résultat de recherche incriminé, et à payer 2500 euros de frais de justice au plaignant.
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