DigiWorld Summit : Mobilité et objets connectés en levier de croissance
« En 20 ans, l'industrie des télécoms a changé nos vies. Tout le monde possède un téléphone aujourd'hui », a déclaré François Barrault, président de l'Idate, en ouverture du DigiWorld Summit 2014 à Montpellier (du 18 au 20 novembre). Cette 36e édition se concentrait exclusivement sur la thématique de la mobilité. L'acquisition de SFR par Numericable en France, la sortie de l'iPhone 6 et sa fonction de paiement NFC ou encore la valorisation délirante de WhatsApp ont figuré parmi les événements illustrant en 2014 les enjeux qui marquent le caractère mobile de l'industrie. « Et vous n'avez encore rien vu », a ajouté François Barrault qui avance trois prévisions pour 2020?: 9 milliards d'utilisateurs mobiles, un trafic sans fil multiplié par 11 en 5 ans et supérieur à celui du fixe, et l'explosion de la capacité de la bande passante. Sous réserve que les opérateurs aient retrouvé une santé financière suffisante pour assurer les investissements dans les infrastructures en Europe. « La mobilité va changer notre vie, tout va être connecté, qu'on le veuille ou non, nous n'y échapperons pas. »
Nouvelles frontières de la connectivité
Au-delà des usages propres aux smartphones et tablettes, « de nouvelles frontières se dessinent autour de la connectivité », évoque Wassim Chourbaji, vice président chargé des affaires gouvernementales sur la zone EMEA chez Qualcomm. Il évoque les objets qui seront connectés au réseau mais aussi entre eux pour créer des applications et services intelligents ou les wearables, les capteurs, drones et voitures connectées seront des acteurs de ce changement. Il faut s'attendre à « des innovations impressionnantes qui vont changer le fonctionnement des consommateurs, entreprises et gouvernements. Les consommateurs seront une partie du réseau et non plus un terminal ».
Une vision que confirme Mikael Bäck. « Tout ce qui sera connecté bénéficiera de ce qui est connecté ». Le responsable Global Strategy et Portfolio Management chez Ericsson présentait un rapport maison d'où il ressort que 90% de la population possédera un téléphone en 2020 et que 6,1 milliards de smartphones seront connecté en haut débit (contre 2,5 en 2014), dont 650 millions de PC, routeurs et tablettes. La vidéo occupera 55% du trafic des données (x10) soutenu à 70% par les réseaux Wifi. « Une grande révolution est attendue avec la vidéo mobile et les services à la demande comme Netflix. » Les réseaux sociaux occuperont 15% du trafic, comme aujourd'hui, et le M2M restera minuscule avec 0,1% du trafic (mais 1% des revenus) et 800 millions d'abonnements cellulaires. « Il restera 700 millions de feature phone. Il faudra faire quelque chose pour eux », prédit-il en constatant, aux États-Unis, une baisse du téléphone fixe. « Il reste à finaliser la mobilité pour apporter l'éducation, la santé, les voitures connectées, les smart city, ouvrir le réseau à tous les devices au cour des cinq prochaines années. Le défi majeur n'est pas technique mais passe par l'offre de service et l'adoption des usages. »
Lunettes, voitures, capteurs. tous connectés
Parmi les nouveaux usages, certains pourraient venir des lunettes connectées. Pour Kayvan Mirza, CEO et cofondateur de Optivent, « les smart glasses constituent le prochain écran ». Selon lui, smartphones et tablettes ne sont pas adaptés aux usages de la réalité augmentée. Avec les lunettes, « le contenu vient à vous, vous libère les mains et offre la vraie mobilité ». Il convient que, entre problématiques de design, d'optique, de format et d'application qui doivent s'adapter au terminal, « le chemin est encore long mais inévitable ». Les lunettes connectées vont connaitre la même courbe traditionnelle de chute après l'engouement rapide pour s'imposer dans les usages. « Il y a une bulle aujourd'hui et une mauvaise presse mais le marché se trouve dans les segments verticaux, le marché de la grande consommation prendra plus de temps. » Et d'avancer entre 2019 et 2023 pour voir le décollage des usages grand public des smart glasses.
Si la réalité augmentée des lunettes connectées peut assister les professionnels dans leurs métiers (santé, industrie, défense.) comme les individus dans leurs habitudes (navigation, divertissement.), les capteurs soutiendront la santé des usagers. C'est la vision de Jean-Michel Fournier, CEO de cofondateur de BitGym, un acteur du quantified self qui met en oeuvre le self knowledge. Mieux connaître ses besoins corporels grâce aux données que produit notre corps est un secteur en vogue dans l'Internet des objets (IoT) où des acteurs comme Google, Samsung ou AT&T, pour ne citer que les plus emblématiques, ont investi 1,4 milliard de dollars depuis 2009 dans 64 projets, selon le dirigeant.
