L'Assemblée vote majoritairement le projet de loi sur le renseignement
Extension des interceptions administratives, installation de boîtiers de détection chez les prestataires techniques. Le vote à l'Assemblée nationale du projet de loi sur le renseignement est loin de faire l'unanimité. Une saisine parlementaire du Conseil constitutionnel est lancée.
Dans le cadre de la procédure dite accélérée, l'Assemblée Nationale a voté ce mardi 5 mai le projet de loi sur le renseignement à 438 voix pour, 86 voix contre et 42 abstentions. Le texte étend les interceptions administratives et prévoit l'installation de boîtiers de détection (les « boîtes noires ») sur les réseaux des opérateurs, FAI et fournisseurs de services. Défendu par le Premier ministre, Manuel Valls, au nom de la lutte contre le terrorisme, ce projet est dénoncé par de nombreuses organisations qui y voient l'instrument d'une surveillance de masse généralisée.
Les hébergeurs amadoués par le gouvernement
Face à la controverse, le gouvernement a pris des engagements touchant aux modalités de mise en oeuvre de ces boîtes noires lors d'une discussion mi-avril avec des hébergeurs français qui menaçaient de s'exiler si leurs revendications n'étaient pas entendues. Après la réunion avec les ministres Bernard Cazeneuve (Intérieur), Emmanuel Macron (Economie) et Axelle Lemaire (Numérique), le fondateur d'OVH, Octave Klaba, a déclaré que le projet de loi répondait désormais aux « problématiques de confiance » soulevées par les entreprises du secteur.
Gandi, en revanche, évoque la prudence. Les modalités de mise en oeuvre des boîtes noires devront faire l'objet d'un décret d'application « modifiable à tout instant par un nouveau décret qui rendrait caducs les engagements pris par le gouvernement actuel », a alerté l'hébergeur dirigé par Stephan Ramoin. Gandi a participé à la journée de mobilisation du 4 mai aux côtés des nombreux opposants au projet de loi, dont La Quadrature du Net, Amnesty International et La Ligue des Droits de l'Homme.
Une première saisine du Conseil constitutionnel
Du côté des politiques aussi, le texte divise. Une saisine soutenue par plus de 70 parlementaires a été déposée à l'initiative des députés UMP Laure de la Raudière et Pierre Lellouche pour s'assurer de la conformité du texte avec la Constitution. Et ce après que François Hollande a lui-même annoncé son intention de saisir le Conseil Constitutionnel au terme de la navette parlementaire.
« La saisine lancée par la présidence de la République, saisine dite 'à blanc', ne répondra pas aux questions précises que nous, députés, nous posons sur ce texte », a expliqué Laure de la Raudière au Figaro. « Nous sommes nombreux à avoir des doutes sur la pleine constitutionnalité du texte, principalement en matière de respect des libertés individuelles. Le pouvoir judiciaire, qui est garant de ces libertés, est le grand absent de cette loi alors que les champs d'habilitation des services de renseignements ouverts sont larges, voire flous ». La loi, a-t-elle ajouté, devrait concilier « le respect des libertés individuelles et la nécessité de sécurité ».
Une seule navette entre l'Assemblée et le Sénat
D'autres députés dans les rangs de l'UMP (Nathalie Kosciusko-Morizet, Eric Ciotti, Xavier Bertrand.) ont voté pour le texte. Mais pas Thierry Solère. Le député des Hauts-de-Seine et l'eurodéputé Philippe Juvin considèrent que le projet de loi porte atteinte à la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Les deux hommes ont annoncé saisir la Commission européenne à ce sujet. Des députés Front de Gauche et écologistes ont voté contre le texte ou se sont abstenus. Au sein de la majorité socialiste, les divisions n'ont pas bousculé la donne, le président PS de l'Assemblée, Claude Bartolone, préférant une « loi » plutôt que des « officines sans contrôle démocratique ».
Le vote solennel du jour n'a donc été qu'une formalité. Après l'Assemblée, le Sénat doit examiner le projet de loi sur le renseignement fin mai. Une unique navette entre les deux chambres est prévue.
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