Le village de Gordes veut fidéliser les touristes avec le Wi-Fi
Publié par La rédaction le - mis à jour à
Initiée notamment par la Datar et Firetide, l'expérimentation a pour objectif de déployer un réseau sans fil maillé dans ce village situé dans la superbe vallée de Cavaillon
On le sait, l'aménagement numérique du territoire pose de lourds problèmes. Les grands opérateurs nationaux rechignent (et le mot est faible) à aller couvrir en haut débit les zones rurales, les villages. Conséquence, plus de 10.000 communes françaises sont exclues de l'Internet rapide.
Alors les régions, les collectivités réagissent seules. Grâce à de nouveaux pouvoirs et aux technologies alternatives, de nombreux réseaux ruraux voient le jour. C'est le cas du village de Gordes, l'un des hauts lieux du Luberon. Le contexte à Gordes est un peu spécial. Le village a la chance d'être couvert plus ou moins bien par l'ADSL. Même si de nombreuses maisons éloignées des répartiteurs ont bien du mal à obtenir une connexion. Et que les prix proposés sont prohibitifs. Merci France Télécom ! L'objectif premier ici n'est pas de proposer du haut débit aux 2.100 habitants mais aux touristes de passage. Des touristes très nombreux et plutôt aisés: Gordes reçoit chaque année plus d'un million et demi de visiteurs et ses hôtels cumulent plus de 130.000 nuitées par an. « Pour fidéliser ces touristes, il est nécessaire d'offrir un accès Internet haut débit mobile. Il faut se mettre au niveau de ces touristes », souligne Maurice Chabert, le maire du village. « S'ils n'ont pas accès à ce type de service, qu'ils trouvent partout ailleurs, ils risquent de ne plus revenir chez nous « . Une expérimentation de réseau sans fil a donc été initiée par la Datar (Délégation à l'Aménagement du Territoire et à l'Action Régionale) en collaboration avec deux prestataires techniques: l'américain Firetide et le français Transnumeric. Le choix s'est porté sur un réseau Wi-Fi maillé (Mesh, voir encadré). Concrètement, l'accès à Internet est réalisé en partage via des points d'accès, eux mêmes connectés à un réseau sans fil mesh, déployé sur une superficie d'un kilomètre carré. Tout le village est donc couvert pour un accès sans fil nomade à haut débit. A terme, il suffira aux touristes ou aux habitants, d'aller à l'Office du tourisme pour obtenir un login et un mot de passe pour se connecter gratuitement au Net. Par la même occasion il laisseront leurs mails, histoire d'être tenu au courant (spammé ?) des actualités du village Un portail, développé par Gotapp, renseigne les habitants et les touristes sur les événements culturels, l'hôtellerie, la restauration. En bref, ce réseau doit d'abord et avant tout permettre de dynamiser les activités liées au tourisme. Pourquoi avoir choisi un réseau Wi-Fi maillé au lieu d'autres alternatives comme le CPL ou le WiMax ? Pour le responsable de la Datar, cette technologie est simple, peu coûteuse et évolutive. Elle permet en outre une bonne couverture et des débits pratiques de 1 à 2 Mb/s. Le réseau a été déployé en une semaine et n'a exigé que quelques dizaines de milliers d'euros d'investissement. La prochaine étape consistera à valider cette offre et cette technologie. Après avoir fait un bilan, le village et la Datar souhaitent qu'un opérateur vienne gérer ce réseau et proposer aux habitants, aux commerçants, des accès payants. Ainsi, les habitants non ou mal couverts par l'ADSL pourront à terme acheter des routeurs à placer sur leurs toits qui permettront d'accéder au réseau Mesh. Zoom sur le Mesh
Les réseaux Mesh dérivés du Wi-Fi sont issus d'une technique de maillage et de routage dynamique de réseau sans fil basée sur un protocole de détection de voisinage OLSR. Il fut développé par les militaires dans le cadre des systèmes de communication inter armes sur les champs de bataille et notamment expérimenté par l'armée américaine lors de la guerre d'Irak. Les réseaux mesh s'installent et se configurent automatiquement, ils co-existent avec les réseaux existants, sont d'autant plus fiables qu'il sont denses et sont par définition multiservices voix, données et vidéo. Connectés à l'Internet, ils distribuent le haut débit Ethernet 100Mb/s sur une zone locale déterminée et les cellules étant dotées d'une capacité de roaming, ils autorisent la réception en mobilité (voiture, train bus). «
Any time, any where, any device », telle est la caractéristique des réseaux 'mesh'. Les avantages sont nombreux par rapport au Wi-Fi: l'absence de câblage Ethernet rend l'installation d'un réseau maillé bien plus rapide que celle d'un réseau Wi-fi classique et facilite sa densification à partir de quelques noeuds passerelles reliés à l'Internet, sans installer d'infrastructure lourde. Les retours d'expériences d'une dizaine de réseaux opérationnels aux USA nous ont été rapportés par Xavier Dalloz, consultant, qui a d'ailleurs participé aux déploiement du réseau Mesh à Gordes. Ainsi d'énumérer les réalisations de Las Vegas, de Los Angeles, d'Oklahoma City, de Chasca où pour 500.000 dollars la ville fournit le haut débit à 20% des 7.500 foyers à l'aide d'un réseau de 168 bornes ?mesh' installées en quelques jours. L'expérience de Philadelphie, considérée comme la « digital town », étant la plus importante avec un réseau couvrant 345 km² et desservant 1,5 million d'habitants en Internet, avec, entre autres services, celui de la téléphonie VoIP. Les montants d'investissement sont relativement faibles, de l'ordre de 15.000 dollars par km² et les délais d'installation courts pour autant que l'ingénierie soit faite au préalable. Les majors de l'industrie sont déjà dans ce business ; citons notamment Motorola qui a racheté Mesh Networks, et Nortel qui ouvre la ville de Taipei. Et en tout, une dizaine de fabricants nord-américains comme Tropos, Strix Systems, BelAir, Locus, qui ont développé des systèmes propriétaires. Il faudrait aussi s'étendre sur la gamme des services offerts notamment liés à ceux de la sécurité civile (polices, pompiers, urgences?). Contrairement aux autres réseaux mobiles comme ceux du GSM, fondés sur une approche «top-down », le ?mesh' repose sur une conception « bottom-up » qui part des besoins du client et du citoyen. Avec Pierre-Antoine Baubion, consultant, PABVISION