Autre symbole clé de la mobilité, la voiture connectée a dépassé le stade de projet. « Les voitures sont connectées aujourd'hui, au besoin depuis le smartphone même si je ne suis pas certain que ce soit le bon modèle, tant pour le monitoring du véhicule que pour l'expérience utilisateur », indique Patrick Pelata, chief automotive officer de Salesforce.com. Une expérience qui génère un véritable écosystème où se bousculent une palanquée d'acteurs de Google à Apple en passant par des innovateurs que sont les Uber, Bla Bla Car, Aha, Octo, Inrix, ZUbie, etc. Si « beaucoup de revenus sont générés » dans un écosystème en transformation, Patrick Pelata se demande « où se trouve la valeur ». Publicité à l'intérieur du véhicule avec la radio numérique, économies pour le consommateur à travers l'optimisation des temps de trajet, la productivité des professionnels de la route, la sécurité, le confort?? Autant de segments évoqués dans une chaîne de valeur « difficile à représenter ». Face à l'arrivée de nouveaux acteurs comme Google ou Tesla, la pression des fournisseurs, les consommateurs peu enclins à payer la connectivité et les services de substitution comme Uber qui remettent en question l'avenir du véhicule autonome, les grands constructeurs de l'automobile vont devoir se réinventer. Une chose est sûre, la voiture est désormais vue comme un nouvel appareil mobile connecté.
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Un nouveau réseau à construire
Mais pas de mobilité sans réseau. Un réseau qui, avec la 4G LTE a commencé sa transition vers la 5G présentée comme une promesse de connectivité généralisée à l'horizon 2020 même si les contours restent flous alors que les standards ne sont pas encore définis. D'ici là, nombre de technologies assurerons la transition. Les small cells qui densifient le réseau cellulaire mais aussi le Wifi. « Sur les cinq prochaines années, le Wifi répondra à l'attente des utilisateurs alors qu'il assure 70% du trafic mobile en intérieur et qu'il devient une évidence comme réseau de transport pour les smart cities, indique Selina Lo, CEO de Ruckus Wireless. les small cell se concentrent sur la mobilité urbaine. L'idée est une plus grande intégration entre les deux technologies. » Une vision que ne contredit pas Laurent Fournier, responsable du développement entreprise chez Qualcomm. « Le LTE et le Wifi sont très complémentaires et il est intéressant de l'intégrer dans une même puce car les équipementiers ont besoin de plateformes capable de répondre à une haute qualité de service comme au best effort. »
Small cell et Wifi contribueront également à construire le réseau 5G. Si d'un point de vue technique, il se présente comme « une infrastructure puissante qui devra supporter beaucoup plus de trafic qu'aujourd'hui depuis 7 milliards d'utilisateurs tout en économisant 90% de l'énergie pour les fournisseurs de service », selon la vision de Terje Tjelta, chercheur chez Telenor et membre du bureau de la 5G Infrastructure Association, le futur réseau s'inscrit dans un mouvement d'hétérogénéité de technologies. Ruckus se dit ainsi « impliqué dans la 5G à travers les mécanismes d'autoconfiguration déjà adaptés au Wifi et des services managés afin d'offrir une connexion sans couture à l'utilisateur qui ne se posera pas la question de se connecter en 4G, 5G ou wifi ». « Il nous faut une infrastructure du spectre et un framework pour revoir la façon dont les terminaux se connecteront », ajoute Laurent Fournier.
Le sans fil est mort
« Bonne nouvelle, le sans fil est mort. » Michel Combes, directeur général d'Alcatel-Lucent, a profité de sa keynote pour tester, avec succès, son sens de la formule choc. « Nous bougeons dans un monde de convergence et sommes entrainés dans une nouvelle ère ou l'architecture actuelle ne va pas survivre. Le choix entre accès rapide et meilleure qualité mobile est fini. Les utilisateurs veulent les deux et nous devons les leur délivrer. Le réseau sera la prochaine échéance. » Un réseau qui, au-delà de l'infrastructure matérielle, se construira dans « une nouvelle architecture virtuelle » bâtie à coups de SDN (Software Defined Network) et de NFV (Network Functions Virtualization) « pour délivrer la meilleure connectivité » dans un modèle de « 'repremiumisation' des services qui permettront aux opérateurs d'assurer les investissements [nécessaires] ».
Michel Combes, dirigeant d'Alcatel-Lucent, est venu exposer sa vision d'un réseau convergent au DigiWorld Summit 2014.
Dans ce cadre, Michel Combes alerte, une fois encore sur le manque d'investissements des opérateurs en Europe au risque de provoquer une véritable rupture d'attractivité numérique du continent face aux avances de l'Asie et de l'Amérique du Nord en la matière. « Les investissements sont au coeur de l'évolution. Je suggère de passer au marché numérique unique avec une harmonisation des taxes, une politique concurrentielle afin d'aider les grands acteurs à émerger mais aussi les start-up. » Aux yeux de Michel Combes, « la nouvelle commission est une opportunité » pour mettre en oeuvre un marché numérique unique. Il est néanmoins probable que la vision d'un futur réseau « évolutif, dynamique, sécurisé, virtualisé qui s'adapte à l'utilisateur et non l'inverse » voit néanmoins le jour avant un hypothétique marché qui sera animé par 5 ou 6 grands opérateurs à l'instar des acteurs américains. Mais dans le monde des télécoms, tout va désormais très vite. Et, pour Yves Gassot, directeur général de l'Idate, « l'Europe a la capacité de reprendre l'avantage ». A voir en 2020.
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