DigiWorld Future : l'Idate voit une transformation numérique polymorphe
De la ville du futur à la consolidation du secteur des télécoms en passant par l'économie participative, la conférence DigiWorld Future organisé par l'Idate embrasse les grandes tendances soulevées par la transformation numérique.
A l'occasion de la 15e édition du Digiworld Yearbook, l'Idate a vu les choses en plus grand que d'habitude. D'abord en élargissant son rapport à de nouveaux sujets propres à la transformation des différents secteurs économiques (industrie automobile, banque/assurance, commerce, hôtellerie.) qu'entraînent les technologies numériques. Ensuite, cette édition 2015 s'illustre par l'organisation d'une nouvelle conférence de l'Institut créé en 1977?autour de l'analyse des secteurs Internet, télécoms et média : la DigiWorld Future. « Une conférence d'un nouveau genre », a confirmé François Barrault, président de l'Idate, et qui se déploie entre Londres (le 2 juin), Paris (aujourd'hui) et Bruxelles (le 30 juin prochain). L'occasion pour nombre d'intervenants, si ce n'est prestigieux en tout cas représentatifs des acteurs du secteur et sa transformation, de venir partager leur vision du marché au Palais Brongniart (ancienne Bourse). Nous en avons retenus quelques-uns.
A commencer par Jean-Louis Missika. L'adjoint à la Marie de Paris, réputé pour son expertise des médias, est venu témoigner de la nécessaire transformation de la société face « aux révolutions cognitive et industrielle embarquées dans une même technologie?: le numérique ». Et dont la capitale française constitue, à travers les projets mis en oeuvres (notamment la plate-forme collaborative idee.paris.fr), un laboratoire de construction des villes du futur. « Le numérique transforme les métropoles en villes ingénieuses, ouvertes, dont la logique de fonctionnement est catalysée par une intelligence collective, moteur de la transformation urbaine », déclare le responsable notamment chargé des projets du Grand Paris. De l'e-administration (avec la dématérialisation des démarches) à l'e-commerce (et les problèmes liés de livraison aux particuliers) en passant par la gestion des transports ou la réindustrialisation des métropoles (avec les usines du futur plus compactes et propres notamment grâce aux imprimantes 3D), le numérique sera au coeur de la « ville durable, grand enjeu du 21e siècle ».
Pour Sébastien Bazin, PDG d'AccorHotels, l'enjeu est d'adapter l'industrie hôtelière à l'économie numérique avec des acteurs qui gravitent autour de ce secteur pour en tirer de la valeur et dont TripAdvisor, Kayak ou l'incontournable Airbnb sont les noms les plus emblématiques. « Si j'ai toujours le client, je n'ai plus la marge à cause de ceux qui gravitent autour de nous mais nous laissent faire le sale boulot [la gestion de l'infrastructure], s'insurge le dirigeant. A nous d'aller dans leurs métiers. » AccorHotels entend donc désormais intégrer toute la chaîne du parcours clients (sélection, réservation, séjour, avis.). Une nouvelle approche client qui passe par une transformation interne que met notamment en oeuvre Vivek Badrinath, l'ancien dirigeant d'Orange Business Services (OBS) qui a rejoint le groupe hôtelier en début d'année en tant que Chief Data Officer.
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Travailler seul ne marche plus
Ce n'est pas Frédéric Mazzella qui contredira Sébastien Bazin sur la rupture du modèle économique que provoquent les TIC. « Le numérique apporte de la connectivité, de l'instantanéité et de la puissance de calcul pour traiter les données, explique le fondateur et président de Blablacar. Le numérique change l'économie au niveau des gains de productivité domestique. » Et de citer l'exemple d'un utilisateur du service de covoiturage qui, par ses trajets réguliers, a améliorer de 450 euros ses revenus mensuels. Pour l'entrepreneur au succès fulgurant (19 pays couverts aujourd'hui), nombre de secteurs vont être impactés par cette économie de partage, à commencer par la banque et la finance.
Frédéric Mazzella, fondateur dirigeant de Blablacar interviewé par Gilles Babinet, Digital Champion auprès de la Commission européenne.
Une économie collaborative que met également en avant Google. « Travailler seul ne marche plus. Il faut trouver un équilibre et faire en sorte que l'économie collaborative démarre, déclare Carlo d'Asaro Biondo, président EMEA de la firme de Mountain View. Et d'illustrer son propos en affirmant que Google ne fera jamais tout seul la voiture connectée ». Ce qui n'empêche pas Google d'investir dans ses propres infrastructures (1,6 milliard de dollars par trimestre en moyenne) qui lui permettent aujourd'hui d'acheminer 99% de ses données aux utilisateurs finaux, selon le dirigeant.
Une menace pour les opérateurs installés?? « Je ne pense pas que les OTT (plates-formes Web mondiales, ndlr) mangeront les opérateurs, estime Stéphane Richard. Nous travaillons pour nos clients, les OTT sont des challengers. Les innovations dans les services nous obligent à nous remettre en question. » Et si, sous le poids de la concurrence, le secteur des télécoms français et européen s'est affaibli ces dernières années, « ce n'est pas demain la veille que les acteurs américains viendront se frotter aux infrastructure télécoms en Europe avec des retours sur investissements calculés sur 25 ans ».
Orange plaide pour un marché à 3 en France
Il n'en reste pas moins que, aux yeux du dirigeant d'Orange, « il y a un lien assez direct entre le bon nombre d'opérateurs et la capacité d'investissement. [Et] la taille du marché français plaide plutôt pour un marché à trois. » Lequel sera «?mangé?» entre Free et Bouygues Telecom?? Difficile à dire. « Trois des quatre opérateurs pensent que trois c'est mieux. Nous ne sommes pas dans les trois », a rappelé de son côté Olivier Roussat, PDG de Bouygues Telecom. Au-delà de cette situation propre au marché français, un mouvement de consolidation agite l'Europe entière, notamment à travers le rapprochement des acteurs du mobile avec ceux du fixe comme pour SFR et Numericable l'année dernière. Et qui devrait se poursuivre dans la perspective du marché européen unique des télécoms. Dans ce cadre, « Orange fait parti des acteurs qui peuvent jouer un rôle dans la consolidation européenne », a ajouté Stéphane Richard. Qui a mis en avant les ambitions de son groupe sur le continent africain, un secteur en croissance de 7% par an en chiffre d'affaires quand l'Europe régresse de 2% à 3% dans le même temps. « En terme d'expansion, l'Afrique est notre priorité et, en tant que grand opérateur européen, nous pourrons jouer sur cette complémentarité. »
Si l'avenir des opérateurs passera par leur consolidation, il s'inscrira aussi dans leur capacité à s'appuyer sur leurs infrastructures pour devenir des distributeurs de services numériques verticaux. C'est du moins le scénario le plus optimiste des trois pour l'avenir des télécoms en 2025 et présenté par Didier Pouillot, directeur de la Business Unit Stratégies à l'Idate. Ce qui signifient que les opérateurs doivent s'impliquer dans les services en concurrences avec les OTT et avec les sociétés de services informatiques. « Mais comme le gâteau est gros, ils y ont incontestablement leur place, estime l'analyste qui, optimiste, voit un potentiel de croissance pour les opérateurs. »
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